Un complot contre la sécurité de l’Etat. Cela pourrait bien être le dessein des personnes à l’origine du réseau parallèle de fibre optique découvert lundi.
A Yaoundé, les réunions de crise se succèdent depuis le lundi 10 septembre 2012 au siège de la Cameroon telecommunications (Camtel), opérateur public camerounais de télécommunications. Ce jour là, raconte Gérard Assouzo’o, son chef de la cellule de communication, une centaine de personnes ont pris d’assaut cette entreprise réclamant le payement de leur salaire. Ils disent avoir posé au compte de Camtel, la fibre optique le long de la route Douala-Yaoundé. Surprise, la société n’ayant entrepris ces derniers jours aucune opération du genre, les responsables descendent sur les lieux et découvrent le pot au rose : plus de 150 km de câble déjà posés soit 70 km entre Douala et Edéa et 80 km sur le tronçon Bomnyebel-Yaoundé. Ils découvrent aussi des travaux d’installation de la fibre optique entre Bomnyebel, Eseka et Lolodorf.
Des complicités en interne
Camtel qui a tout de suite fait un constat d’huissier et porté plainte contre inconnu, mène depuis sa propre enquête. C’est ainsi qu’elle a pu apprendre des ouvriers que sur le câble posé, il y avait les initiales de Camtel. Une information qui fait craindre des complicités en interne. « Dans le cadre du projet Backbone, du matériel a été acheté. Il est possible qu’il ait pu disparaitre lors du transport de la douane vers les magasins Camtel ou de Camtel vers les localités où il était utilisé», soupçonne Gérard Assouzo’o. Un soupçon qui peut être élargie aux autorités administratives quand on sait que « ce travail est effectué depuis juillet sans qu’on se rende compte ».
Les enquêteurs sont par ailleurs en possession d’un ensemble de numéros de téléphone appartenant à des supposés chefs d’équipe ou entrepreneurs. C’est en appelant l’un de ces numéros que les responsables de Camtel se sont d’ailleurs entendus dire que « le patron est aux États-Unis. Il vous payera une fois de retour». Le nom d’un certain Fokou ou d’une entreprise dénommée Mosana (l’orthographe n’est pas sûre), reviendraient également à ce stade de l’enquête.
Selon nos informations, l’investissement déjà consenti pour mettre en place ce réseau parallèle de fibre optique est estimé à plus d’un demi-milliard de Fcfa. Un investissement qui préoccupe l’opérateur public de télécommunications. La question à élucider étant de savoir qu’elle est le dessein de la personne (morale ou physique) qui a déboursé tant d’argent. M. Assouzo’o émet deux hypothèses.
Le premier objectif peut être commercial. Selon le responsable de la communication de Camtel, « en mettant en place un réseau fantôme sur le backbone, ils sont capables de détruire le marché en proposant que se soit pour internet que pour le téléphone, des prix 10 fois plus bas que ceux pratiqués actuellement». Et ceci est possible. Car « ces gens auraient pu se connecter nuitamment au réseau national et fonctionner 5 ou 10 ans sans être démasqué » affirme Assouzo’o qui dédouane cependant son entreprise estimant que la surveillance du réseau national de fibre optique, actuellement long de près de 6 000 km, est difficile.
Il n’est non plus exclu qu’il s’agisse d’un projet de déstabilisation. Car comme l’explique également le chef de la cellule de communication de Camtel, avec un réseau frauduleux, on n’est capable de mettre des gens sur écoute et d’accéder même aux informations destinées au chef de l’Etat. Il y a donc là s’inquiète Gérard Assouzo’o, «un problème de sécurité de l’Etat, des citoyens et des biens ».