Député Rdpc, membre de la commission des affaires sociales et culturelles, il refait la session de juin.
La session de juin vient de s’achever. Quel bilan pouvez-vous en faire ?
Cette session de juin a connu un agenda chargé. Dès l’entame, nous avons
travaillé sur le document portant protection réciproque des
investissements entre la République du Cameroun et le Royaume du Maroc.
Ce pays frère excelle déjà dans les secteurs de banque, des assurances,
du ciment et dans la distribution de l’eau potable. Il y a eu par la
suite la visite historique et contestée du président Guillaume Soro de
Côte d’Ivoire. Mais les points saillants ont été la proposition relative
à la modification du règlement intérieur de l’Assemblée nationale et
l’accord de ratification des Ape.
Au vu de ce que vous venez de citer, qu’est ce qui vous a le plus marqué ?
C’est l’amateurisme, la duperie et l’improvisation qui entourent
régulièrement nos travaux. Mais également cette volonté récurrente
d’infantiliser les parlementaires. Des textes qui sont déposés à la
sauvette qu’on examine en quelques heures, des députés à qui l’on donne
l’impression de consulter pour recueillir leurs avis pourtant la messe
est dite depuis. Tout ce cinéma anesthésie l’intelligence, fait bégayer
la démocratie et agace les parlementaires patriotes.
Malgré les réticences de la majorité des Camerounais sur la
ratification des Ape, les députés ont donné leur onction au président de
la République !
J’ai assisté impuissant et malheureux au deuxième complot économique
contre le Cameroun et l’Afrique après le deuil des plans d’ajustement
structurel (Pas). En petits comités, les débats entre députés sur la
question étaient très enflammés. Mais hélas, au finish on brandit la
fameuse discipline du parti et on vous demande de voter à main levée.
C’est dommage pour notre tissu industriel qui est encore embryonnaire.
Quelle appréciation faites-vous des trois propositions de
lois que vous avez votées notamment celle sur le règlement intérieur de
l’Assemblée ?
Ce qui s’est passé est révoltant. Je souhaite ne pas me prononcer sur le
sujet de peur d’être désagréable avec mes camarades. Mais retenez que
le texte final n’a intégré aucune proposition des consultés. Ce
règlement intérieur est provocateur et mauvais en l’état. Ces
concepteurs n’aiment pas la démocratie. Ils n’aiment pas les
parlementaires et ils trompent le chef de l’Etat.
Dans ce règlement quelles dispositions voudriez-vous voir amendées ?
Il y avait énormément de choses à dire sur le statut du député et son
traitement, sur le contrôle de l’action gouvernementale, sur la tenue
des sessions et même sur le travail parlementaire. Je vous prends un
petit exemple : savez-vous qu’il y a à l’Assemblée nationale des
commissions qui passent un mandat sans jamais se réunir. Cette pratique
relève de la sorcellerie.
Des membres du gouvernement se sont prêtés à vos questions lors des
séances dediées aux questions orales. On a vu les députés exprimer leur
courroux lors du passage du ministre des Sports et de l’Education
physique. Cette séance vous reste forcément à l’esprit !
Evidemment, le ministre Adoum Garoua m’a fait pitié. J’ai découvert un
ministre qui cafouillait, qui avait une ligne de défense boiteuse. Je
l’ai senti dépassé à la fin. Mais c’est un récidiviste. On l’a vu étaler
ses frasques dans l’affaire Jean Paul Akono. Ça m’étonnerait que le
chef de l’Etat lui refasse confiance au prochain remaniement, après
cette protestation collective des députés.
Comment avez-vous trouvé les réponses du ministre des Transports sur les transactions pour l’achat des avions chinois MA 60 ?
Mon collègue Joshua Osih et moi étions les premiers à la session de mars
à dénoncer ce gros scandale financier où des fonctionnaires, proches
collaborateurs du chef de l’Etat ont distrait 20 milliards Fcfa en nous
servant en plus des cercueils volants qui crashent partout. Nous avons
demandé l’ouverture d’une enquête parlementaire. Personnellement, je
vais mener une campagne politico-médiatique soutenue pour empêcher la
mise en exploitation de ces avions. La réponse du ministre Nkili prouve
au moins qu’il n’ya pas de solidarité gouvernementale. Mais, il a omis
de nous révéler l’identité du ministre qui joue le commercial d’Avic
International en Afrique centrale dans les transactions avec Eximbank.
Ces messieurs se comportent comme des mercenaires. Ils n’aiment pas le
Cameroun. Il est urgent que le chef de l’Etat arrête l’hémorragie.
L’Assemblée nationale a aussi connu une riche activité
diplomatique durant cette session. Quel est votre sentiment après le
passage de Guillaume Soro, le président de l’Assemblée nationale
ivoirienne ?
En février dernier, j’étais invité au parlement ivoirien par la Cour
pénale internationale pour parler de la prévention des crises. J’ai pris
le risque de dire publiquement et à l’Assemblée ivoirienne, ce que je
pensais de la politique menée par les gouvernants actuels de ce pays
frère. Je n’ai jamais compris l’opportunité de cette visite. J’ai
prévenu là où on pouvait m’écouter en disant que le député Guillaume
Soro, pour avoir pris les armes pour mettre les institutions entre
parenthèses, n’était pas un modèle pour la jeunesse camerounaise. Son
discours sur le panafricanisme m’a semblé démagogue. Cependant,
l’attitude des députés Sdf peinte de bravoure et de protestation m’a
fait rigoler parce que les gros protestataires du Sdf sont ceux qui
bénéficient de toutes les attentions, faveurs et privilèges à
l’Assemblée nationale. D’où la colère du président de l’Assemblée
nationale ce jour-là.
Pour finir, qu’est ce que cette session de juin a apporté de décisif à la marche des institutions au Cameroun ?
Avec la mise sur pied du congrès qui réunira désormais les deux
chambres, l’on s’achemine dans les prochains jours à la désignation des
membres du Conseil constitutionnel. C’est une avancée notable dans le
champ institutionnel.