Place Paul Biya: Un carrefour à problèmes au coeur de la capitale
Yaoundé - 26 Juillet 2010
© Xavier Messè | Mutations
Balade au cœur d’un projet architectural au quartier Nlongkak de Yaoundé, qui n’est pas allé au bout de sa logique, mais dont la récupération politique pourrait créer d’autres problèmes, notamment avec le partenaire français.
«Prince» est accroupi, la face orientée vers le gazon dont il taille les angles avec un soin qu’une berceuse accorde à un nouveau né. De temps à autre, il se redresse sur son petit corps d’adolescent en quête de corpulence avec sa trentaine d’années sonnées. Il montre les quatre larges triangles du jardin que lui et ses collègues sont appelés à entretenir. Ces quatre jardiniers, qui arrachent ce jour-là la mauvaise herbe des espaces verts du « Carrefour Préfecture » de Nlongkak à Yaoundé, appartiennent à l’entreprise Hortilands. Tout ce que «Prince» sait de cette entreprise, est que son patron est Blanc ; il ne connait rien de sa nationalité non plus. Il sait aussi que son patron a gagné un autre marché: les espaces verts qui entourent l’Hôtel de ville.
«Prince» et ses collègues jardiniers sont affectés tantôt à l’Hôtel de ville, tantôt au «Carrefour Préfecture» pour des travaux identiques, après que le gros œuvre ait été accomplie par l’entreprise française Razel. «Prince», de son vrai nom Mbita Andzongo, est originaire du département du Dja et Lobo. On l’appelle «Prince» parce qu’au moment où il venait au monde, son père était chef de quartier dans son village proche de Sangmélima. «Mes amis continuent de m’appeler ainsi, j’aime ce petit nom», affirme t-il le sourire en coin.
Le «Carrefour Préfecture», doté d’un sens giratoire avec un passage souterrain, est rendu utilisable depuis bientôt six mois. Le rond central, qui est l’une des composantes de cet ouvrage, est relevé d’un socle de 5 mètres de hauteur sur un diamètre de 1 mètre de chaque côté. L’ensemble du projet, un gigantesque ouvrage, est le plus audacieux jamais entrepris depuis l’adoption des programmes destinés à réaménager la capitale afin d’améliorer les conditions de déplacement dans la ville.
Rond central
Ce carrefour, revu, ouvre désormais sur le rond point Djoungolo et s’étend au Centre culturel camerounais pour ce qui est de son flanc nord. De la Délégation générale à la Sureté, au ministère des Relations extérieures pour le flanc oriental et sud de l’ouvrage. A l’intérieur de ce triangle équilatéral, se trouvent de nombreux caniveaux qui drainent des eaux pluviales ; un souterrain à deux voies, le tout en béton armé. Des jardins paysagers occupent 6.500 m2 de terrain dont les 2/3 sont sur le flanc nord du «Carrefour Préfecture».
Quatre jetées convergent vers le rond central du Carrefour. Le point de convergence est le socle évoqué plus haut. Ngombi dit « général » coordonne les travaux de pose de pierres sur les quatre allées. Il explique: «les pierres que nous posons sur les allées sont brutes ; dans leur état, la chaussure adhère bien pour faciliter la marche des visiteurs. Celles qui sont posées sur le grand socle sont polies ; elles brillent à distance. Il y a deux raisons à cela : tout au tour de cette place, il ya des projecteurs qui vont illuminer le monument ; quand les pierres sont polies, elles projetteront des reflets qui produiront un bel effet. L’autre raison est que, le personnage qui sera posé sur ce socle devra jouir d’une bonne luminosité grâce aux projecteurs et aux pierres qui ornent le tronc du socle».
Selon un autre ouvrier de Razel, son entreprise a achevé les tâches qui lui avaient été assignées. La Communauté urbaine de Yaoundé pourra, quand elle l’estimera le temps venu, réceptionner l’ouvrage. Mais il précise : « La Communauté urbaine a demandé à Razel de fabriquer des bans qui seront placés tout au tour du monument. En plus, si le principe de poser sur ce socle le buste d’une personnalité est définitivement retenu et admis, on fera naturellement appel à notre entreprise pour fixer le buste en question ».
De quel buste s’agit-il alors ? A cette question, les conversations se grippent. Autant les ouvriers disséminés autour du grand carrefour se permettent quelques indiscrétions, autant à la Communauté urbaine de Yaoundé, les personnes indiquées, susceptibles de donner une information crédible, deviennent des carpes. Philippe Arnold Ndzana, directeur des Services techniques de la Communauté, pourtant personnage reconnu affable, disponible et accueillant, ne parvient plus à honorer des rendez-vous pourtant librement accordés. Jean-Marie Etoundi, le responsable des relations publiques à la Communauté, n’accepte plus de recevoir, ni de prendre au téléphone des personnes susceptibles de lui poser une question sur la nature de la personnalité dont le buste, commandé par le Délégué du gouvernement, sera posée sur le socle du rond central au « Carrefour de la Préfecture » Le sujet est tabou dans tous les services de la Communauté.
Baptême
Selon un informateur bien introduit à la Cuy et auprès de l’entreprise Razel, Tsimi Evouna avait voulu ce rond central et son socle pour y poser le buste de Paul Biya. Cela relève d’ailleurs d’une parfaite logique: en novembre 2009, pendant que les travaux de Razel s’acheminent vers leur terme, le Délégué du gouvernement convoque les 42 membres du Conseil de Communauté. Ce Conseil est une instance de concertation et de décision sur de grands problèmes impliquant la ville de Yaoundé. Les 7 arrondissements de Yaoundé y sont représentés au niveau des maires et des conseillers municipaux désignés. Tsimi Evouna qui sait parfaire ce qu’il entreprend, avait préalablement pris le soin de rédiger l’objet de la réunion : baptiser le « Carrefour de la Préfecture » et- son giratoire de «Place Paul Biya». Le scénario ainsi minutieusement monté, il ne restait plus qu’à scruter dans la salle le petit doigt qui demanderait la parole pour faire objection. La décision ainsi adoptée à l’unanimité, il fallait ensuite réfléchir sur la manière de matérialiser ce baptême. Une commande est passée à un artisan dans une banlieue de Yaoundé pour produire le buste du chef de l’Etat.
L’image retenue est celle de sa photo officielle. Les caractéristiques sculpturales devaient être les mêmes que celles du buste de John Fitzgerald Kennedy qui embelli l’avenue du même nom au centre ville de Yaoundé, mais avec des dimensions plus grandes. L’ouvrage aurait été produit depuis 3 mois. Sa pose cérémoniale avait été programmée au moment des festivités des cinquantenaires. Dans un premier temps, la cérémonie avait été différée, puis, selon des informations proches de la Cuy, des proches du chef de l’Etat lui ont déconseillé de cautionner de son vivant le grand cadeau du maire de Yaoundé.
Gilbert Tsimi Evouna se retrouve pour l’heure avec deux socles sur lesquels il faudra poser des personnalités dont les noms pour le moment, ne courent pas les rues : outre le Carrefour de la Préfecture, il faudra également meubler le socle érigé devant l’Hôtel de ville. Selon d’autres informations puisées à bonne source, le buste fabriqué destiné à la « Place Paul Biya » repose en lieu sûr dans une chambre hermétiquement fermée au Musée national, bâtiment qui abritait les anciens services de la présidence de la République, en attendant une décision qui ne viendra que du palais d’Etoudi.
Urbanisation : Polémique autour du projet architectural
Est-ce cette place qu’il fallait construire ?
Yaoundé avait commencé à poser de sérieux problèmes de déplacement dans le centre ville depuis près de 20 ans. La population citadine, en permanente croissance, le parc automobile également, la construction de nouvelles routes et des voies de desserte entre quartier ne suivaient pas en revanche. C’est dans ce contexte que la Communauté urbaine lance des études de diagnostic pour tenter d’améliorer la mobilité des personnes et des automobiles notamment.
Le secteur appelé Djoungolo est identifié comme principal goulot d’étranglement de la circulation dans la capitale. Cette identification, en son temps, fut sérieusement combattue par certains urbanistes qui proposaient par contre de construire une ceinture périphérique, seule solution pour éviter de traverser obligatoirement la capitale par tout véhicule allant du nord au sud, de l’est à l’ouest et dans les sens inverses. Si on était parvenu à discipliner les gros transporteurs de tout genre de traverser la ville en journée, il n’en est pas de même des cars de transport de personnes ; ils obstruent le centre ville de la même manière que les véhicules de moindre gabarit.
Le délégué du gouvernement auprès de la Communauté urbaine, Gilbert Tsimi Evouna pèsera de tout son poids sur l’option giratoire avec un passage souterrain que nous avons à ce jour. Existait-il dans l’option privilégiée du grand maire de la capitale des dessous politiques ? Cette hypothèse n’est pas totalement à exclure ; un proche collaborateur du délégué du gouvernement, sous anonymat, dit que son patron «cherche chaque jour à poser un acte qui plairait à celui qui l’a nommé à son poste», (entendu, le président de la République. Ndlr)
Pourtant, estime un cadre qui a apporté sa contribution pour la conception de ce carrefour : «Pour ce genre d'ouvrage, on procède d’abord à des études pour apprécier sa rentabilité économique pour la ville, en engageant les aménagements proposés en rapport avec les investissements réalisés. Les avantages à récolter se mesurent essentiellement en termes de gains sur le temps. De ce point de vue, l'ouvrage avait été jugé non rentable; en tout cas, les études montraient qu'un giratoire (comme celui du Rond-point de la poste centrale de Yaoundé) était largement suffisant». On entend, du point de vue de ce technicien supérieur, que l’ouvrage, tel qu’il se présente maintenant avec un souterrain et ses oripeaux au niveau du rond central, ne relève que des fantasmes politiques.
Le 11avril 2008, le Premier ministre de l’époque, Ephraïm Enoni lance officiellement le début des travaux d’aménagement du Carrefour de la Préfecture. Un architecte qui a suivi l’exécution des travaux de cette réalisation affirme : «Dans ce genre de cas, on doit toujours faire, lorsque cela s’impose, un choix entre l’économique et le politique. Le délégué du gouvernement a fait un choix politique… Il a dû assumer les conséquences de son choix en sollicitant du gouvernement une rallonge de 7 milliards puisés sur fonds PPTE. L’Agence française de développement s'était opposée à l’option actuelle, jugée inutilement onéreuse, alors que la solution du giratoire simple ne devait coûter qu'environ 4 milliards, financés sur C2D…»
Harmonie architecturale
Le Carrefour de la Préfecture ne semble pas épouser tous les contours dignes d’un ouvrage d’art comme cela se voit ailleurs. Au-delà de sa définition architecturale identifiable, il lui aurait fallu également un environnement auquel il s’apparente pour créer une harmonie artistique et architecturale. Cette perspective fait défaut au rond point de Djoungolo : quels rapports a-t-il avec le bâtiment qui abrite les services de la Police des frontières, avec les services du gouverneur, ou avec la préfecture au style colonial qui jouxte par sa proximité le rond central de cet ouvrage, la préfecture de Yaoundé 1er, dont la devanture a été "rabotée" et qui ne ressemble plus à rien du tout, alors qu'il fait partie du patrimoine architectural historique de la ville ?
Ce carrefour dénivelé pose aussi un autre problème non négligeable : pour le premier venu, on se serait attendu à ce qu'il permette un passage rapide des grumiers, mais ceux-ci doivent emprunter les petites bretelles et le giratoire au dessus. La hauteur du passage souterrain étant limitée à 4m, il ne leur est pas autorisé à emprunter cette voie. Une surveillance incertaine est assurée par des veilleurs à peine visibles qui n’ont aucune capacité à empêcher qu’un camionneur, lancé à pleine vitesse, ne rentre dans le souterrain, avec les risques que cela entrainerait en cas choc entre le béton armé et les produits transportés.
La mobilité des piétons et des automobilistes souhaitée au début de ce projet à cet endroit signifie, la facilité laissée aux piétons de traverser les rues qui convergent vers le rond central ; la facilité qu’auraient les bus de la ville à déposer les passagers ; la facilité qu’auraient aussi les automobilistes à garer leurs véhicules, le temps de contempler le paysage ainsi que le personnage du buste à poser très probablement dans les prochains mois. Il n’existe pas, pour l’heure, la moindre honnêteté pour affirmer que ces objectifs ont été atteints, sauf celui inavoué de consacrer cette place à l’actuel locataire du palais de l’Unité
© Xavier Messè | Mutations
Balade au cœur d’un projet architectural au quartier Nlongkak de Yaoundé, qui n’est pas allé au bout de sa logique, mais dont la récupération politique pourrait créer d’autres problèmes, notamment avec le partenaire français.
«Prince» est accroupi, la face orientée vers le gazon dont il taille les angles avec un soin qu’une berceuse accorde à un nouveau né. De temps à autre, il se redresse sur son petit corps d’adolescent en quête de corpulence avec sa trentaine d’années sonnées. Il montre les quatre larges triangles du jardin que lui et ses collègues sont appelés à entretenir. Ces quatre jardiniers, qui arrachent ce jour-là la mauvaise herbe des espaces verts du « Carrefour Préfecture » de Nlongkak à Yaoundé, appartiennent à l’entreprise Hortilands. Tout ce que «Prince» sait de cette entreprise, est que son patron est Blanc ; il ne connait rien de sa nationalité non plus. Il sait aussi que son patron a gagné un autre marché: les espaces verts qui entourent l’Hôtel de ville.
«Prince» et ses collègues jardiniers sont affectés tantôt à l’Hôtel de ville, tantôt au «Carrefour Préfecture» pour des travaux identiques, après que le gros œuvre ait été accomplie par l’entreprise française Razel. «Prince», de son vrai nom Mbita Andzongo, est originaire du département du Dja et Lobo. On l’appelle «Prince» parce qu’au moment où il venait au monde, son père était chef de quartier dans son village proche de Sangmélima. «Mes amis continuent de m’appeler ainsi, j’aime ce petit nom», affirme t-il le sourire en coin.
Le «Carrefour Préfecture», doté d’un sens giratoire avec un passage souterrain, est rendu utilisable depuis bientôt six mois. Le rond central, qui est l’une des composantes de cet ouvrage, est relevé d’un socle de 5 mètres de hauteur sur un diamètre de 1 mètre de chaque côté. L’ensemble du projet, un gigantesque ouvrage, est le plus audacieux jamais entrepris depuis l’adoption des programmes destinés à réaménager la capitale afin d’améliorer les conditions de déplacement dans la ville.
Rond central
Ce carrefour, revu, ouvre désormais sur le rond point Djoungolo et s’étend au Centre culturel camerounais pour ce qui est de son flanc nord. De la Délégation générale à la Sureté, au ministère des Relations extérieures pour le flanc oriental et sud de l’ouvrage. A l’intérieur de ce triangle équilatéral, se trouvent de nombreux caniveaux qui drainent des eaux pluviales ; un souterrain à deux voies, le tout en béton armé. Des jardins paysagers occupent 6.500 m2 de terrain dont les 2/3 sont sur le flanc nord du «Carrefour Préfecture».
Quatre jetées convergent vers le rond central du Carrefour. Le point de convergence est le socle évoqué plus haut. Ngombi dit « général » coordonne les travaux de pose de pierres sur les quatre allées. Il explique: «les pierres que nous posons sur les allées sont brutes ; dans leur état, la chaussure adhère bien pour faciliter la marche des visiteurs. Celles qui sont posées sur le grand socle sont polies ; elles brillent à distance. Il y a deux raisons à cela : tout au tour de cette place, il ya des projecteurs qui vont illuminer le monument ; quand les pierres sont polies, elles projetteront des reflets qui produiront un bel effet. L’autre raison est que, le personnage qui sera posé sur ce socle devra jouir d’une bonne luminosité grâce aux projecteurs et aux pierres qui ornent le tronc du socle».
Selon un autre ouvrier de Razel, son entreprise a achevé les tâches qui lui avaient été assignées. La Communauté urbaine de Yaoundé pourra, quand elle l’estimera le temps venu, réceptionner l’ouvrage. Mais il précise : « La Communauté urbaine a demandé à Razel de fabriquer des bans qui seront placés tout au tour du monument. En plus, si le principe de poser sur ce socle le buste d’une personnalité est définitivement retenu et admis, on fera naturellement appel à notre entreprise pour fixer le buste en question ».
De quel buste s’agit-il alors ? A cette question, les conversations se grippent. Autant les ouvriers disséminés autour du grand carrefour se permettent quelques indiscrétions, autant à la Communauté urbaine de Yaoundé, les personnes indiquées, susceptibles de donner une information crédible, deviennent des carpes. Philippe Arnold Ndzana, directeur des Services techniques de la Communauté, pourtant personnage reconnu affable, disponible et accueillant, ne parvient plus à honorer des rendez-vous pourtant librement accordés. Jean-Marie Etoundi, le responsable des relations publiques à la Communauté, n’accepte plus de recevoir, ni de prendre au téléphone des personnes susceptibles de lui poser une question sur la nature de la personnalité dont le buste, commandé par le Délégué du gouvernement, sera posée sur le socle du rond central au « Carrefour de la Préfecture » Le sujet est tabou dans tous les services de la Communauté.
Baptême
Selon un informateur bien introduit à la Cuy et auprès de l’entreprise Razel, Tsimi Evouna avait voulu ce rond central et son socle pour y poser le buste de Paul Biya. Cela relève d’ailleurs d’une parfaite logique: en novembre 2009, pendant que les travaux de Razel s’acheminent vers leur terme, le Délégué du gouvernement convoque les 42 membres du Conseil de Communauté. Ce Conseil est une instance de concertation et de décision sur de grands problèmes impliquant la ville de Yaoundé. Les 7 arrondissements de Yaoundé y sont représentés au niveau des maires et des conseillers municipaux désignés. Tsimi Evouna qui sait parfaire ce qu’il entreprend, avait préalablement pris le soin de rédiger l’objet de la réunion : baptiser le « Carrefour de la Préfecture » et- son giratoire de «Place Paul Biya». Le scénario ainsi minutieusement monté, il ne restait plus qu’à scruter dans la salle le petit doigt qui demanderait la parole pour faire objection. La décision ainsi adoptée à l’unanimité, il fallait ensuite réfléchir sur la manière de matérialiser ce baptême. Une commande est passée à un artisan dans une banlieue de Yaoundé pour produire le buste du chef de l’Etat.
L’image retenue est celle de sa photo officielle. Les caractéristiques sculpturales devaient être les mêmes que celles du buste de John Fitzgerald Kennedy qui embelli l’avenue du même nom au centre ville de Yaoundé, mais avec des dimensions plus grandes. L’ouvrage aurait été produit depuis 3 mois. Sa pose cérémoniale avait été programmée au moment des festivités des cinquantenaires. Dans un premier temps, la cérémonie avait été différée, puis, selon des informations proches de la Cuy, des proches du chef de l’Etat lui ont déconseillé de cautionner de son vivant le grand cadeau du maire de Yaoundé.
Gilbert Tsimi Evouna se retrouve pour l’heure avec deux socles sur lesquels il faudra poser des personnalités dont les noms pour le moment, ne courent pas les rues : outre le Carrefour de la Préfecture, il faudra également meubler le socle érigé devant l’Hôtel de ville. Selon d’autres informations puisées à bonne source, le buste fabriqué destiné à la « Place Paul Biya » repose en lieu sûr dans une chambre hermétiquement fermée au Musée national, bâtiment qui abritait les anciens services de la présidence de la République, en attendant une décision qui ne viendra que du palais d’Etoudi.
Urbanisation : Polémique autour du projet architectural
Est-ce cette place qu’il fallait construire ?
Yaoundé avait commencé à poser de sérieux problèmes de déplacement dans le centre ville depuis près de 20 ans. La population citadine, en permanente croissance, le parc automobile également, la construction de nouvelles routes et des voies de desserte entre quartier ne suivaient pas en revanche. C’est dans ce contexte que la Communauté urbaine lance des études de diagnostic pour tenter d’améliorer la mobilité des personnes et des automobiles notamment.
Le secteur appelé Djoungolo est identifié comme principal goulot d’étranglement de la circulation dans la capitale. Cette identification, en son temps, fut sérieusement combattue par certains urbanistes qui proposaient par contre de construire une ceinture périphérique, seule solution pour éviter de traverser obligatoirement la capitale par tout véhicule allant du nord au sud, de l’est à l’ouest et dans les sens inverses. Si on était parvenu à discipliner les gros transporteurs de tout genre de traverser la ville en journée, il n’en est pas de même des cars de transport de personnes ; ils obstruent le centre ville de la même manière que les véhicules de moindre gabarit.
Le délégué du gouvernement auprès de la Communauté urbaine, Gilbert Tsimi Evouna pèsera de tout son poids sur l’option giratoire avec un passage souterrain que nous avons à ce jour. Existait-il dans l’option privilégiée du grand maire de la capitale des dessous politiques ? Cette hypothèse n’est pas totalement à exclure ; un proche collaborateur du délégué du gouvernement, sous anonymat, dit que son patron «cherche chaque jour à poser un acte qui plairait à celui qui l’a nommé à son poste», (entendu, le président de la République. Ndlr)
Pourtant, estime un cadre qui a apporté sa contribution pour la conception de ce carrefour : «Pour ce genre d'ouvrage, on procède d’abord à des études pour apprécier sa rentabilité économique pour la ville, en engageant les aménagements proposés en rapport avec les investissements réalisés. Les avantages à récolter se mesurent essentiellement en termes de gains sur le temps. De ce point de vue, l'ouvrage avait été jugé non rentable; en tout cas, les études montraient qu'un giratoire (comme celui du Rond-point de la poste centrale de Yaoundé) était largement suffisant». On entend, du point de vue de ce technicien supérieur, que l’ouvrage, tel qu’il se présente maintenant avec un souterrain et ses oripeaux au niveau du rond central, ne relève que des fantasmes politiques.
Le 11avril 2008, le Premier ministre de l’époque, Ephraïm Enoni lance officiellement le début des travaux d’aménagement du Carrefour de la Préfecture. Un architecte qui a suivi l’exécution des travaux de cette réalisation affirme : «Dans ce genre de cas, on doit toujours faire, lorsque cela s’impose, un choix entre l’économique et le politique. Le délégué du gouvernement a fait un choix politique… Il a dû assumer les conséquences de son choix en sollicitant du gouvernement une rallonge de 7 milliards puisés sur fonds PPTE. L’Agence française de développement s'était opposée à l’option actuelle, jugée inutilement onéreuse, alors que la solution du giratoire simple ne devait coûter qu'environ 4 milliards, financés sur C2D…»
Harmonie architecturale
Le Carrefour de la Préfecture ne semble pas épouser tous les contours dignes d’un ouvrage d’art comme cela se voit ailleurs. Au-delà de sa définition architecturale identifiable, il lui aurait fallu également un environnement auquel il s’apparente pour créer une harmonie artistique et architecturale. Cette perspective fait défaut au rond point de Djoungolo : quels rapports a-t-il avec le bâtiment qui abrite les services de la Police des frontières, avec les services du gouverneur, ou avec la préfecture au style colonial qui jouxte par sa proximité le rond central de cet ouvrage, la préfecture de Yaoundé 1er, dont la devanture a été "rabotée" et qui ne ressemble plus à rien du tout, alors qu'il fait partie du patrimoine architectural historique de la ville ?
Ce carrefour dénivelé pose aussi un autre problème non négligeable : pour le premier venu, on se serait attendu à ce qu'il permette un passage rapide des grumiers, mais ceux-ci doivent emprunter les petites bretelles et le giratoire au dessus. La hauteur du passage souterrain étant limitée à 4m, il ne leur est pas autorisé à emprunter cette voie. Une surveillance incertaine est assurée par des veilleurs à peine visibles qui n’ont aucune capacité à empêcher qu’un camionneur, lancé à pleine vitesse, ne rentre dans le souterrain, avec les risques que cela entrainerait en cas choc entre le béton armé et les produits transportés.
La mobilité des piétons et des automobilistes souhaitée au début de ce projet à cet endroit signifie, la facilité laissée aux piétons de traverser les rues qui convergent vers le rond central ; la facilité qu’auraient les bus de la ville à déposer les passagers ; la facilité qu’auraient aussi les automobilistes à garer leurs véhicules, le temps de contempler le paysage ainsi que le personnage du buste à poser très probablement dans les prochains mois. Il n’existe pas, pour l’heure, la moindre honnêteté pour affirmer que ces objectifs ont été atteints, sauf celui inavoué de consacrer cette place à l’actuel locataire du palais de l’Unité