L’un des pires malheurs des Camerounais réside en l’attitude de leur chef à leur égard.Il faut dire que toute gestion tient prioritairement en compte la ressource humaine. Sans les hommes efficaces et efficients, votre programme de société, même s’il est le meilleur du monde, demeurera sans animation réelle. Nous soutenons cette posture parce que le hic avec Biya, c’est qu’il est coupé de son peuple et jouit d’une très faible connaissance des hommes, encore plus de ceux qui sont autour de lui.
Un handicap qui rend le casting des « ouvriers » de la nation assez complexe pour le président, l’obligeant à toujours se fier, en termes de suggestion, excessivement à son proche entourage pour une moindre nomination ou décision. La plupart du temps, ces proches collaborateurs préfèrent placer en pôle position leurs affidés à eux, mettant plus en avant le critère subjectif que celui de l’objectivité qui priorise la compétence.
La compétence, un substrat décisif dans le choix
des individus pour les postes techniques devient accessoire. Or, sur la
base des affinités et toutes les autres connections insoupçonnées, les
personnes aux profils douteux sont parachutées à des positions
stratégiques. Dépourvues de toute expérience dans ces domaines, la
dictature des réseaux et du clientélisme leur
confère les postes visés.
Au finish, quasiment dans tous les secteurs de la vie publique, on vit au rythme de l’éternel recommencement. Le pays en déliquescence avancé ne cesse de piquer davantage du nez chaque jour qui passe. Par principe, il est difficile de gouverner sans connaître ses hommes.
Une analyse plus fine nous pousse à constater que la distance du président Biya vis-àvis du peuple ne date pas d’aujourd’hui. Déjà, en tant que premier ministre (1975-1982), il recevait très peu dans sa résidence du Lac. Beaucoup assimilaient alors ce trait de caractère à de la timidité. Biya n’a jamais été un homme naturellement ouvert Il a toujours été taciturne. C’est cela qui se transpose et détint sur la conduite des affaires du pays.
D’après certains de ses proches, alors qu’il
poursuivait ses études en France, tandis que ses compatriotes militaient
notamment au sein de l’Upc, lui préférait évoluer en marge des autres,
rester en retrait. Il n’est pas naturellement ce qu’on pourrait appeler
un animal politique conquérant. Dans sa posture élitiste, il n’est
jamais allé au contact des foules.
Jusqu’en 1982, il aura toujours réfallu qu’on le pousse vers l’avant
pour lui mettre le pied à l’étrier. Jusqu’alors, il ne s’était jamais
battu pour un mandat électif.
D’ailleurs, combien de fois a-t-on déjà vu Biya sillonner les rues de la ville aux sept collines afin de vivre de près les réalités de ses populations. Paul Biya préfère son palais ou alors ses séjours suisses.
Ses sorties dans la ville de Yaoundé font un ramdam, vu qu’elles sont rarissimes. Ces dernières décennies, nous pouvons examiner quelques unes de ses sorties dans la capitale : sa visite au Bois Sainte Anastasie en compagnie de sa famille en 2007 ; plus récemment encore, son tour de ville effectué après qu’il avait glissé son bulletin de vote dans l’urne le 09 octobre 2011.
Pour les Yaoundéens, cela fut un évènement extraordinaire. Il faut dire qu’ils n’en avaient pas l’habitude, tellement le président est a des années lumières de leurs personnes.
A la vérité, on imagine mal un berger doté d’un troupeau, mais qui ignore les différentes marques que porte ce bétail, ou encore les traits de caractère qui particularisent chacun d’eux.
Cette distance est encore plus gênante pour le commun des mortels lorsqu’on sait qu’il ne connaît même pas nommément certains membres de son gouvernement qu’il a lui-même nommés.
Les Camerounais ont d’ailleurs eu l’occasion de vérifier ce truisme durant la dernière visite du Pape Benoît XVI du 17 au 20 mars 2009. A l’occasion de cette visite riche en contours, le couple présidentiel avait invité quelques ministres de la République au Palais de l’Unité.
Alors que Biya présente ses collaborateurs au Souverain Pontife, vient le tour du ministre de la santé publique, André Mama Fouda. Mais au lieu de poursuivre le rituel de présentation, il fera signe au chef du protocole, Simon Pierre Bikélé de le faire à sa place. Mama Fouda ne sera pas le seul à être victime de cette méconnaissance présidentielle.
Selon certains de ses proches, cette distance s’apparente à un mépris de sa part. Même parmi ses plus proches collaborateurs, il y en a qu’il ne connaît pas.
L’autre anecdote est relative au cas Siyam Siewé, à l’époque des faits, à 37 ans, était secrétaire général adjoint à la présidence de la République (il le sera de 1990 à 1992). Le président de la République qui a l’habitude de le rencontrer dans les couloirs du palais, l’interpelle un jour pour lui demander : « Jeune homme, que faites-vous toujours dans les couloirs du palais ? ». Et Siyam Siewé de lui répondre : « Monsieur le président, je suis le secrétaire général adjoint de la présidence de la République. Je m’appelle Siyam Siewé ». Cet exemple nous prouve à quel point Biya est déconnecté même de ce qui directement l’entoure.