En date du 19 juin dernier, le Tribunal de première Instance de Yaoundé Ekounou a connu une effervescence particulière en raison du jugement du Ministre Polycarpe Abah Abah qui y a été traduit pour les faits « d’évasion aggravée ». Cette audience a été émaillée d’incidents dont l’issue n’a pas permis le rendu d’une justice équitable, au moment particulier où d’une part les instances ordinales les plus officielles sont interpellées sur l’indépendance de l’institution judiciaire, tandis que d’autres part, certaines personnes, plutôt que de s’en remettre à cette justice recourent à l’opinion publique, avec des déclarations et révélations qui pourraient nuire à la cohésion sociale. Cette situation témoigne de la faillite d’une institution que l’Avocat, réputé chien de garde de la démocratie, est obligé de révéler pour la dénoncer et en appeler aux autorités ordinales.
Le présent point de presse participe de cette volonté de dénonciation et de prise à témoin d’une opinion publique dont on espère qu’elle détermine les instances de décision.
Il entend éclairer sur ce que la plus part des observateurs ont appelé sans excès, « la mascarade du 19 juin 2012 devant le Tribunal de première instance de Yaoundé Ekounou ». Il s’agit donc de donner les faits qui ont généré ce procès d’un genre particulier, le déroulement de l’audience, et permettre ainsi d’apprécier la pertinence des déclarations sur l’indépendance de l’institution judiciaire au Cameroun.
Les faits :
En date du 11 mai 2012, le Ministre ABAH ABAH Polycarpe, bénéficiaire d’une autorisation de sortie de la Prison Centrale de Kondengui, a honoré sous bonne escorte, un rendez-vous médical fixé le même jour à 11 heures, à la Clinique dentaire Adventiste de Yaoundé. N’ayant pu quitter la Prison Centrale de Kondengui avec l’escorte qui lui a été affectée que vers 12 heures 32 minutes, il est arrivé à la Clinique vers 13 heures et a malheureusement trouvé que son médecin traitant était déjà parti. Il a obtenu un nouveau rendez-vous pour le 30 Mai 2012 avant d’exprimer le besoin de s’approvisionner en médicament et denrée alimentaires auprès de sa famille qui réside à ODZA. Il y a été conduit sous la même et bonne escorte.
Vers 13h 30mn, alors que l’escorte s’apprêtait à reconduire le Ministre ABAH Abah dans les locaux de la Prison Centrale de Kondengui, des individus cagoulés, lourdement armés, ont investi les lieux, violentant au passage le gardien, et se sont introduits par effraction dans la résidence familiale du Ministre Abah Abah Polycarpe. Y étant ils se sont roués sur les gardiens de prison qu’ils ont désarmés, en les mettant en joue et leur portant des coups avec leurs armes de guerre ;
Le Ministre Abah a été embarqué par ces individus non identifiés sous la menace d’une arme braquée sous sa tempe et conduit dans un lieu secret où il a été sujet à des traitements inhumains et dégradants, pendant près de 7 heures de temps.
Les responsables judiciaires informés de cette rocambolesque affaire n’en savaient rien jusqu’au moment où les médias ont commencé à en informer l’opinion…. C’est vers 21 heures que le Ministre ABAH ABAH a été conduit dans les locaux de la Direction de la Police Judiciaire, en violation des dispositions légales relatives à l’arrestation et même à la garde à vue.
Cette arrestation a donc été caractérisée par des atteintes à l’intégrité corporelle de Ministre Abah Abah et des gardiens de prison qui l’escortaient en violation de la loi, notamment du Code de Procédure Pénale.
Une telle opération n’a pas pu se dérouler sans que ses auteurs ne bénéficient d’une protection à un très haut niveau de l’Etat. Aucun agent n’a été inquiéter d’avoir procédé de cette manière, et aucune enquête n’a été ouverte malgré les dénonciations. Notre Client Polycarpe ABAH ABAH a en effet été torturé, battu, mis en joue par des individus non identifiés ;
La cabale
Le Ministre Abah Abah Polycarpe et ses Geôliers dont un intendant principal de prison et quatre éléments de la prison centrale de Yaoundé ont ainsi été gardés à vue sans mandat, sans notification même de garde à vue du 11 mai à 21 heures au 15 mai 2012. Avant de faire l’objet d’un procès verbal de flagrance de Monsieur le Procureur de la République près le Tribunal de Première Instance de Yaoundé Ekounou. L’espoir de voir rendre justice à ces personnes torturées au vu et au su de tous n’a pas été assouvi par la présentation du Ministre Abah Abah au tribunal. C’est dans un environnement de guerre, et sous toutes sortes de menaces que les détenus sont conduits à la prison, pour les gardiens de l’escorte tandis que quelques jours plus tard, le Ministre Abah Abah va faire l’objet d’un nouvel enlèvement nocturne des agents des services de la gendarmerie nationale pour être conduit en un lieu qu’il ignorait, sans qu’en soit informé sa famille, ses avocats ou une personnes susceptible de témoigner du lieu de sa détention. Cette manière de faire également est contraire à la loi. C’est bien plus tard qu’il réalisera qu’il a été déporté dans une cellule des services du Secrétariat d’Etat à la Défense en compagnie d’autres détenus dits de l’opération épervier.
Un procès va donc être organisé au cours duquel il est reproché à notre client et à ses geôliers les infractions « d’évasion aggravé » et de complicité. D’importantes violation des dispositions légales ont donné lieu à des exceptions d’ordre publiques que le juge a, par un jugement avant dire droit, curieusement joint au fond, et en violation des dispositions légales pertinentes clairement excipées. En application de la loi, ce jugement avant dire droit a fait l’objet d’un appel qui, au terme de l’article 594 du code de procédure pénale, oblige le juge à sursoir à statuer jusqu’à l’issue de la décision de la cour d’appel. Bien que cet appel ait été présenté au juge, il s’est abstenu de surseoir. Manifestement partial et plein d’aversion contre notre client et les autres personnes prévenues, Polycarpe Abah Abah a, du banc des accusés où il se trouvait, rédigé une récusation en bonne et due forme qu’il a fait déposer au siège de la cour d’appel du centre en application des dispositions pertinentes des articles 598 ( ?) Du CPP, et cette demande de récusation a été présentée au juge. Celui-ci a refusé de la prendre et a au contraire continuer à juger des gens qui l’ont régulièrement récusé. Ce faisant il a viole les dispositions de l’article 598 Qui lui fait obligation de surseoir à statuer jusqu’à ce qu’il soit prononcé sur les mérite de la demande de récusation.
Dans ce contexte l’ensemble des Avocats de la défense, suivant ses clients s’est abstenu de poursuivre la mission de défense en signe de protestation. Cela n’a rien dit au juge qui a rendu la décision que tout le monde connait.
NOUS EXIGEONS :
Convaincus qu’un magistrat ne peut se permettre des attitudes telles qu’observées au Tribunal d’Ekounou le 19 juin dernier, sauf s’il se sait couvert par une impunité garantie, à l’instar des agents qui ont procédé à l’arrestation de notre client et de ses geôliers, les Avocats de la Défense :
1- dénoncent l’instrumentalisation de certains magistrats et des forces du maintien de l’ordre, par d’autres forces occultes tapis dans les services gouvernementaux très haut placés.
2- exigent que soit garanti à leur client comme à tout justiciable, une justice équitable et indépendante ainsi que la sécurité personnelle qui convient à toute personne détenue ou non.
3- Affirment que le respect dû aux cours et tribunaux n’a de signification que si les magistrats de tout grade et de toute instance, s’appliquent au respect et à l’application des lois et des règlements qui assurent par leur impersonnalité l’équité qui convient à l’institution judiciaire.
Tel est la signification du présent point de presse pour lequel nous avons invité les médias nationaux et internationaux.
Notes de la rédaction de Camer.be: Jean Calvin BILONG - Antoine Marcel MONG – Michel ATANGANA AYISSI - Marion NKO’O - NOUGA - Marthe ZINTCHEM, Avocats au Barreau du Cameroun. BP 285 Yaoundé Cameroun. Téléphones: (237) 22 23 49 48 - 99 83 70 78. Télécopie/ Fax 00 237 22 23 49 48