Avec ce nouveau septennat que l’homme de la rigueur et de la moralisation, de « quand Yaoundé respire… », L’homme-lion, de la santé pour tous en l’an 2000, du renouveau, le fils de Jésus sur terre, l’homme des grandes ambitions, des grandes réalisations, de l’eau potable garantie en l’an 2013 etc. a accaparé, les camerounais peuvent lui faire confiance et par ricochet au RDPC et sans risque de se tromper qu’il n’y aura pas mieux pour nous maintenir fatalement dans les abysses de la misère.
Comme un phénomène géologique, la décrépitude de notre pays a suivi un processus lent mais inexorable entre les mains de ceux-là même qui avaient refusé l’indépendance. Pouvait-il en être autrement ? Aujourd’hui, avec le dictat des élections à la nazi et la main mise sur l’assemblée, la justice M. Biya va nous faire exploser ce volcan qui a longtemps couvé à la figure et la coulée de lave sera si fulgurante et si ardente qu’elle va brûler tout le pays et ne nous laissera ni le temps ni les yeux pour pleurer. Depuis la fin d’année 2011, barricade à Deïdo, braquages à Douala, grève avec mort d’homme à M’Bandjock, bagarres rangées à N’Gaoundéré et Garoua entre les forces de l’ordre comme entre gens de la pègre…voilà les prémices d’un septennat de toute insécurité et de la propulsion à la vitesse grand V de tout un pays aux enfers de l’indigence.
Si le processus comme nous l’avons dit a été lent mais perceptible et
date depuis les premiers jours de la colonisation nous pouvons
affirmer sans hésiter qu’il s’est accéléré dès les premières heures de
l’accession de M Ahidjo au pouvoir en 1958 point de départ de notre
nouvelle dépendance ou de la néo-colonisation. Donc à partir de 1958, en
faisant abstraction de la politique qui est une donnée dont l’analyse
et la compréhension varie en fonction des individus, tout le monde peut
voir le refus de M. Ahidjo et de son gouvernement donc M Biya – M. Biya
est l’homme qui abattu le record mondial de longévité au gouvernement –
tout au long de son règne d’appliquer une orientation constructive au
développement du pays.
Quand, en 1960, les vassaux de la France reçoivent en cadeau
l’indépendance, on vit dans une apparente abondance : les cultures de
rente se portent très bien, le franc CFA est fort, et la balance
économique est en notre faveur. Les colons s’en vont et libèrent des
postes qu’il faut pourvoir. Il y a du travail partout et pour tous. Du
CEPE jusqu’au doctorat on recrute et l’offre est de loin supérieur à la
demande. Cette facilité de vivre crée une certaine insouciance et pousse
les familles à une propension nataliste. Comme en Europe après la
deuxième guerre mondiale, le Cameroun va aussi connaître son baby-boom.
Si ailleurs on fait des prévisions au Cameroun les dirigeants
pantouflent et se disent que Dieu y pourvoira. Aucun secteur n’est pris
en main, même pas les plus prioritaires comme l’éducation, la santé,
l’agriculture ou l’industrie. Quand des voix s’élèvent pour décrier
cette navigation sans boussole, le bourreau manie la hache, les têtes
sautent et les esprits s’envolent. La terreur du parti unique tient le
pays dans une chape de plomb. Quand dans ce climat délétère le premier
choc pétrolier arrive en 1973 et secoue le pays Ahidjo se réveille, se
frotte les yeux du revers de sa main et se rend compte que Dieu n’est
pas au rendez-vous ; il s’installe une indescriptible pagaille.
Depuis plus de deux ans, les premiers baby-booms frappent aux portes des collèges. L’avant-vague des années cinquante est à l’université et commence à ressentir les premiers frémissements de cette crise, les bourses qui autrefois étaient attribuée à tous les étudiants sont réduites en valeur et nombre de récipiendaires mais aucune mesure sérieuse n’est prise ni même envisagée pour résoudre le problème de manière efficace et à long terme. On fait du saupoudrage. Les écoles primaires sont peu nombreuses et la carte scolaire suit la carte administrative ; une école primaire publique par arrondissement et non une école primaire pour un certain ratio de population. Les lycées aussi suivent la carte administrative : un lycée par département. On préfère limiter l’âge pour accéder au collège et on continue à s’orienter vers un enseignement facile, peu cher et peu productif pour un pays sous-développé : l’enseignement général.
Vers les années 1978 les premiers blocages commencent à apparaître. L’avant-vague des années 1950 a déjà occupé presque tous les postes de la fonction publique laissés par les colons. La pression démographique a poussé les pouvoirs publiques a créé presque un collège par arrondissement. Ceux que l’école a laissés en rade soit parce qu’ils n’étaient plus en âge scolaire, soit parce qu’ils n’avaient pas d’argent pour se payer le collège privé soit parce que le lycée était éloigné commencent à s’investir dans le secteur informel pour survivre. On assiste ainsi à un double blocage : le début du chômage des diplômés et celui des non diplômés. En créant par précipitation de nouveaux établissements, il se crée un autre problème ; il n’y a pas assez d’enseignants formés alors on remplace la tache par un trou. Les instituteurs titulaires du baccalauréat sont sortis des écoles primaires et envoyées dans les nouveaux collèges, pire encore, tout camerounais titulaire de ce diplôme s’il le désire peut être recruté comme instituteur contractuel. Beaucoup de personnes voyant le chômage pointer à l’horizon s’engouffrent dans cette brèche et à cœur défendant deviennent des enseignants comme le médecin de Molière. Il ne reste dans les écoles primaires que des maîtres avec le BEPC ou le CEPE et alors commence à sonner le glas pour l’enseignement. Au Cameroun, le niveau des apprenants baisse d’année en année. Des écoliers mal formés deviennent des lycéens mal formés qui deviennent soit immédiatement des maîtres mal formés, ou plus tard des profs mal formés.
Quand M. Biya prend le pouvoir en 1982, non seulement il est confronté à ce double blocage mais, en plus, si on considère que dans nos villes les enfants défavorisés sont sur le marché de travail à partir de 15 ans, il doit faire face à la poussée des baby-booms qui presse depuis déjà sept ans. Au lieu de prendre des orientations appropriées il préfère continuer sur la lancée de son mentor et faire juste quelque replâtrage : un petit « recrutement massif » par ici avec tout le matraquage médiatique, quelques concours de bourses dans les écoles de formation par là, quelque embauche en catimini vite faite pour parachever cette salade d’incongruité. On en arrive à une fonction publique obèse et inefficace qui reste le seul grand pourvoyeur d’emplois or tout le monde sait que la fonction publique est grand consommatrice des richesses mais n’en est pas productrice. Après vingt deux ans d’indépendance le Cameroun doit déjà faire à un chômage des jeunes ; le Cameroun indépendant n’a même pas pu employer ses propres enfants si on suppose que ceux qui sont nés avant 1960 sont des français d’outre mer.
En 1987 la crise qui ne faisait que survoler le pays s’écrase sur le Cameroun. Les autorités au lieu de booster la consommation pour accroître la production et relancer la croissance se mettent sous les fourches caudines du (FMI) Fond De Misère Internationale. Les investissements diminuent de façon drastique et la misère s’installe. Un matin on s’aperçoit que l’effectif de la fonction publique est pléthorique et qu’on doit l’élaguer, que les sociétés d’état ne sont pas viables ou sont peu productives qu’il faut compresser ou privatiser. Des sociétés de souveraineté comme la SONEL, SNEC, CAMRAIL…sont bradées. Ces mesures versent des familles entières dans la pauvreté. Les parents ne peuvent plus envoyer les enfants à l’école. Ceux qui ont eu des diplômes ne peuvent pas avoir des emplois et ne peuvent pas s’auto employer car il n’y a pas eu adéquation entre la formation et l’emploi et les marchés des capitaux n’existent pas pour permettre à ceux qui ont le know how d’en créer. Dans cette situation une première vague de parents qui ont perdu leur gagne pain rejoignent leurs progénitures dans le chômage. Il se crée alors dans la société camerounaise dès lors trois types de chômeur : le chômeur illettré composé d’enfant qui n’ont pas pu aller à l’école qui gagne leur pain dans le secteur informel ; le chômeur demi-lettré ou diplômé qui n’a pas trouvé du travail qui rejoint le premier groupe dans le secteur informel ; enfin le chômeur, diplômé compressé, qui a perdu son emploi et se rabat dans le secteur informel pour survivre.
C’est dans cette situation morose qu’un Cameroun sinistré parvient clopin-clopant en 1993 où un lugubre ministre de finance prend la responsabilité de réduire le salaire des fonctionnaires au tiers sans se demander quel impact cela aura sur l’économie à cours, à moyen et à long terme, pire encore un an plus tard en 1994 intervient la dévaluation du Franc CFA.
A court terme les fonctionnaires qui ont vu leur salaire réduit sont tombés subitement dans la paupérisation, leur rendement en a sérieusement souffert entraînant par le fait une profonde décrépitude du pays.
A moyen terme comme il fallait survivre, donc faire face à des dépenses incompressibles, certains se sont versé dans le secteur informel : taxi clandestin, moto taxi, cours de répétition etc. D’autres ont profité de leur poste pour arnaquer les usagers et bâtir de manière indestructible le lit de la corruption.
A long terme, les salaires étant réduits au tiers, ils ne pouvaient même plus permettre de se nourrir, de se vêtir et de se soigner. Dès la sortie de la banque on payait le premier créancier qui s e présentait avec une partie et le reste était laissé chez le premier boutiquier. Il fallait vivre d’abord l’instant. A plus tard la retraite, si seulement on l’atteindra... Vivant ainsi au jour le jour, l’avant-vague parvient, pour ceux qui ont pu arriver, à la retraite, nue et dénudée, sans avoir mis quoique se soit de côté. Elle va constituer le quatrième groupe de chômeurs, ceux du troisième âge qui vont une fois de plus retrouver leurs enfants dans le secteur informel. Ensemble, les quatre groupes vont subir la chute inexorable garantie vers les abysses de la misère, en attendant que la dernière vague, celle des premiers baby-booms, les y rejoignent d’ici 2015.