Philemon Yang : Le maître et les insubordonnés





En l’espace d’une semaine, le Premier a essuyé la rébellion de différents membres du gouvernement.

Mardi 5 mai, Patrice Amba Salla, ministre des Travaux publics, parlant des lenteurs et du retard pris dans la signature du décret portant indemnisations des populations de la route Sangmélima-Djoum-Mintom-Ouesso, tance le Premier ministre. Pour lui, il est difficile d’admettre qu’un document administratif, dans le cadre d’un projet aussi important, n’ait pas été rendu public trois ans après le lancement des travaux. «On ne peut pas signer un acte administratif pendant trois ans». La veille, sur le terrain à Sangmélima, afin de lever toute équivoque sur le sens de son propos, le ministre des Travaux publics va s’adresser aux populations en langue locale et mettre ainsi en évidence la puissance inertielle du chef du gouvernement : «Ce n’est pas moi qui signe les décrets ; si cela dépendait de moi, il y a longtemps que je l’aurais fait».

Avant lui, Issa Tchiroma Bakary, manque de peu, lors d’une de ses traditionnelles conférence de presse, s’agissant du passage au numérique, de dire que le Pm ne sert à rien : «Qui est le Premier ministre quand le président de la République a parlé ?» La liste des crimes de lèse-majesté commis contre le 12ème premier ministre de l’histoire du Cameroun, à l’immeuble Etoile depuis le 29 juin 2009, peut s’allonger à l’infini. Entre l’insubordination du ministre des Arts et de la Culture, Ama Tutu Muna, dessaisie de la gestion du droit d’auteur par la présidence de la République et qui s’empresse de (faire) créer une société de gestion collective le lendemain dans son village à Mbengwi, région du Nord-Ouest, et les nominations à problème d’Essimi Menye ministre de l’Agriculture, Philemon Yang fait face à une race de frondeurs qui ne prennent plus de gants et ne mâchent pas leurs mots pour donner à voir sur l’inertie et la défiance qui semblent s’être emparées du magistère de Maître Yang.

Si certains observent avec délectation à peine dissimulée ce spectacle affligeant digne des républiques cacaoyères, difficile de comprendre le pourquoi du comment un magistrat éprouve tant de difficultés à donner du relief à sa fonction et à imposer une direction à ses ministres. «Il ne tranche rien ; il laisse tout en suspens et attend tout de la présidence sans prendre de risque. Ce qui ouvre la voie à la manipulation», explique un cadre de ses services. Du coup, le pouvoir se retrouve dans la rue.

 

Plusieurs membres du gouvernement n’ont pas réussi à procéder à des nominations du fait des lenteurs observées dans le circuit de la primature. C’est ainsi par exemple qu’Essimi Menye, alors ministre des Finances, eut recours directement au chef de l’Etat pour nommer le directeur général du Trésor. Ce qui courrouça fortement Philemon Yunji Yang qui l’apprit par les médias.

Sur l’inertie, l’indolence, la trop grande prudence, les avis se rejoignent et se recoupent. Sur le dossier de la TNT placée sous son autorité directe, l’absence de relief de celui qui fut pendant 10 ans doyen du corps diplomatique sur les 20 années passées au Canada comme ambassadeur, a donné du pouvoir au Mincom qui en a profité pour imposer ses choix. De même, alors qu’il est président du conseil d’administration de la nouvelle Camair Co, la compagnie pique du nez et s’enlise dans un endettement abyssal. Pendant son séjour en diplomatie, l’ancien ministre de l’Elevage et des industries animales, du 2 mai 1978 au 4 février 1984, après un baptême du feu le 30 septembre 1975 comme vice-ministre de l’Administration territoriale, traîne plutôt une réputation de conciliateur et de rassembleur.

Sur le terrain politique, l’on a découvert un stratège avec qui le Rdpc, parti au pouvoir, a réussi reconquérir le Nord-ouest. Depuis son arrivée comme chef politique de cette région frondeuse où trônait jadis sans partage le Sdf du Chairman John Fru Ndi, les scores du parti au pouvoir aux consultations électorales se sont améliorés. Parti de un député en 2002, il a remporté neuf sièges sur 16 au parlement en 2007. Une tendance qui s’est confirmée en 2013 lors des dernières élections législatives, municipales et sénatoriales.

Mais, si l’ancien procureur de la Cour d’appel de Buéa, 68 ans, tancé par ses ministres, donne l’impression que cette bronca glisse sur lui comme de l’eau sur le dos du canard, il reprend la main en sifflant la fin de la récréation. Carton jaune à Essimi Menye, multirécidiviste qui ne manque pas l’occasion de fouler au pied l’autorité du Pm dans le même dossier. Mise au ban et demande d’explication à Ama Tutu Muna, récalcitrante ministre des Arts et de la Culture, qui ne parvient plus à cacher sa proximité avec le ministre de la Justice. Vivement que cette bronca contre le chef du gouvernement soit la dernière dans une république où les réseaux sulfureux ont fait le lit d’une insubordination nocive.

© Mutations : Pierre Célestin Atangana 08/05/2015



08/05/2015
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