La Nouvelle Expression a eu l’opportunité de glisser quelques questions à Paul Eric Kingué, l’ancien maire de Penja Njombé, après que sa peine soit ramenée à 10 ans par la Cour d’appel du Littoral. Alors qu’il était condamné à vie en première instance. Le turbulent prisonnier crie toujours sa colère. Interpelle le président de la République et le ministre de la justice. En crachant tout son venin.
De la perpétuité, vous venez d’être
condamné à 10 ans d’emprisonnement ferme avec mandat d’arrêt à la
barre. Vous parlez de procès truffé d’incongruités. Pourquoi ?
Oui d’incohérences, de violations de tout genre de la loi. Un
procès dont les pièces et l’arrêt vont être mis dans les prochains jours
sur Internet, Google, Facebook, Twitter… afin que tous ceux qui
doutaient encore des dérives de notre justice soient une fois pour toute
servis, c'est-à-dire convaincus que notre justice est manipulée à
souhait, par ceux qui en ont intérêt d’une part et d’autre part, par
certains Magistrats, incapables de hauteur parce que réduits à
rafistoler pour leurs progénitures des prébendes mal acquises, après
sacrifices de sang et de chair humaine, dans leurs juridictions.
Oui, je pèse mes mots pour le dire. Comment
comprendre qu’à Nkongsamba, le Tgi du Moungo au terme d’un simulacre de
procès, m’ait condamné à vie dans une procédure criminelle où
l’information judiciaire n’a pas eu lieu alors même qu’elle est
obligatoire en cas de crime ? (Le détournement selon nos lois est un
crime
? Cf art. 142 al.1 du code de procédure pénal), et qu’une telle
violation soit couverte par la Cour d’Appel du Littoral ? Dans la
première décision, pour justifier le fait de n’avoir jamais été cité à
comparaître, le premier juge a écrit, noir sur blanc dans la décision
rendue là-bas, qu’un prisonnier n’a pas droit à la citation préalable et
donc, que le mandat d’extraction suffisait largement pour faire parler
un prisonnier devant un juge. Ce qui est une véritable hérésie en droit
pénal où, les droits de la défense sont sacrés. Nul ne peut comparaître
devant une juridiction sans préalablement avoir été cité ou tout au
moins, convoqué à comparaître. La citation préalable étant elle-même,
une formalité substantielle garantissant les droits de la défense.
Le 14 Novembre dernier, la Cour d’Appel,
juridiction de recours supposée avoir des magistrats d’un certain
niveau, justifie le défaut de citation par le juge d’instruction, comme
ayant été couvert par le mandat d’extraction que la cour, sans aucune
honte, a qualifié de mise en demeure pour un accusé de comparaître. Une
véritable invention juridique dont ne peut être "digne" qu’une justice
malade. Un mandat d’extraction est-il une mise en demeure ? Selon la
loi, le mandat d’extraction est un ordre donné au Régisseur de Prison de
conduire sous bonne escorte, un détenu, un condamné ou un inculpé
devant une autorité judiciaire, ou une juridiction. Différent de la
citation, le mandat n’est pas servi à personne et n’a pas pour finalité
de permettre à l’inculpé ou au détenu de préparer sa défense. En plus,
un détenu peut être extrait pour être conduit aux funérailles d’un de
ses proches. Cela a été mon cas
lorsque je venais d’être durement frappé par le décès de mon fils.
Autrement dit parce qu’il n’est pas destiné à l’accusé, le mandat d’extraction n’informe l’accusé ni de ce qui lui est reproché, ni des délais que lui donne la loi pour sa défense contrairement à la citation qui, outre les dates, heures et lieu portent les faits reprochés à l’accusé, et même les lois qui répriment ceux-ci. Je rappelle que toutes ces inventions du droit sont faites aux yeux et au su de tout le monde : Le Président de la République, le Ministre d’Etat chargé de la Justice, la Cour Suprême, etc.… La deuxième incongruité et invention du droit dans la procédure qui vient de voir détruire ma vie repose sur l’omission par le TGI du Moungo, au moment où on me condamnait à vie, de décerner le mandat d’incarcération dans la décision qui avait été rendue. Décerner le mandat d’incarcération ou d’arrêt quand une décision privative de liberté est rendue, est une obligation consignée par la loi, en son article 397 alinéa 1 (CPP). Cette violation elle-même, lorsqu’elle est commise, est sanctionnée par la nullité absolue de la procédure. Cf. jurisprudence de la Cour Suprême du Cameroun, N° 256P du 12 Juin 1975. BACS… n°32P4700 ; ce qui veut dire que depuis ma condamnation à vie dans le MOUNGO, j’étais jusqu’au 14 novembre dernier détenu sans le moindre titre, à la prison de New-Bell, confirmant ainsi que ma détention jusque-là, était illégale et donc arbitraire.
Il faut rappeler que le mandat de détention
décerné dans le cadre de cette affaire, est caduc depuis le 09 septembre
2009. Ce qui est grave et dont je prends les camerounais et la
communauté internationale à témoins est que, au cours des débats en
appel, mon Conseil et moi-même avons demandé la nullité de la décision
et même de la procédure du fait de ce manquement grave du TGI du MOUNGO,
qui a condamné sans décerner le mandat d’incarcération ou d’arrêt,
exposant sa décision à la Cassation, et même, toute la procédure à la
nullité car faute par cette juridiction d’expliquer les raisons pour
lesquelles elle n’a pas décerné le mandat d’incarcération alors qu’elle
avait prononcé une peine privative de liberté, la procédure en droit
antérieure et selon notre jurisprudence encourait nullité pour défaut de
base légale. Cf. CS. Arrêt 200P du 22 Septembre 1994. Après avoir
reconnu que l’exception ainsi soulevée était fondée et qu’en violant
l’article 397 alinéa 1, le premier juge a violé un principe d’ordre
public, la Cour d’Appel du Littoral devait faire application de
l’article 3 du code de procédure pénale selon lequel « la violation
d’une règle de procédure pénale est sanctionnée par la nullité absolue
».
- Lorsqu’elle préjudicie aux droits de la défense définis par les dispositions légales en vigueur.
- Porte atteinte à un principe d’ordre public… »
Mais curieusement et contre toute attente, et en
violation des principes et fondements de la loi et de la loi elle-même,
la Cour d’Appel défiant même les jurisprudences de notre Cour Suprême, a
décidé de couvrir la nullité prévue au paragraphe 1 de l’article
ci-dessus mentionné sans honte ni remord ; Et évoquant et statuant de
nouveau, m’a condamné à 10 ans de prison ferme ; pire, en décernant un
mandat d’incarcération alors qu’elle n’en avait ni les moyens de droit,
ni la possibilité de le faire sans courir le risque de se renier comme
Cour d’Appel, constituée de Magistrats d’un "niveau supérieur", la Cour a
étalé au grand jour sa partialité, résultant sans doute des pressions
de tout genre. En effet, en évoquant et en statuant de nouveau, la Cour
d’Appel a modifié la décision du TGI du Moungo, en violation de
l’article 457 alinéa 1 du CPP, qui le lui interdit pourtant, lorsque le
Ministère public n’a pas
interjeté appel incident.
Dans cette procédure qui vient de me voir condamné en appel à 10 ans de prison, la magistrature camerounaise vient d’exposer aux yeux du monde entier qu’elle n’est pas digne de confiance. Elle n’est pas digne de confiance parce qu’il n’est pas possible juridiquement et ceci est connu même du plus petit stagiaire de cabinet d’Avocat ou du plus petit auditeur de justice, que le sort d’un appelant ne peut pas être aggravé du fait de son seul appel. Après avoir omis de décerner le mandat d’incarcération dans le Moungo, le Ministère Public du MOUNGO n’a pas interjeté appel incident pour demander à la Cour de corriger cette omission. En l’absence donc de cet appel incident du Ministère Public, appuyée par la production par moi, au cours des débats, de l’Attestation de non appel incident du Ministère Public du TGI du Moungo, la Cour d’Appel ne pouvait nullement modifier la décision rendue à Nkongsamba, dans un sens préjudiciable à l’appelant que j’étais. En le faisant, elle a ostentatoirement et barbarement violé les dispositions de la loi (art. 457 al.1 du CPP), qui dispose : «En l’absence d’appel incident du ministère public, la Cour ne peut modifier la décision du Tribunal dans un sens préjudiciable à l’appelant, excepté dans les cas prévus à l’art. 456». Est-il normal qu’une Cour d’Appel, juridiction de recours vole tout bas en bafouant les principes et fondements même du droit tel que vient de le faire la Cour d’Appel du Littoral? La cour d’Appel a modifié la décision du Tribunal en décernant mandat d’incarcération à mon encontre sur la base de mon seul appel. Par quelle alchimie ceci a-t-il pu arriver ? Un pays où une Cour d’Appel ne peut pas garantir un minimum de justice aux camerounais est la preuve même, que ce pays n’existe plus en tant qu’Etat, qui a des droits mais aussi des devoirs vis-à-vis de ses citoyens.
Pourquoi interpellez-vous particulièrement le Président de la République et le Ministre d’Etat en charge de la justice ?
Je le fais parce que le Président de la République s’est engagé devant
le peuple camerounais à faire respecter les lois. Il ne doit pas les
faire respecter seulement lorsqu’il faut réprimer tel ou tel autre, mais
il doit également protéger ses concitoyens, quand ils sont menacés dans
leurs droits au quotidien. Souvenez-vous qu’en plus de ses fonctions de
président de la République, Mr Paul Biya est Président du Conseil
Supérieur de la Magistrature donc, patron de la magistrature en tant
qu’institution judiciaire. La loi étant impersonnelle et générale, elle
ne peut pas être appliquée pour tel et refusée à tel autre. Et c’est le
rôle du chef de l’Etat en premier, d’y veiller. Je suis médusé quant au
silence inquiétant du Ministre d’Etat chargé de la justice parce qu’il
est non seulement, le patron de la chancellerie et donc gardien des lois
et, magistrat de niveau supérieur ; il ne peut pas rester en spectateur
résigné devant des violations aussi flagrantes des lois par nos
magistrats.
Quand on parle d’une procédure judiciaire on doit d’abord
veiller qu’elle soit faite selon les règles de l’art avant d’y voir le
fond. Avant de parler du fond de mon dossier, permettez-moi de revenir
sur une autre violation sauvage commise par les juges du Moungo et
couverte par les magistrats de la Cour d’ Appel du Littoral, le 14
Novembre dernier. Suivant les notes d’audience du 30 Septembre 2012, le
Maire actuel de la commune de Penja déclarait : «la commune de Penja n’a
subi aucun préjudice». Et, pour matérialiser ses déclarations, a refusé
de constituer la commune comme partie civile. Malgré ce refus, la Cour
d’Appel du littoral évoquant et statuant de nouveau après avoir annulé
la décision du TGI du Moungo, a décidé d’octroyer des dommages et
intérêts à la commune de Penja, absente tout au long du procès, se
fondant sur les prétentions financières de celle-ci, dans la première
décision, qu’elle
venait pourtant d’annuler. N’est- ce pas là, la vraie sorcellerie ? Pour
revenir à votre question, toutes les dépositions des témoins du
Ministère Public ont été sans la moindre réserve, claires. Je parle bien
des témoins du Ministère public pas des miens.
Le maire actuel de Penja a dit que la commune de
Penja n’a subi aucun préjudice, parce que l’eau pour laquelle je suis
aujourd’hui condamné est installée au bénéfice exclusif de la commune.
Pour arriver à me condamner, la Cour a estimé que seuls 3 665 551 F CFA
ont été justifiés parce que reversés à la SNEC (Société Nationale des
Eaux du Cameroun). Selon la Cour donc, la SNEC n’aurait pas perçu 1 400
000 F.CFA liés aux fouilles et remblais sur une distance de 1 Km.
Parlant des fouilles et remblais, dans la première facture envoyée à mon
prédécesseur par la SNEC, ces fouilles et remblais s’élevaient à 3 450
000 F CFA. Faute de moyens financiers suffisants
pour la réalisation de ces fouilles et remblais par la SNEC qui exigeait
3 450 000 F cfa. Pour ces travaux, celle-ci a recruté un sous-traitant
dont les mêmes travaux qui coûtaient à la SNEC 3 450 000 F CFA ont
plutôt coûté 1 400 000 F CFA soit 2 050 000 F CFA de marge réelle que
j’ai fait profiter à ma commune. Les responsables de la Snec ont reversé
la somme de 1 400 000 F CFA au prestataire privé qui s’est acquitté de
sa mission au terme de laquelle les tuyaux ont été placés. Même le plus
petit des mortels sait qu’il n’est pas possible de passer des tuyaux au
sol sans fouilles et remblais. Les fouilles ayant été faites, les
remblais aussi, et enfin l’eau installée qu’ai-je détourné ?
Pour essayer de motiver en droit son arrêt, la cour d’appel m’accuse d’avoir violé la procédure d’acceptation de don d’une société de la place. Mais ne dit pas quelle procédure exacte a été violée ou la loi violée. Elle se contente de dire dans son jugement, que je n’ai pas respecté la procédure relative au don et c’est le non respect de la procédure qui me vaut 10ans d’emprisonnement. Une procédure que la Cour elle-même n’énonce pas tout au long du procès. Au sujet de la prétendue location des engins de la commune à Dibombari et Mbanga, alors qu’il ressort des notes d’audience authentifiées par les greffiers de la Cour d’Appel du Littoral, que les maires de Dibombari et de Mbanga ont déclaré n’avoir jamais loué de Caterpillar, la cour a estimé sans en apporter la moindre preuve contraire, qu’il y a eu location ; ignorant totalement les témoignages de ceux qu’on dit avoir loué la niveleuse de la commune de Penja. En le faisant, la cour a choisi de dénaturer les faits de la cause. Au finish donc je ne serais plus coupable de 10 000 000 Fcfa de détournement, mais de 3 460 000 Fcfa, avec comme cerise sur le gâteau, 10 ans de privation de liberté. N’est-ce pas méchant ça?