Plus de neuf multinationales parties en 5 ans
Plus de neuf multinationales parties en 5 ans
(La Nouvelle Expression 07/12/2010)
Elles vont dans la majorité des cas s’installer dans d’autres pays africains.
Ce n’est pas un bon signe d’après plusieurs membres du patronat. Surtout qu’elles vont dans la majorité des cas s’installer dans d’autres pays africains.
C’est Shell qui ouvre le bal de cette valse des départs. Fin novembre 2005, la multinationale anglo-néerlandaise qui avait établi son quartier général à l’immeuble siège des Brasseries du Cameroun, à Bali, annonce brutalement son départ du Cameroun. C’est la panique totale. L’étonnement aussi. « Comment un grand groupe comme celui-là, aussi ancien peut partir comme ça », s’interrogent la majorité des Camerounais, les plus âgés, surtout. Rien de bon à se mettre sous la dent quant aux raisons de ce départ.
Tout s’est dit en catimini. Les jérémiades des délégués du personnel, l’intervention du ministre du Travail et de la sécurité sociale (Mintss), encore moins les multiples sit-in des employés ne changent rien sur la décision de la maison mère. Celle-ci dépêche au Cameroun Georges Brunton, le président du groupe dans les 14 pays d’Afrique centrale et ceux de l’Afrique de l’Ouest, pour conclure les accords avec le repreneur de ses investissements humains et matériels identifié quelques semaines plutôt.
Il s’agit de Texaco Cameroun, un autre gros poids lourd dans le marché du pétrole. Cette dernière hérite donc de tout le patrimoine de Shell au Cameroun. Après cette cession, quelques arrangements sont trouvés cahin-caha aux revendications des employés. La page de Shell est ainsi tournée au Cameroun. Une triste fin… Avant que les amoureux de Shell « aux très belles stations-service » ne se remettent de leurs émotions, un autre mastodonte du segment annonce aussi son départ. Il s’agit de Mobil Cameroun, filiale du groupe américain Exxon Mobil. Nous sommes en octobre 2007. Deuxième coup de tonnerre. Cette entreprise est rachetée par Tamoil Africa holdings limited, un groupe libyen ayant pignon sur rue en Afrique.
Batailles, tractations et manœuvres
Comme Texaco Cameroun, ce groupe hérite des 360 stations-service de Mobil Cameroun, ainsi que tout le patrimoine d’ailleurs. Mais, pour des raisons stratégiques, le groupe libyen Tamoil Africa holdings limited, refuse d’exploiter son nouveau filon sous son ancien nom. Tamoil Africa décide ainsi du changement de sa dénomination en celle de « Libya Oil ». En conséquence, Libya Oil Cameroon est adoptée comme dénomination sociale de la filiale camerounaise. Quelques que semaines après, Texaco Cameroun qui, en 2005 a avalé Shell décide de vendre ses actions à un groupe nigérian pas très connu dans les pays d’Afrique centrale, Corlay Sa en l’occurrence.
Cette transaction fait un grand tabac. Pire que dans les deux autres cas d’ailleurs. Des délégués du personnel mettent la pression aux autorités camerounaises pour qu’elles stoppent la vente, en vain. Au terme de plusieurs mois de batailles, de tractations et de manœuvres, la société Texaco, très célèbre avec son étoile, cède la place à Corlay Sa qui opère avec Mrs comme nom commercial. Le secteur pétrolier n’est pas le seul à enregistrer ces départs inédits des multinationales. Le vent souffle aussi du côté de l’industrie du tabac. En effet, la British american tobacco (Bat) d’où vient le nom du prestigieux quartier Bastos, à Yaoundé, ferme sa seule usine du pays, en ouvrant à la place une boutique moderne au quartier Bonapriso, à Douala.
L’agro-industrie est également frappée précisément dès 2008 avec le départ de Barry Callebaut dans le marché de la chocolaterie, suite au rachat de ses parts par le groupe sud-africain Tiger Brand, spécialisé dans les produits de marque et la santé. Même si Barry Callebaut reste toujours propriétaire de Sic Cacaos d’où vient le cacao transformé de Chococam, le départ de grand groupe implanté au Cameroun en 1952 dans le segment chocolaterie n’est pas un fait anodin pour nombre d’observateurs avertis. Toujours dans l’agro-industrie, PZ, un groupe anglo-grec connu au Cameroun à travers la marque Sipca s’est retiré au marché camerounais, après avoir cédé ses actions à un Camerounais, un certain Kandem. Et plus récemment, un autre grand groupe anglo-hollandais a suivi le rythme.
Cas Total E&P Cameroun. Il s’agit d’Unilever qui est plus connu au Cameroun à travers les marques Calvé pour la mayonnaise, Signal pour les pates dentifrices, etc. Comme pour PZ, les parts dette grande multinationale sont achetées par un groupe d’employés locaux qui ont vite fait de changer de dénomination. Ainsi, Unilever est devenu Tropik Industrie. Le marché bancaire est aussi dans le même élan, avec le départ du célèbre groupe bancaire français, le Crédit agricole, repreneur du Crédit lyonnais.
En effet, le Crédit agricole quitte le Cameroun. Ses parts ont été rachetées par le groupe marocain Attijariwafa Bank. Un autre coup de tonnerre. Dans le marché du tissu, un autre groupe important s’est implanté au Cameroun, avant de quitter quelques mois seulement après. Il s’agit de Vlisco qui est allé s’installer dans un autre pays africain. Le départ qui continue de soulever ancre et salive c’est celui de Total E&P Cameroun. Cette entreprise française solidement implantée au Cameroun, et dans un segment aussi prisé, l’exploitation du pétrole, a annoncé en début de ce mois qu’elle se retirait de ce segment, en cédant ses parts à Perenco qui est pratiquement le benjamin dans ce secteur.
Le géant pétrolier français détenait une participation de 75,8% dans la société camerounaise, aux cotés de la Société nationale des hydrocarbures (Snh) 20% et de la société Paris Orléans, appartenant au groupe Rothshild (4,2%). Toujours dans l’exploration et la production, une rumeur fait état de ce que Pecten serait en train de chercher à vendre ses actions. Nous n’avons malheureusement pas pu avoir un responsable de cette entreprise qui a son siège à l’immeuble Cbc, à Bonanjo, pour avoir la confirmation. Dans l’ensemble, ces départs à répétition des multinationales, environ 9 en 5 ans seulement inquiète plusieurs membres du patronat.
Ceux rencontrés préfèrent parler dans l’anonymat à cause de leurs positions. «Ces multinationales ne se retirent pas pour rien. Sans doute, elles voient des choses que nous ne voyons pas », argumente un dirigeant de banque, en reconnaissant que l’environnement des affaires au Cameroun n’est pas encore propice à l’éclosion des activités. Son inquiétude est encore poussée quand il fait allusion au secteur pétrolier. « On dit qu’il y a beaucoup de pétrole à Bakassi, mais les grandes multinationales s’en vont pour laisser la place aux petits groupes dans la plupart régionaux ?
Ce n’est pas suspect ça ? », s’interroge-t-il, dubitatif. « L’Afrique représente à peine 2% du commerce mondial. Le départ de ces groupes n’est pas un bon signe. Au niveau actuel de l’économie, on ne peut pas encore se passer de ces gens-là », observe un autre membre. « On ne devrait pas se retrouver dans une situation de à la place de, mais en plus de », renchérit le banquier. Dans l’ensemble, ils interpellent l’Etat qui, d’après eux, doit prendre ce problème au sérieux.
Robert Tangakou «Ces départs ont pour conséquence les pertes d’activité, d’emplois, de revenus fiscaux »
Spécialiste des questions bancaires et consultant, il analyse les raisons de ces multiples départs des multinationales ainsi que les conséquences pour l’économie camerounaise.
Qu’est-ce qui peut expliquer d’après vous ces départs en l’espace de 5 ans seulement ?
A mon humble avis, les multinationales sont des entreprises privées commerciales à but lucratif. Elles se déploient dans le monde en fonction de leurs intérêts notamment les perspectives de développement de leurs activités et rentabilité. Dès lors que ces perspectives ne semblent plus aussi favorables que leurs dirigeants le souhaitent, des stratégies sont mises en œuvre pour les transférer vers des pays plus à même de faire fructifier leurs capitaux.
Quelles peuvent être les conséquences de ces multiples départs pour l’économie camerounaise ?
Ces conséquences pourraient être perçues sous des aspects négatifs ou positifs : sur le plan négatif, il est possible de considérer que ces départs constituent des fuites ou sorties de capitaux de nos pays avec pour corollaire les pertes d’activité, d’emplois, de revenus fiscaux, etc,. Sur le plan positif, on peut imaginer que ces départs résultent de la pression de la concurrence pratiquée par les entreprises locales notamment dans le domaine de la distribution des produits pétroliers avec des coûts de structure nettement plus bas. Ce qui peut constituer des opportunités pour les entrepreneurs nationaux qui ont des possibilités de création d’entreprises plus nombreuses avec tout cela comporte comme volant d’activités (travaux publics, recrutements de personnels, augmentation de la consommation et de la production locales, etc)
Dans la plupart des cas, ce sont les groupes ou entreprises africaines qui rachètent les parts, comment comprendre cela ?
Il me semble qu’il s’agit ici tout simplement des objectifs de rentabilité et d’une volonté d’un capitalisme africain de promouvoir une coopération sud-sud. En effet, si les multinationales souhaitent un niveau de rentabilité plus élevé au regard de l’importance des capitaux engagés, les promoteurs africains peuvent avec moins de fonds obtenir une rentabilité nettement meilleure car leurs charges de fonctionnement sont nettement plus allégées que celles de leurs prédécesseurs.
S’agissant du secteur pétrolier, l’exploitation, le départ de Total ne cache-t-il pas quelque chose ?
Le départ de total surtout dans le secteur de la distribution s’explique par la forte concurrence des nationaux dans le secteur. Par contre Total reste et consolide sa position dans les autres domaines (exploration, exploitation de gaz à kribi) si je m’en tiens à la récente visite du PDG de ce groupe au Cameroun et il en a profité pour être reçu par le chef de l’Etat.
Le pétrole camerounais n’est-il pas en train de tarir ?
Certes le pétrole camerounais semble tarir mais des opportunités de nouveaux gisements existent (pensez au conflit de la péninsule de Bakassi). Notre pays ne peut pas être entouré de pays où des gisements importants sont dénichés (Tchad, Nigéria, Guinée Equatoriale) et on imagine que des perspectives favorables ne s’annoncent pas chez nous. Des rumeurs font d’état de nombreux gisements non encore officiellement déclarés. Dans l’économie mondiale, l’Afrique ne représente que 2% des parts, est ce que l’Afrique peut déjà s’en passer de l’expertise occidentale?
Non, il me semble que nous avons besoin de l’expertise occidentale. Souvenez-vous du développement japonais depuis l’ère des Meiji qui ont mis en œuvre une stratégie de transfert de technologie occidentale vers leur pays. Il en est de même de nos jours notamment avec la Chine et l’Inde. Nous devons maintenir un partenariat serré avec l’occident afin d’y faire former nos compatriotes et promouvoir des joints venture avec des hommes d’affaires occidentaux pour profiter par cette
occasion de leur transfert de technologie. Bien au préalable, il faudrait bien entendu que le cadre des affaires régulièrement décrié par la banque mondiale soit amélioré. Cette réponse est tout aussi valable pour le Cameroun.
Propos recueillis par Hervé B.Endong
(La Nouvelle Expression 07/12/2010)
Elles vont dans la majorité des cas s’installer dans d’autres pays africains.
Ce n’est pas un bon signe d’après plusieurs membres du patronat. Surtout qu’elles vont dans la majorité des cas s’installer dans d’autres pays africains.
C’est Shell qui ouvre le bal de cette valse des départs. Fin novembre 2005, la multinationale anglo-néerlandaise qui avait établi son quartier général à l’immeuble siège des Brasseries du Cameroun, à Bali, annonce brutalement son départ du Cameroun. C’est la panique totale. L’étonnement aussi. « Comment un grand groupe comme celui-là, aussi ancien peut partir comme ça », s’interrogent la majorité des Camerounais, les plus âgés, surtout. Rien de bon à se mettre sous la dent quant aux raisons de ce départ.
Tout s’est dit en catimini. Les jérémiades des délégués du personnel, l’intervention du ministre du Travail et de la sécurité sociale (Mintss), encore moins les multiples sit-in des employés ne changent rien sur la décision de la maison mère. Celle-ci dépêche au Cameroun Georges Brunton, le président du groupe dans les 14 pays d’Afrique centrale et ceux de l’Afrique de l’Ouest, pour conclure les accords avec le repreneur de ses investissements humains et matériels identifié quelques semaines plutôt.
Il s’agit de Texaco Cameroun, un autre gros poids lourd dans le marché du pétrole. Cette dernière hérite donc de tout le patrimoine de Shell au Cameroun. Après cette cession, quelques arrangements sont trouvés cahin-caha aux revendications des employés. La page de Shell est ainsi tournée au Cameroun. Une triste fin… Avant que les amoureux de Shell « aux très belles stations-service » ne se remettent de leurs émotions, un autre mastodonte du segment annonce aussi son départ. Il s’agit de Mobil Cameroun, filiale du groupe américain Exxon Mobil. Nous sommes en octobre 2007. Deuxième coup de tonnerre. Cette entreprise est rachetée par Tamoil Africa holdings limited, un groupe libyen ayant pignon sur rue en Afrique.
Batailles, tractations et manœuvres
Comme Texaco Cameroun, ce groupe hérite des 360 stations-service de Mobil Cameroun, ainsi que tout le patrimoine d’ailleurs. Mais, pour des raisons stratégiques, le groupe libyen Tamoil Africa holdings limited, refuse d’exploiter son nouveau filon sous son ancien nom. Tamoil Africa décide ainsi du changement de sa dénomination en celle de « Libya Oil ». En conséquence, Libya Oil Cameroon est adoptée comme dénomination sociale de la filiale camerounaise. Quelques que semaines après, Texaco Cameroun qui, en 2005 a avalé Shell décide de vendre ses actions à un groupe nigérian pas très connu dans les pays d’Afrique centrale, Corlay Sa en l’occurrence.
Cette transaction fait un grand tabac. Pire que dans les deux autres cas d’ailleurs. Des délégués du personnel mettent la pression aux autorités camerounaises pour qu’elles stoppent la vente, en vain. Au terme de plusieurs mois de batailles, de tractations et de manœuvres, la société Texaco, très célèbre avec son étoile, cède la place à Corlay Sa qui opère avec Mrs comme nom commercial. Le secteur pétrolier n’est pas le seul à enregistrer ces départs inédits des multinationales. Le vent souffle aussi du côté de l’industrie du tabac. En effet, la British american tobacco (Bat) d’où vient le nom du prestigieux quartier Bastos, à Yaoundé, ferme sa seule usine du pays, en ouvrant à la place une boutique moderne au quartier Bonapriso, à Douala.
L’agro-industrie est également frappée précisément dès 2008 avec le départ de Barry Callebaut dans le marché de la chocolaterie, suite au rachat de ses parts par le groupe sud-africain Tiger Brand, spécialisé dans les produits de marque et la santé. Même si Barry Callebaut reste toujours propriétaire de Sic Cacaos d’où vient le cacao transformé de Chococam, le départ de grand groupe implanté au Cameroun en 1952 dans le segment chocolaterie n’est pas un fait anodin pour nombre d’observateurs avertis. Toujours dans l’agro-industrie, PZ, un groupe anglo-grec connu au Cameroun à travers la marque Sipca s’est retiré au marché camerounais, après avoir cédé ses actions à un Camerounais, un certain Kandem. Et plus récemment, un autre grand groupe anglo-hollandais a suivi le rythme.
Cas Total E&P Cameroun. Il s’agit d’Unilever qui est plus connu au Cameroun à travers les marques Calvé pour la mayonnaise, Signal pour les pates dentifrices, etc. Comme pour PZ, les parts dette grande multinationale sont achetées par un groupe d’employés locaux qui ont vite fait de changer de dénomination. Ainsi, Unilever est devenu Tropik Industrie. Le marché bancaire est aussi dans le même élan, avec le départ du célèbre groupe bancaire français, le Crédit agricole, repreneur du Crédit lyonnais.
En effet, le Crédit agricole quitte le Cameroun. Ses parts ont été rachetées par le groupe marocain Attijariwafa Bank. Un autre coup de tonnerre. Dans le marché du tissu, un autre groupe important s’est implanté au Cameroun, avant de quitter quelques mois seulement après. Il s’agit de Vlisco qui est allé s’installer dans un autre pays africain. Le départ qui continue de soulever ancre et salive c’est celui de Total E&P Cameroun. Cette entreprise française solidement implantée au Cameroun, et dans un segment aussi prisé, l’exploitation du pétrole, a annoncé en début de ce mois qu’elle se retirait de ce segment, en cédant ses parts à Perenco qui est pratiquement le benjamin dans ce secteur.
Le géant pétrolier français détenait une participation de 75,8% dans la société camerounaise, aux cotés de la Société nationale des hydrocarbures (Snh) 20% et de la société Paris Orléans, appartenant au groupe Rothshild (4,2%). Toujours dans l’exploration et la production, une rumeur fait état de ce que Pecten serait en train de chercher à vendre ses actions. Nous n’avons malheureusement pas pu avoir un responsable de cette entreprise qui a son siège à l’immeuble Cbc, à Bonanjo, pour avoir la confirmation. Dans l’ensemble, ces départs à répétition des multinationales, environ 9 en 5 ans seulement inquiète plusieurs membres du patronat.
Ceux rencontrés préfèrent parler dans l’anonymat à cause de leurs positions. «Ces multinationales ne se retirent pas pour rien. Sans doute, elles voient des choses que nous ne voyons pas », argumente un dirigeant de banque, en reconnaissant que l’environnement des affaires au Cameroun n’est pas encore propice à l’éclosion des activités. Son inquiétude est encore poussée quand il fait allusion au secteur pétrolier. « On dit qu’il y a beaucoup de pétrole à Bakassi, mais les grandes multinationales s’en vont pour laisser la place aux petits groupes dans la plupart régionaux ?
Ce n’est pas suspect ça ? », s’interroge-t-il, dubitatif. « L’Afrique représente à peine 2% du commerce mondial. Le départ de ces groupes n’est pas un bon signe. Au niveau actuel de l’économie, on ne peut pas encore se passer de ces gens-là », observe un autre membre. « On ne devrait pas se retrouver dans une situation de à la place de, mais en plus de », renchérit le banquier. Dans l’ensemble, ils interpellent l’Etat qui, d’après eux, doit prendre ce problème au sérieux.
Robert Tangakou «Ces départs ont pour conséquence les pertes d’activité, d’emplois, de revenus fiscaux »
Spécialiste des questions bancaires et consultant, il analyse les raisons de ces multiples départs des multinationales ainsi que les conséquences pour l’économie camerounaise.
Qu’est-ce qui peut expliquer d’après vous ces départs en l’espace de 5 ans seulement ?
A mon humble avis, les multinationales sont des entreprises privées commerciales à but lucratif. Elles se déploient dans le monde en fonction de leurs intérêts notamment les perspectives de développement de leurs activités et rentabilité. Dès lors que ces perspectives ne semblent plus aussi favorables que leurs dirigeants le souhaitent, des stratégies sont mises en œuvre pour les transférer vers des pays plus à même de faire fructifier leurs capitaux.
Quelles peuvent être les conséquences de ces multiples départs pour l’économie camerounaise ?
Ces conséquences pourraient être perçues sous des aspects négatifs ou positifs : sur le plan négatif, il est possible de considérer que ces départs constituent des fuites ou sorties de capitaux de nos pays avec pour corollaire les pertes d’activité, d’emplois, de revenus fiscaux, etc,. Sur le plan positif, on peut imaginer que ces départs résultent de la pression de la concurrence pratiquée par les entreprises locales notamment dans le domaine de la distribution des produits pétroliers avec des coûts de structure nettement plus bas. Ce qui peut constituer des opportunités pour les entrepreneurs nationaux qui ont des possibilités de création d’entreprises plus nombreuses avec tout cela comporte comme volant d’activités (travaux publics, recrutements de personnels, augmentation de la consommation et de la production locales, etc)
Dans la plupart des cas, ce sont les groupes ou entreprises africaines qui rachètent les parts, comment comprendre cela ?
Il me semble qu’il s’agit ici tout simplement des objectifs de rentabilité et d’une volonté d’un capitalisme africain de promouvoir une coopération sud-sud. En effet, si les multinationales souhaitent un niveau de rentabilité plus élevé au regard de l’importance des capitaux engagés, les promoteurs africains peuvent avec moins de fonds obtenir une rentabilité nettement meilleure car leurs charges de fonctionnement sont nettement plus allégées que celles de leurs prédécesseurs.
S’agissant du secteur pétrolier, l’exploitation, le départ de Total ne cache-t-il pas quelque chose ?
Le départ de total surtout dans le secteur de la distribution s’explique par la forte concurrence des nationaux dans le secteur. Par contre Total reste et consolide sa position dans les autres domaines (exploration, exploitation de gaz à kribi) si je m’en tiens à la récente visite du PDG de ce groupe au Cameroun et il en a profité pour être reçu par le chef de l’Etat.
Le pétrole camerounais n’est-il pas en train de tarir ?
Certes le pétrole camerounais semble tarir mais des opportunités de nouveaux gisements existent (pensez au conflit de la péninsule de Bakassi). Notre pays ne peut pas être entouré de pays où des gisements importants sont dénichés (Tchad, Nigéria, Guinée Equatoriale) et on imagine que des perspectives favorables ne s’annoncent pas chez nous. Des rumeurs font d’état de nombreux gisements non encore officiellement déclarés. Dans l’économie mondiale, l’Afrique ne représente que 2% des parts, est ce que l’Afrique peut déjà s’en passer de l’expertise occidentale?
Non, il me semble que nous avons besoin de l’expertise occidentale. Souvenez-vous du développement japonais depuis l’ère des Meiji qui ont mis en œuvre une stratégie de transfert de technologie occidentale vers leur pays. Il en est de même de nos jours notamment avec la Chine et l’Inde. Nous devons maintenir un partenariat serré avec l’occident afin d’y faire former nos compatriotes et promouvoir des joints venture avec des hommes d’affaires occidentaux pour profiter par cette
occasion de leur transfert de technologie. Bien au préalable, il faudrait bien entendu que le cadre des affaires régulièrement décrié par la banque mondiale soit amélioré. Cette réponse est tout aussi valable pour le Cameroun.
Propos recueillis par Hervé B.Endong
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