Paul Biya négligé par les autorités francaises a son arrivée à Paris - Pr. Shanda TONME: «La France doit des explications au Cameroun»
DOUALA - 31 JAN. 2013
© Joseph Flavien KANKEU | Le Messager
Spécialiste des relations internationales, il analyse l’accueil et l’objet du séjour de Paul Biya en Hexagone
© Joseph Flavien KANKEU | Le Messager
Spécialiste des relations internationales, il analyse l’accueil et l’objet du séjour de Paul Biya en Hexagone
Le Pr. Shanda Tonmé est un leader
d’opinion très connu au Cameroun pour son franc parler. Auteur d’une
quarantaine de publications sur les relations internationales, il est
l’un des rares à avoir prédit les attentats du 11 septembre sur les
tours jumelle du World Street center aux Etats-Unis. Ce spécialiste en
relation internationale et auteur d’un ouvrage sur le nouvel ordre moral
qui paraîtra en février prochain livre ici, son analyse sur la visite
du président Paul Biya en France, de même qu’il jette un regard sur la
situation de crise au sein de la garde présidentielle camerounaise.
Il y a une polémique sur la qualité de la visite qu’effectue le chef de l’Etat camerounais en France depuis quelques jours. En votre qualité de spécialiste des relations internationales, pouvez-vous nous dire s’il s’agit d’une visite d’Etat, d’une visite de travail ou d’une simple visite privée meublée par des rencontres au sommet ?
Toute la confusion très souvent faite autour de la qualité d’une visite qu’effectue un chef d’Etat relève de la manipulation. Cela se fait tantôt pour sous estimer, tantôt pour y donner une grande importance, ou parfois pour cadrer de manière spécifique les relations d’Etat à Etat. Dans le cas d’espèce, je pense qu’il y a une recherche d’extrapolation positive du Cameroun à l’occasion de cette visite. Il faut simplement dire que le chef de l’Etat effectue une visite officielle en France. Que ce soit une visite d’Etat ou une visite de travail, nous retenons que c’est une visite officielle. Ce qui est différent de la visite privée. Mais les visites privées sont beaucoup plus conformes aujourd’hui aux Républiques bananières. Parce que dans le sens moderne, on ne comprendrait pas que le chef de l’exécutif se promène dans d’autres pays à titre privé.
Est-ce que ce voyage s’est effectué opportunément ?
En tant que Camerounais, permettez-moi de vous dire que la visite du chef de l’Etat camerounais en France ne me pose aucun problème. Elle aurait dû avoir lieu depuis plusieurs mois. Nous ne devons pas perdre de vue que François Hollande a déjà reçu les présidents gabonais, sénégalais, ivoirien et j’en passe. Mais en tant que spécialiste des questions internationales, je dois dire qu’il y a une absence préjudiciable du Cameroun sur la scène africaine.
On s’est rendu compte que Paul Biya a été reçu par l’ambassadeur de France au Cameroun à son arrivée à Paris. Quel sens doit-on donner à cet accueil ?
Si on s’en tient au protocole diplomatique d’un point de vue académique, c’est inhabituel. C’est un peu comme pour dire c’est vous qui le maîtrisez, allez vous occuper de lui. C’est d’autant plus grave que la France nous doit des explications. A moins que de Paris, on ait voulu tirer la conséquence d’un certain nombre de paramètres négatifs que nous incarnons aujourd’hui en terme d’images. Dans l’ordonnancement du protocole d’Etat, il y a le président de la République, le Premier ministre, chef du gouvernement et le ministre des Affaires étrangères. Ces trois personnes sur le plan technique sont les seuls à porter le titre d’excellence parce qu’elles diligentent la diplomatie soit au niveau de l’exécution, soit au niveau de la représentation. On peut chercher ailleurs en cas d’empêchement. Mais le chef de l’Etat français est à Paris. Qu’il ne se soit pas déplacé est un problème important. Le Premier ministre est à Paris. Qu’il ne soit pas allé accueillir le chef de l’Etat camerounais en lieu et place de son chef est incompréhensible. Le ministre des Affaires étrangères se trouve à Addis Abéba. Son absence peut donc se justifier. Mais on aurait pu trouver mieux. Même le président de l’Assemblée nationale, mais pas l’ambassadeur de France qui est d’office membre de la délégation qui doit accueillir le chef de l’Etat à l’aéroport. Il ne peut en aucun cas être le personnage central. C’est une calamité sur le plan de l’analyse du protocole diplomatique. C’est un message d’une rare gravité.
A un moment donné la presse a fait échos de l’information selon laquelle les autorités françaises conditionnent le tête à tête entre les deux présidents par la libération ou l’extradition de Michel Thierry Atangana. Est-ce que le refus de Paul Biya de céder à cette pression n’explique pas à suffire cette attitude d’indifférence de la France ?
On ne doit pas se tromper de débat. Michel Thierry Atangana est Camerounais. Il n’est pas Français. Le code camerounais de la nationalité ne reconnaît pas la double nationalité, contrairement à ce que certains journalistes veulent faire croire. De même, le concerné a travaillé au Cameroun en tant que Camerounais et non en tant que étranger. Il ne me souvient pas que l’on ait brandit un contrat par le quel un français nommé Michel Thierry Atangana a travaillé au Cameroun. Il est traduit devant les tribunaux pour répondre des faits de détournement qui relèvent du code pénal camerounais. Sur les conditions de vie dans les prisons c’est un autre débat. Je m’inscris entièrement en faux contre les déclarations d’un des avocats de ce bonhomme qui a déclaré en France que Michel Thierry Atangana est un français retenu en otage au Cameroun. Je dénonce d’ailleurs l’attitude de certains de mes collègues qui sont des professeurs de droit mais qui soutiennent un point de vue contraire au droit dans cette affaire. Le droit international aussi bien sur le plan coutumier que jurisprudentiel ne donne aucunement raison à cette thèse. Il est clair que tous les Etats ont le droit de défendre leurs fils partout où ils se trouvent. Mais cela ne se fait qu’à une condition. Et ce sont là les préalables. Il faut que l’intéressé justifie de cette nationalité, qu’il ait les mains propres, et que les voies de recours internes soient épuisées. En ce moment là, il y a ce qu’on appelle la subrogation. Et en ce moment là cela peut même se transformer en une affaire diplomatique. Mais dans le cas d’espèce, Michel Thierry Atangana n’est pas Français parce que le code de nationalité camerounaise ne reconnaît pas la double nationalité. Je suis fière d’Yves Michel Fotso parce qu’il avait déclaré sur les antennes d’une chaîne de télévision quelques temps avant son interpellation qu’il n’avait qu’un seul passeport. Il aurait pu obtenir tous les passeports du monde. Mais il ne l’a pas fait.
Entretien avec Joseph Flavien KANKEU
Il y a une polémique sur la qualité de la visite qu’effectue le chef de l’Etat camerounais en France depuis quelques jours. En votre qualité de spécialiste des relations internationales, pouvez-vous nous dire s’il s’agit d’une visite d’Etat, d’une visite de travail ou d’une simple visite privée meublée par des rencontres au sommet ?
Toute la confusion très souvent faite autour de la qualité d’une visite qu’effectue un chef d’Etat relève de la manipulation. Cela se fait tantôt pour sous estimer, tantôt pour y donner une grande importance, ou parfois pour cadrer de manière spécifique les relations d’Etat à Etat. Dans le cas d’espèce, je pense qu’il y a une recherche d’extrapolation positive du Cameroun à l’occasion de cette visite. Il faut simplement dire que le chef de l’Etat effectue une visite officielle en France. Que ce soit une visite d’Etat ou une visite de travail, nous retenons que c’est une visite officielle. Ce qui est différent de la visite privée. Mais les visites privées sont beaucoup plus conformes aujourd’hui aux Républiques bananières. Parce que dans le sens moderne, on ne comprendrait pas que le chef de l’exécutif se promène dans d’autres pays à titre privé.
Est-ce que ce voyage s’est effectué opportunément ?
En tant que Camerounais, permettez-moi de vous dire que la visite du chef de l’Etat camerounais en France ne me pose aucun problème. Elle aurait dû avoir lieu depuis plusieurs mois. Nous ne devons pas perdre de vue que François Hollande a déjà reçu les présidents gabonais, sénégalais, ivoirien et j’en passe. Mais en tant que spécialiste des questions internationales, je dois dire qu’il y a une absence préjudiciable du Cameroun sur la scène africaine.
On s’est rendu compte que Paul Biya a été reçu par l’ambassadeur de France au Cameroun à son arrivée à Paris. Quel sens doit-on donner à cet accueil ?
Si on s’en tient au protocole diplomatique d’un point de vue académique, c’est inhabituel. C’est un peu comme pour dire c’est vous qui le maîtrisez, allez vous occuper de lui. C’est d’autant plus grave que la France nous doit des explications. A moins que de Paris, on ait voulu tirer la conséquence d’un certain nombre de paramètres négatifs que nous incarnons aujourd’hui en terme d’images. Dans l’ordonnancement du protocole d’Etat, il y a le président de la République, le Premier ministre, chef du gouvernement et le ministre des Affaires étrangères. Ces trois personnes sur le plan technique sont les seuls à porter le titre d’excellence parce qu’elles diligentent la diplomatie soit au niveau de l’exécution, soit au niveau de la représentation. On peut chercher ailleurs en cas d’empêchement. Mais le chef de l’Etat français est à Paris. Qu’il ne se soit pas déplacé est un problème important. Le Premier ministre est à Paris. Qu’il ne soit pas allé accueillir le chef de l’Etat camerounais en lieu et place de son chef est incompréhensible. Le ministre des Affaires étrangères se trouve à Addis Abéba. Son absence peut donc se justifier. Mais on aurait pu trouver mieux. Même le président de l’Assemblée nationale, mais pas l’ambassadeur de France qui est d’office membre de la délégation qui doit accueillir le chef de l’Etat à l’aéroport. Il ne peut en aucun cas être le personnage central. C’est une calamité sur le plan de l’analyse du protocole diplomatique. C’est un message d’une rare gravité.
A un moment donné la presse a fait échos de l’information selon laquelle les autorités françaises conditionnent le tête à tête entre les deux présidents par la libération ou l’extradition de Michel Thierry Atangana. Est-ce que le refus de Paul Biya de céder à cette pression n’explique pas à suffire cette attitude d’indifférence de la France ?
On ne doit pas se tromper de débat. Michel Thierry Atangana est Camerounais. Il n’est pas Français. Le code camerounais de la nationalité ne reconnaît pas la double nationalité, contrairement à ce que certains journalistes veulent faire croire. De même, le concerné a travaillé au Cameroun en tant que Camerounais et non en tant que étranger. Il ne me souvient pas que l’on ait brandit un contrat par le quel un français nommé Michel Thierry Atangana a travaillé au Cameroun. Il est traduit devant les tribunaux pour répondre des faits de détournement qui relèvent du code pénal camerounais. Sur les conditions de vie dans les prisons c’est un autre débat. Je m’inscris entièrement en faux contre les déclarations d’un des avocats de ce bonhomme qui a déclaré en France que Michel Thierry Atangana est un français retenu en otage au Cameroun. Je dénonce d’ailleurs l’attitude de certains de mes collègues qui sont des professeurs de droit mais qui soutiennent un point de vue contraire au droit dans cette affaire. Le droit international aussi bien sur le plan coutumier que jurisprudentiel ne donne aucunement raison à cette thèse. Il est clair que tous les Etats ont le droit de défendre leurs fils partout où ils se trouvent. Mais cela ne se fait qu’à une condition. Et ce sont là les préalables. Il faut que l’intéressé justifie de cette nationalité, qu’il ait les mains propres, et que les voies de recours internes soient épuisées. En ce moment là, il y a ce qu’on appelle la subrogation. Et en ce moment là cela peut même se transformer en une affaire diplomatique. Mais dans le cas d’espèce, Michel Thierry Atangana n’est pas Français parce que le code de nationalité camerounaise ne reconnaît pas la double nationalité. Je suis fière d’Yves Michel Fotso parce qu’il avait déclaré sur les antennes d’une chaîne de télévision quelques temps avant son interpellation qu’il n’avait qu’un seul passeport. Il aurait pu obtenir tous les passeports du monde. Mais il ne l’a pas fait.
Entretien avec Joseph Flavien KANKEU