Paul Biya et le Grand-Nord : une relation en dents de scie

Cameroun : Paul Biya et le Grand-Nord : une relation en dents de scieLes rapports politiques entre le chef de l’État et le Grand-Nord depuis le 6 novembre 1982 ont connu des hauts, mais aussi des bas.

Plusieurs clichés permettent d’apprécier les relations entre Paul Biya et le Grand-Nord depuis son ascension à la magistrature suprême le 6 novembre 1982. S’adossant sur des faits historiques, l’on comprend en effet que les relations privilégiées avec le Nord se nouent rapidement dès son arrivée au pouvoir. Par le biais de Bello Bouba Maigari, présenté comme le premier Premier ministre de Paul Biya. Celui-ci veut établir une relation de confiance malgré les conseils de ses proches qui souhaitent une rupture. En 1983, le concepteur du Renouveau veut étendre sa main sur le Grand-Nord profond en appelant dans son gouvernement ceux qui avaient été opprimés. C’est ainsi qu’Ayang Luc est nommé Premier ministre par intérim tandis que d’autres connaissent une ascension jusque dans les couloirs de la présidence de la République.

Pour marquer une saine rupture avec les pratiques de son prédécesseur et s’inscrire dans la logique de ses maîtres occidentaux, le 22 août 1983, celui qui a à peine 2 ans à la tête de l’État fait éclater plusieurs provinces du Cameroun, dont celui du Nord jadis monolithique en trois : l’Adamaoua, le Nord et l’Extrême-Nord. À leurs têtes, ce que les analystes appellent « les chefs politiques ». Mais, loin de savoir ce qui l’attend. En 1984, notamment le 06 avril, Paul Biya jouit d’une quasi-acceptation de la nation. Entre la tentative d’assassinat d’août 1983 dont il a été victime et le putsch de 1984, d’autres idées sont nées, impulsées par ses stratèges.

Le putsch est attribué aux ressortissants du Septentrion sous le prétexte qu’ils voulaient le retour sans condition du pouvoir. Pour corroborer cette hypothèse qui n’a jamais été démentie par Yaoundé, plusieurs hauts dignitaires furent alors arrêtés et jetés en prison comme Issa Tchiroma Bakary, d’autres, tués, et d’autres encore contraints à l’exil comme Guerandi Mbara. Plus tard, le régime décide de les remettre progressivement en liberté dans l’intention de contrôler leur réinsertion sociale et politique.

L’armée républicaine, aujourd’hui garde présidentielle, fut défaite et reconstituée avec en prime, l’éviction des Nordistes à des postes stratégiques. Conscient qu’il ne pouvait s’abstenir aussi longtemps que possible de gouverner sans le Nord qui représente une poche sociale importante, Paul Biya ouvre à nouveau les vannes. Avec l’avènement du multipartisme impulsé par le discours de la Baule en direction des chefs d’État africains les plus conservateurs.

Le Renouveau a compris la nécessité de plus en plus pressante de composer avec tout le monde. Plusieurs mouvements de pression politique à base tribale voient le jour aux côtés des partis politiques aux âmes tribalo-religieuses. La Kirditude naît et parvient à consolider des positions dans le gouvernement avec notamment Ayang Luc, président du Conseil économique et social (Ces) depuis le 22 janvier 1984. Il est alors, la non moindre 4e personnalité après le Premier ministre. Ce dernier étant le chef du gouvernement qui est la 3e personnalité du pays après Cavaye Yeguié Djibril, président de l’Assemblée nationale qui y est depuis 1992 et est la 2e personnalité après le chef de l’État.

Entre les memoranda signés des originaires de cette partie du pays et le 30e anniversaire, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts. L’implication personnelle de Paul Biya dans l’entrée des postulants à la première promotion de l’École normale de Maroua (Ens), la nomination de plusieurs responsables originaires des régions septentrionales, le lancement de sa campagne à Maroua sont autant de couleurs qui décorent le tableau des relations entre Paul Biya et le Grand-Nord. Cependant, sur le plan infrastructure, les rapports sont exécrables. Ces régions bénéficient encore des vestiges de l’ancien régime. Vieux édifices à l’architecture allemande, routes et ponts construits depuis les années 1970. L’énergie électrique n’est pas la chose la mieux partagée, encore moins l’eau potable.

© leseptentrion.net : Paul-Joel Kamtchan


06/12/2012
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