Pius NJAWÉ: Sordides manœuvres autour d'un mort
YAOUNDE - 27 JUILLET 2010
© FRANÇOIS LASIER | Aurore Plu
Les Camerounais, à l'image de tous les peuples négro-africains, sont des nécrophiles notoires. Ils adorent les morts et les préfèrent à la limite aux vivants. Aujourd'hui encore, ils sont des centaines de milliers à proclamer leur amour fusionnel pour Um Nyobe, 52 ans après la mort de notre héros national incontesté. Les héros sont plus charmants encore lorsqu'ils ont été tués. Conséquence, pour qu'un héros s'impose comme tel, il faut lui trouver un assassin. Michael Jackson est mort d'une overdose de barbituriques compliqués, exactement comme Bob Marley est mort d'un joint de trop. Les fans de la popstar ne s'en consolent pas et accablent son médecin personnel de lui avoir administré la dose qui tue. Pour Bob Marley, on n'a pas sonné le FBI pour des enquêtes. Le reggae man était classé drogué, «no nganja, no music». Or, personne n'est sûr qu'on n'a pas été compliquer le dernier joint du kayaman d'une petite substance compliquée.
Pius Njawé ne peut pas être un mort gratuit. Le FBI est en état d'alerte maximum sur les traces d'une improbable opération «Homo I». Guerandi Mbara est disposé à mettre ses nasaux de putschiste à contribution pour débusquer le tueur de Njawé. Malheureusement, le même FBI n'a jamais retrouvé les tueurs de John Fitzgerald Kennedy, mort d'une méchante balle dans la tête.
Pour les accidents de la route, les statistiques des accidents de la route aux Etats-Unis donnent simplement le vertige. Selon les chiffres de l'autorité fédérale de la circulation routière, on apprend par exemple que, en 2003, il y a eu pas moins que six millions et demi d'accidents de voiture aux Etats-Unis. Soit dix fois tout le parc automobile d'un pays comme le Cameroun, bend-skins compris. Les blessés, pour la même année, on en a compté, 2,9 millions, près de trois millions de personnes, toute la population des villes de Douala et d'Edéa. Les morts, il y en avait un paquet de 42 643 personnes. Assez de ces sinistres comparaisons. Une chose est sûre, on meurt plus probablement d'un accident de circulation aux Etats-Unis, on en meurt beaucoup moins au Cameroun. Au pays de Barack Obama, 115 personnes meurent chaque jour sur les routes, soit un cadavre toutes les 13 minutes.
Les surdoués de l'arithmétique viendront nous conter que les Etats-Unis ont rien de commun avec le Cameroun, en termes de superficie, en termes de parc automobile, en termes d’infrastructures routières. Mais proportion pour proportion, s'il meurt 50 mille personnes aux Etats-Unis chaque année, cela fait bien une mortalité routière de 1,6 %. Le Cameroun ne fait pas aussi mal. Il ne meurt pas 3 200 personnes sur nos routes sur l'année.
Quelqu'un avait-il intérêt à voir mourir Pius ? Pourquoi ? Devenir président ? Il n'avait aucune chance. On connaît le tarif à l'avance, pas plus que 1% des suffrages, exactement comme son autre confrère Boniface Forbin du journal «The Herald» qui s'est présenté à la dernière élection présidentielle.
On s'emmêle plus loin les pinceaux et on nous écrit par exemple que l'idée d'une alternance politique a été impulsée aux Etats-Unis avec le projet Camdiac. On se surprend à mentir. L'idée d'une alternance politique à Etoudi est vieille de vingt ans. Elle est née ici, avec les cartons rouges et les slogans «Biya must go» des années 90. Tout est abscons, venant d'un journaliste, lorsqu'on présente Njawé comme candidat à l'élection présidentielle alors qu'il n'est porté par aucun parti politique.
On ment encore lorsqu'on laisse entendre que «Pius Njawé était devenu une épine dans la chaussure du groupe Bolloré...»
Mon ami Jean-Marc Sobboth doit avoir froid au Canada et s'est un peu ramolli. Pius Njawé n'a jamais été une épine dans le pied de Bolloré, il était tout au contraire partant pour la cause du groupe depuis qu'il a commis un de ses journalistes pour une balade au bord de Seine aux frais de Vincent Bolloré. Il faut savoir de quoi on parle. C'est dans les colonnes du Messager que le groupe Bolloré a publié ses histoires farfelues de dividendes à distribuer après l'entrée de la Socapalm en Bourse. J'avais personnellement alerté Pius sur le sujet de l'escroquerie, il a passé outre. Pius était tout, un allié objectif, un collabo, sauf une épine dans la chaussure de Bolloré.
Pense-t-on, un cadavre peut servir de fonds de commerce pour quelques vautours à l'affût et pour des quidams qui s'agitent. Alors, on peut forcer la note. Pius est mort assassiné par le régime et les réseaux de Paul Biya. Parfait. Pour un tel mort, les journalistes doivent se mettre à contribution. Le communiqué nous dit «à partir de dix mille francs». Traduction, ceux qui n'auront que deux mille ou cinq mille balles seront interdits de la fête. Ne sont pas dispensés tous les journalistes virés du Messager avec huit mois d'arriérés de salaire. Si l'arithmétique marche bien, on a à peu près 2000 journalistes au Cameroun.
A dix mille balles par tête, on est rendu à 200 millions. Pour un seul enterrement ? Autant d'argent aurait servi à soigner Thomas Eyoum'a Ntoh, le chevalier de la plume qui a fait les beaux jours du Messager. On ignore les vivants pour enrichir les morts. Personne n'est sûr que Pius aurait aimé un tel cirque autour de ses obsèques. Arrêtons les surenchères. Pius Njawé est mort d'un accident de circulation, ça peut arriver à tout le monde. Que ceux qui veulent aller cracher sur sa tombe attendent au moins qu'il ait été enterré.
© FRANÇOIS LASIER | Aurore Plu
Les Camerounais, à l'image de tous les peuples négro-africains, sont des nécrophiles notoires. Ils adorent les morts et les préfèrent à la limite aux vivants. Aujourd'hui encore, ils sont des centaines de milliers à proclamer leur amour fusionnel pour Um Nyobe, 52 ans après la mort de notre héros national incontesté. Les héros sont plus charmants encore lorsqu'ils ont été tués. Conséquence, pour qu'un héros s'impose comme tel, il faut lui trouver un assassin. Michael Jackson est mort d'une overdose de barbituriques compliqués, exactement comme Bob Marley est mort d'un joint de trop. Les fans de la popstar ne s'en consolent pas et accablent son médecin personnel de lui avoir administré la dose qui tue. Pour Bob Marley, on n'a pas sonné le FBI pour des enquêtes. Le reggae man était classé drogué, «no nganja, no music». Or, personne n'est sûr qu'on n'a pas été compliquer le dernier joint du kayaman d'une petite substance compliquée.
Pius Njawé ne peut pas être un mort gratuit. Le FBI est en état d'alerte maximum sur les traces d'une improbable opération «Homo I». Guerandi Mbara est disposé à mettre ses nasaux de putschiste à contribution pour débusquer le tueur de Njawé. Malheureusement, le même FBI n'a jamais retrouvé les tueurs de John Fitzgerald Kennedy, mort d'une méchante balle dans la tête.
Pour les accidents de la route, les statistiques des accidents de la route aux Etats-Unis donnent simplement le vertige. Selon les chiffres de l'autorité fédérale de la circulation routière, on apprend par exemple que, en 2003, il y a eu pas moins que six millions et demi d'accidents de voiture aux Etats-Unis. Soit dix fois tout le parc automobile d'un pays comme le Cameroun, bend-skins compris. Les blessés, pour la même année, on en a compté, 2,9 millions, près de trois millions de personnes, toute la population des villes de Douala et d'Edéa. Les morts, il y en avait un paquet de 42 643 personnes. Assez de ces sinistres comparaisons. Une chose est sûre, on meurt plus probablement d'un accident de circulation aux Etats-Unis, on en meurt beaucoup moins au Cameroun. Au pays de Barack Obama, 115 personnes meurent chaque jour sur les routes, soit un cadavre toutes les 13 minutes.
Les surdoués de l'arithmétique viendront nous conter que les Etats-Unis ont rien de commun avec le Cameroun, en termes de superficie, en termes de parc automobile, en termes d’infrastructures routières. Mais proportion pour proportion, s'il meurt 50 mille personnes aux Etats-Unis chaque année, cela fait bien une mortalité routière de 1,6 %. Le Cameroun ne fait pas aussi mal. Il ne meurt pas 3 200 personnes sur nos routes sur l'année.
Quelqu'un avait-il intérêt à voir mourir Pius ? Pourquoi ? Devenir président ? Il n'avait aucune chance. On connaît le tarif à l'avance, pas plus que 1% des suffrages, exactement comme son autre confrère Boniface Forbin du journal «The Herald» qui s'est présenté à la dernière élection présidentielle.
On s'emmêle plus loin les pinceaux et on nous écrit par exemple que l'idée d'une alternance politique a été impulsée aux Etats-Unis avec le projet Camdiac. On se surprend à mentir. L'idée d'une alternance politique à Etoudi est vieille de vingt ans. Elle est née ici, avec les cartons rouges et les slogans «Biya must go» des années 90. Tout est abscons, venant d'un journaliste, lorsqu'on présente Njawé comme candidat à l'élection présidentielle alors qu'il n'est porté par aucun parti politique.
On ment encore lorsqu'on laisse entendre que «Pius Njawé était devenu une épine dans la chaussure du groupe Bolloré...»
Mon ami Jean-Marc Sobboth doit avoir froid au Canada et s'est un peu ramolli. Pius Njawé n'a jamais été une épine dans le pied de Bolloré, il était tout au contraire partant pour la cause du groupe depuis qu'il a commis un de ses journalistes pour une balade au bord de Seine aux frais de Vincent Bolloré. Il faut savoir de quoi on parle. C'est dans les colonnes du Messager que le groupe Bolloré a publié ses histoires farfelues de dividendes à distribuer après l'entrée de la Socapalm en Bourse. J'avais personnellement alerté Pius sur le sujet de l'escroquerie, il a passé outre. Pius était tout, un allié objectif, un collabo, sauf une épine dans la chaussure de Bolloré.
Pense-t-on, un cadavre peut servir de fonds de commerce pour quelques vautours à l'affût et pour des quidams qui s'agitent. Alors, on peut forcer la note. Pius est mort assassiné par le régime et les réseaux de Paul Biya. Parfait. Pour un tel mort, les journalistes doivent se mettre à contribution. Le communiqué nous dit «à partir de dix mille francs». Traduction, ceux qui n'auront que deux mille ou cinq mille balles seront interdits de la fête. Ne sont pas dispensés tous les journalistes virés du Messager avec huit mois d'arriérés de salaire. Si l'arithmétique marche bien, on a à peu près 2000 journalistes au Cameroun.
A dix mille balles par tête, on est rendu à 200 millions. Pour un seul enterrement ? Autant d'argent aurait servi à soigner Thomas Eyoum'a Ntoh, le chevalier de la plume qui a fait les beaux jours du Messager. On ignore les vivants pour enrichir les morts. Personne n'est sûr que Pius aurait aimé un tel cirque autour de ses obsèques. Arrêtons les surenchères. Pius Njawé est mort d'un accident de circulation, ça peut arriver à tout le monde. Que ceux qui veulent aller cracher sur sa tombe attendent au moins qu'il ait été enterré.