Paul Biya: L’usure des trente ans
Écrit par François Bambou
Mardi, 06 Novembre 2012 13:30
Le chef de l’Etat semble lui même blasé par ses trente années d’un pouvoir qui sombre inexorablement dans la monotonie.
Mardi, 06 Novembre 2012 13:30
Le chef de l’Etat semble lui même blasé par ses trente années d’un pouvoir qui sombre inexorablement dans la monotonie.
«Dix ans de pouvoir, ça use forcément»,
clamaient les adversaires de Paul Biya en 1992 alors que le locataire
du palais de l’unité fêtait ses dix ans de bail à Etoudi. Le moins que
l’on puisse dire au moment où le même fête ses trente ans de pouvoir,
c’est qu’il n’a pas eu la main heureuse. Plus que l’usure, le temps
semble l’avoir pétrifié en même temps que son pays, figeant tout et tout
le monde dans un immobilisme qui commence à devenir une manière
-affligeante- de gouverner. Et comble de malheur, sa longévité au
pouvoir est même considérée par ses partisans comme la manifestation de
son échec dans la démocratisation du pays dont la «stabilité» est
désormais réputée tributaire à la présence de Paul Biya aux commandes de
l’Etat. Et si une des principales marques de ce trentenaire est que le
renouveau mange désormais ses fils les plus représentatifs, qui se
retrouvent les uns après les autres derrières les barreaux au prétexte
de la lutte contre la corruption, force est de reconnaitre que pendant
ces trente années de règne, Paul Biya est vers la fin de son règne un
homme esseulé, tant au plan mondial que dans son pays, ou ses suiveurs
sont pour la plupart des assoiffés de gains facile.
Des décennies de pouvoir
Au niveau mondial, président Biya
célèbre ses trente ans de pouvoirs dans un environnement nouveau, qui
s’accommode mal de vieux président cumulant des décennies de pouvoir.
Lorsqu’en 1982 après 25 ans de pouvoir Ahidjo tirait volontairement sa
révérence, de nombreuses personnes aux nombres desquels l’actuel chef de
l’Etat, estimaient qu’il était prématuré pour le premier président de
la République de se retirer. Vingt cinq ans, c’est très peu estimait-on à
l’époque. Aujourd‘hui, le monde a changé. Les présidences interminables
ne sont plus à la mode, et la stabilité institutionnelle d’un pays se
juge désormais plus au nombre d’alternances au sommet qu’au nombre
d’années cumulées par le même homme. Mieux, il y a désormais une quasi
standardisation de la longueur des mandats politiques, et un
sacralisation de l’alternance avec des exercices de pouvoirs culminant à
dix ans pour deux mandants. De fait, le régime de Yaoundé apparait
dans le monde du vingt et unième siècle comme une pièce de musée dans le
système institutionnel mondial, une tare dans une Afrique où les
pouvoirs se démocratisent.
De fait, les Camerounais, réputés fier
et parfois donneurs de leçon, se mêlant souvent avec une grande passion
des débats démocratiques des autres pays, sont quelque peu gênés par cet
anniversaire qui est passé de mode : trente ans de pouvoir d’un
président. Car ceux des camerounais qui ont connu au Sénégal Senghor,
Diouf Wade, et aujourd’hui d’hui Macky Sall, qui ont connu au Bénin
Kerekou, Nicephore Soglo, Kerekou encore et aujourd’hui, Boni Yayi, se
disent bien que leur pays, le Cameroun, mérite d’expérimenter un autre
leader à la tête de l’Etat.
Paul Biya voulait être l’homme qui a
apporté la démocratie et le progrès au Cameroun. Après trente ans de
pouvoir le Cameroun est loin d‘être une démocratie, et plus grave, le
fonctionnement institutionnel de la nation est illégalement bloqué par
la seule volonté d’un homme : le président de la République lui-même. La
preuve, s’il s’est empressé d’appliquer la disposition
constitutionnelle de 1996 qui faisait passer le mandat présidentiel de
cinq à sept ans, mais il refuse toujours de se réconcilier avec son
serment, en appliquant intégralement et rapidement d’autres dispositions
de cette même constitution de 1996, notamment celle relative à la mise
en place du conseil constitutionnel, du sénat, de la déclaration des
biens des principaux dirigeants de l’Etat. Concernant toujours la
démocratie, l’histoire retiendra de lui l’image de l’homme qui, le verbe
doux et généreux à la bouche à l’entame de son règne, s’est transformé
quelques années en un animal politique froid. Pour se mettre à l’abri
d’éventuels soulèvements liés à son échec économique, a instauré et fait
prospérer un régime de terreur, de clientélisme, de corruption
politique et de propagande, qui a fini par dégouter la population de la
chose politique. Pour le camerounais lambda, politique rime désormais
avec menteries. Les comédies télévisées de l’actuel ministre de la
communication, Issa Tchiroma Bakari, grand biyaolâtre devant l’éternel,
ne sont que l’expression la plus lamentable de ce système un opposant
qui par ses mots d’ordres a envoyé de nombreux enfant sous la balles du
régime, peut retourner la veste sans coup férir, s’aligner avec le
régime sans demander pardon aux martyrs qui on suivi ses mots d’ordre
d’hier. Ils sont ainsi, nombreux, sous la démocratie apaisée, à être
passés à la soupe : Bello Bouba Maïgari, le défunt Augustin Frédérick
Kodock, Hamadou Moustapha. Refusant de normaliser le jeu politique et de
léguer un système démocratique le président Biya a donc préféré
acheter ses opposants, ou terroriser ceux qui ne veulent pas se laisser
acheter.
L’échec de sa méthode
Sur le plan économique où il s’était
fixé pour challenge mener son pays à la prospérité, de le président est
souvent le premier à reconnaître l’échec de sa méthode : «Pour dire les
choses clairement, je crois que nous avons manqué de dynamisme.
L'inertie que j'ai souvent dénoncée a repris le dessus. Malheureusement
aussi, la corruption, même si elle est vigoureusement combattue,
continue de freiner notre action». L’échec est tel que le président lui,
ne cache plus son amertume. Ces dernières années, l’élaboration et
l’adoption par la communauté nationale de la vision 2035 et du document
des stratégie pour la croissance et l’emploi ont permis au chef de
l’état de disposer de quelques projets de rêve à vendre au Cameroun, et
surtout à commencer, à matérialiser quelques uns des vieux projets de
développement qui végétaient dans les tiroirs depuis plusieurs
décennies.
Comme blasé lui même par ce pourvoir qui
n’en fini plus de ruminer sa monotonie le président ne semble plus
trouver du charme à sa fonction. Lors de la dernière campagne
présidentielle, il s’est contenté du service minimum. Animant sans
enthousiasme deux meetings à Maroua et Douala, avant de clore par une
cérémonie, plutôt banale, de pose de première pierre du port de Kribi.
Ce n’est pas la marque d’un homme amoureux de son peuple et certainement
pas celle d’un homme populaire. Au contraire, ses déplacement,
sécurisés jusqu’au burlesque, achèvent de convaincre de ce que lui même
ne se fait guère d’illusion sur sa popularité. Un leader qui se sent
populaire peut-il à ce point, éviter le contact avec son peuple au point
de réduire ses apparitions publique à des cortèges limousines noires ?
Certainement, les ravages du temps.