Pétrole et compil’ : Jean-Baptiste Nguni Effa propose un condensé de connaissances générales sur l’or noir.

Cameroun - Pétrole et compil’ : Jean-Baptiste Nguni Effa propose un condensé de connaissances générales sur l’or noir.Ce n’est point un ouvrage d’information ou de sensibilisation. Ce n’est pas non plus une revue technique à l’intention des initiés. Son auteur se fait d’ailleurs le devoir de le préciser d’entrée de jeu, qui le présente comme «une recherche et une synthèse bibliographiques assez larges sur les hydrocarbures». Il regrette, en passant, de n’avoir pas pu disposer d’un tel document didactique pendant ses années de seconde scientifique jusqu’au niveau de la maîtrise dans l’enseignement supérieur.

Le titre du livre, lui aussi, campe un champ exploratoire par trop globalisant. «Les hydrocarbures dans le monde, en Afrique et au Cameroun» embrasse donc un univers quasi illimité. Plutôt qu’une enquête sur la recherche, l’exploitation de l’or noir et du gaz qui va avec, ainsi que l’utilisation – très souvent controversée de leurs ressources financières, c’est en réalité une compilation de données. Et en cela Jean-Baptiste Nguini Effa fait oeuvre utile en permettant au chercheur, voire au gestionnaire de l’information, de disposer d’un volume de données dont la reconstitution s’avère souvent hardue.

La compil’ de Jean-Baptiste Nguini Effa, ancien directeur général de la Société camerounaise des dépôts pétroliers (Scdp), aujourd’hui derrière les barreaux pour détournement de deniers publics et qui se présente luimême comme en incarcération préventive «après des enquêtes et expertises bâclées», balaie des très larges horizons. Elle va de «l’âge du feu» à l’âge industriel, à l’éthique, à la santé, à la sécurité, à l’environnement et à la formation. Elle fait une incursion dans les régimes pétroliers et les différents types de contrats et les marchés des hydrocarbures dans le monde, s’arrête au raffinage et à la pétrochimie et propose, en annexes, le Code pétrolier du Cameroun, la liste et les capacités des principales raffineries planétaires ou encore les principales périodes de l’industrie de l’or noir dans le monde (1859-2009).

Sur le registre de la proximité, le lecteur camerounais sera, sans doute, plus intéressé de découvrir un univers opaque raconté par un homme de l’intérieur, ingénieur en pétrochimie, docteur d’Etat ès sciences physiques et qui, en 15 ans passés à la tête de la Scdp, en sait certainement beaucoup sur un domaine qui charrie les passions. Hélas, la partie nationale réservée au secteur ne renseigne presque sur rien que les connaisseurs de la chose ne savaient déjà. Jean-Baptiste Nguini Effa, en tentant d’esquiver les lieux communs, s’est toutefois essayé à une petite arithmétique. Pour constater que le mécanisme de péréquation soutien des prix à la pompe – conduit à un «bilan à somme nulle», les recettes reversées au Trésor public par la Société nationale des hydrocarbures (Snh) étant happées par ladite subvention, et donc ne profitant pas aux couches sociales défavorisées. Prêchant pour sa chapelle, il «persiste et recommande que le gaz naturel, tout comme le pétrole brut, soit réservé dans un avenir proche de 2035, aux seules utilisations pétrochimiques et chimiques».

Bonnes feuilles

Pages 329 à 330 1.000 milliards de micmacs

Peut-on dire que les hydrocarbures sont bien gérés au Cameroun ? Ma réponse est mitigée. Oui, du point de vue stratégique et structurel, car depuis le début des premières découvertes en passant par le début de l’exploitation en 1977 et jusqu’à nos jours, en cette fin d’année 2011, le Cameroun s’est doté de toutes les structures, sociétés et organismes qu’il fallait pour suivre l’exploitation et la mise en valeur de l’or noir au niveau de l’amont et de l’aval pétroliers.

Non, du point de vue du développement économique et social, car en dehors de l’objectif de l’indépendance énergétique, notre pays n’a pas su, comme la plupart des pays africains d’ailleurs, profiter de la rente pétrolière pour tenter de s’extirper du sous-développement chronique vers l’émergence d’une part, et n’a pas mis sur pied au moins les bases de la pétrochimie et d’une raffinerie de seconde génération qui auraient été facteurs de l’industrialisation d’autre part. En outre, nous assistons depuis 2008 à un bilan à somme nulle où la Snh a reversé environ 1.000 milliards de FCfa en près de trois exercices budgétaires au trésor public (ce qui est louable et transparent) et durant la même période la Csph a rétrocédé aux consommateurs pétroliers et à la Sonara, 1.000 milliards de FCfa pour subventionner en pure perte les produits pétroliers, pour entre autres prévenir les tensions sociales en bloquant les prix à la pompe (il n’y a pas de raison d’en être fier).

Non seulement il n’est pas démontré (et la Banque mondiale l’affirme aussi) que ces subventions ont profité aux couches les plus défavorisées de notre population (consommateurs essentiels du pétrole lampant), mais avec 1.000 milliards de FCfa, l’Etat aurait pu réaliser les investissements nécessaires pour le Port en eau profonde de Kribi, pour le barrage de Lom Pangar et pour l’extension et la modernisation de la Société nationale de raffinage (Sonara), sans recourir à aucun emprunt auprès des banques privées et des bailleurs de fonds comme la Chine, ou par d’autres emprunts obligataires. Avec 1.000 milliards de FCfa, on aurait pu désenclaver toutes les routes rurales et moderniser totalement notre agriculture, une des bases de notre économie et du plein emploi, et même construire les hôpitaux modernes, moderniser toutes nos universités et nos centres de recherches sans recourir à un seul emprunt.

Avec 1.000 milliards de FCfa, on aurait pu effacer près de 60% de l’encours de la dette publique du Cameroun estimé à 1.711 milliards au 30 juin 2011. Il aurait pour cela fallu qu’une communication gouvernementale efficace et bien soutenue l’explique aux Camerounais qui sont très intelligents et très patriotes pour qu’ils payent le juste prix du marché international pour les produits pétroliers et que l’Etat réoriente ces 1.000 milliards vers les investissements stratégiques, structurants ou purement sociaux ci-dessus ciblés. Est-il trop tard ? Pourquoi le Cameroun ne tire-t-il pas les leçons de son passé dans le secteur de la gestion des hydrocarbures ?

© Mutations : FÉLIX C. EBOLÉ BOLA


16/03/2013
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