Paul Biya : Encore 7 ans ! Et après ?

Source: Camer.be 28 Septembre 2018

 

  • Sayë (Richard) Mboumah Kohomm, Journaliste et Essayiste
  • vendredi 28 septembre 2018

«Nous sommes tous les créatures de Paul Biya » ! Cette étonnante et panégyrique déclaration de Mr. Jacques Fame Ndongo, malgré son caractère puérile, qui participe cependant au concert de déification d’un homme – somme toute ordinaire –, soumis à la condition humaine commune au genre humain, reflète en partie une réalité de toute l’engeance qui compose depuis 35 ans de règne, la galaxie du «biyaïsme» ; notamment en ce qui concerne l’auteur de cette ineptie qui « naît » politique en 1984 quand il rejoint la Cellule de la communication de la Présidence de la République mise en place par Georges Ngango et Séraphin Onambelé après le Putsch manqué d’avril de la même année.

 

Mais quid des compagnons et autres comparses des premières années et de ce long parcours de celui qui plastronne à la tête de l’Etat Camerounais depuis 1982 ? Citons pêle-mêle : Jeanne-Irène Atyam, épouse Biya, Abel Eyinga, Florent Etoga, Georges Ngango, Victor Ayissi Mvodo, Ferdinand Oyono, Docteur Bouga, Séraphin Onambelé, Réné Owona, Philippe Mataga, Sengah Kouo, Henri Bandolo et d’autres encore, tant la liste est longue… Les Camerounais savent ce qu’ils sont devenus.

 

Mais au fond, hormis quelques livres de flagornerie publiés en commandite à l’exemple du fameux « Pour le Libéralisme communautaire », de « L’idée sociale chez Paul Biya » d’Hubert Mono Ndjana, ou du « Code Biya », qui peut se targuer Connaître vraiment Paul Biya ? Sont-ce les Camerounais en général ? J’en doute. Car si on avait pris la peine de chercher à connaître qui est l’homme-Biya, l’histoire de ce régime se serait peut-être déroulée différemment…

 

Aussi, en attendant que de vrais chercheurs livrent aux générations futures une biographie intelligente sur ce personnage qui occupe le devant de la scène politique camerounaise depuis si longtemps, je me permets ici, en tant que militant de la Cause patriotique et panafricaniste et, suite à une longue expérience d’observation des tribulations politiques du Cameroun, d’apporter mon témoignage en guise d’éclairage à la fois sur l’acteur suprême en fonction, et sur un de ceux qui ambitionnent de le remplacer.

 

L’histoire qui fait l’objet de mon témoignage commence fin avril 1984 quand, après le Putsch manqué du 06 avril 1984, perpétré par un groupe composé de militaires et de civils ressortissants du Nord du pays restés fidèles à l’ancien Président Ahmadou Ahidjo, j’adresse un télégramme de soutien au Président Paul Biya, dénonçant cette tentative sanglante de coup d’État ; télégramme qui sera publié dans les colonnes du quotidien « Cameroon Tribune ». Quelques mois après, en novembre 1984, je suis reçu au Palais d’Étoudi, dans le cadre de la préparation d’un numéro spécial sous le titre « Les grands enjeux du Renouveau et sous-titré, une volonté farouche de Paul Biya de réussir », à publier par « L’Afrique Diplomatique, Economique et Financière », revue mensuelle que j’avais fondée et dirigeais à Paris.

 

Je constitue à cette fin, une équipe locale de collaborateurs rédactionnels composée de : Henri Bandolo, Maurice Kamto, Antoine-Marie Ngono, Jean-Marie Ahanda, en relation avec Jacques Fame Ndongo et Jérôme Mvondo, respectivement chargé de la Cellule de communication et attaché de Cabinet à la Présidence de la République.

 

Ainsi débute mes rencontres avec plusieurs caciques du régime du Renouveau (1) : Georges Ngango, Séraphin Onambélé, Sengah Kuo, Marcel Mengueme, Henri Bandolo, Ebénézer Njoh Mouele, Philippe Mataga, mais aussi, des personnalités de l’ère Ahidjo : l’ancien chef de Protocole Happy, Marcel Nguini, Ngongo Ottou, Victor Ayissi Mvodo, Eloi Langoul…

Mon enthousiasme à considérer Paul Biya comme « Une chance historique » pour le Cameroun – ce fut le titre de mon éditorial du numéro spécial publié en mars 1985 –, ses capacités à hisser le Cameroun au peloton de tête des pays émergeants, fut refroidi par ce que m’apprirent certaines personnes rencontrées de ce qu’elles savaient du personnage.

 

coreligionnaires du Pré-séminaire d’Edéa et du Petit séminaire d’Akono entre 1948 et 1954 me le décrivent comme quelqu’un d’introverti et d’égocentrique. Ses camarades du Lycée Leclerc (1954-1956) dirent de lui qu’il fut effacé ; ceux de la cité universitaire d’Antony (Région parisienne), des années 1957-1963), le dépeignent comme un être timoré, secret et sans panache.
Plus « homme-malin »

qu’« homme-lion »…

La psychanalyse nous apprend que le comportement et les agissements d’une personne devenue majeure, résultent à la fois de l’environnement familial dans lequel elle a grandi, de l’éducation reçue et de son interaction avec les autres. On peut y ajouter aussi l’héritage génétique.

Le choix de Paul Biya de faire carrière dans la haute administration néocoloniale n’est pas le fruit du hasard. D’abord, avant son départ en France en 1956 pour poursuivre ses études supérieures, son nom figurait déjà sur les listes du Bloc Démocratique Camerounais (BDC) parti politique créé et dirigé par Louis-Paul Aujoulat. Alors que ce ne fut pas le cas de ses camarades et coreligionnaires de l’époque.

 

C’était déjà le signe d’une ambition sourde qui échappa à la perspicacité de ceux qui le fréquentaient. Son cursus universitaire (Lycée Louis le Grand, Sorbonne, Institut d’Etudes politiques et Ecole des Hautes Etudes d’Outre-mer) en sont l’illustration. Aussi, quand il va demander à son parrain Louis-Paul Aujoulat – retiré dans sa résidence à Neuilly-sur-Seine –, une recommandation pour intégrer le Cabinet présidentiel d’Ahmadou Ahidjo, n’est donc pas étonnant au regard de ce qui précède. Docile et besogneux, il n’en sera jamais écarté, excepté un bref passage au Cabinet du ministre de l’Education nationale en 1964, dirigé par William-Aurelien Etèki Mboumoua.

 

De Directeur du Cabinet du Président de la République à Premier ministre en 1975, il fera partie de tous les gouvernements durant tout le règne de l’ancien Président jusqu’à sa succession le 06 novembre 1982, consécutive à la démission volontaire d’Ahmadou Ahidjo.

Les raisons politiques – et peut-être cachées – de ce scénario, j’ai voulu les connaître en allant en novembre 1989 à Dakar, chercher à rencontrer l’ancien chef de l’Etat, dans son exil sénégalais. Malheureusement, il décédera deux jours après mon arrivée dans la Capitale sénégalaise.

Pour comprendre les raisons qui ont conduit le stratège politique que fut le Président Ahmadou Ahidjo, contemporain et protagoniste politique des grands leaders que furent Ruben Um Nyobè, John Ngu Fontcha, Félix Moumié, Paul Soppo Priso et bien d’autres, à faire le choix de Paul Biya comme successeur constitutionnel parmi plusieurs comme Victor Ayissi Mvodo, Guillaume Bouelé, Saoudou Daoudou, Samuel Eboua, il me fallait chercher auprès d’autres sources.

« Fourbe et faible »

 

Au paroxysme de la crise entre Paul Biya et Ahmadou Ahidjo, ce dernier qualifie le premier de « fourbe et faible ». Erreur d’appréciation de la part de l’ancien Président sur la vraie nature de son successeur, comme il s’était trompé sur le choix de cette succession. Paul Biya peut être « fourbe » - c’est une des nombreuses caractéristiques des grands tacticiens qui avancent toujours plus ou moins masqués –, mais certainement pas « faible ». La politique, ce n’est pas « la lutte des ETON » (dit Paul Biya) à l’endroit d’Hubert Mono Ndjana ; donc elle n’est pas physique. Elle peut dégénérer en conflit ou en guerre civile, le cas échéant. Mais la plupart du temps, elle est une affaire d’intelligence tactique ; de ruse parfois. En cela, l’actuel chef de l’État camerounais en est devenu maître ! il a su manipuler, depuis tant d’années, un milieu politique inconsistant et velléitaire, une élite corrompue et décadente, et une écrasante majorité de Camerounais minée par la couardise et la vénalité. D’où sa longévité à la tête du pays. Plus de 35 ans d’un règne qui a créé toutes sortes de béances qui font de notre pays, un de ceux qui stagnent sur la scène africaine et mondiale. Et, à la faveur de la prochaine élection présidentielle, face à l’éparpillement et à l’inorganisation d’une opposition dépourvue de crédibilité, et aux multiples candidatures plus ou moins farfelues, il est fort probable que le candidat sortant rempile pour sept ans ! Dans une interview accordée au journal « Jeune Afrique » à l’occasion de la précédente élection présidentielle, Paul Biya déclarait : « Moi ou le chaos » ! En effet, il a beau jeu en 2011 en le disant. Il l’a encore aujourd’hui car, certains prétendants au trône – qui paraissaient assez crédibles et appartenant à la clique du parti au pouvoir – ayant été mis hors jeu sous le prétexte de l’opération « Épervier », le résultat de la prochaine élection ne dérogera pas à ceux que nous connaissons depuis son avènement au pouvoir Suprême.

 

à mourir au pouvoir, Paul Biya est très conscient du sort qui pourrait être le sien s’il le quittait ! Épervier oblige. On peut néanmoins remarquer pour s’en étonner que les griffes du rapace opèrent jusqu’à présent, une sélection d’embastillement qui mélange habilement politique et crimes de Droit pénal à l’endroit de certains, alors que d’autres prévaricateurs continuent à rouler carrosse en tentant de s’abriter derrière d’opportunistes immunités parlementaires au rôle de simples godillots avec, au demeurant, des mandats non représentatifs des intérêts des populations.
Un personnage indigne de confiance

 

Cela dit, voyons donc, parmi ces candidatures à la prochaine présidentielle qui veulent se passer pour crédibles, celle d’un personnage du nom de Kamto Maurice. De retour au Cameroun, j’habitais à Yaoundé avec Kamto Maurice, hébergés par Arnold Ndoumbè Lobè, un ami généreux. Ma relation avec Kamto Maurice que je considérais comme ami, m’amène à relater ici quelques anecdotes, au moins deux ; car pour le reste, beaucoup de ceux qui furent mes amis et copains au sein du groupe que nous formions à cette époque appelé les « Tchatcheurs » – où je l’avais introduit –, savent ce qu’il en fut.

 

Première anecdote : en 1987, je décide de rencontrer certains caciques du régime d’Ahmadou Ahidjo et transfuges au profit du nouveau, notamment Marcel Mengueme – ministre de l’Administration territoriale en ce moment là –, Enock kwayep et Sengah Kouo entre autres, pour connaître leur opinion sur le nouveau régime qui commençait déjà à avoir des difficultés financières suite aux gabegies budgétaires des années précédentes. À certains de ces entretiens comme à d’autres rendez-vous à caractère politique, je fus souvent accompagné par Kamto Maurice. Un après-midi, alors que nous nous retrouvions à deux dans la maison, les agents de la police politique vinrent l’arrêter, suite à la controverse qui l’opposait à Hubert Mono Ndjana et à un groupe d’affidés « BËTI » sous la houlette de Dieudonné Oyono. Arrestation en rapport avec l’article qu’il avait publié dans le « Messager » - journal qualifié d’opposition – relatif à la parution du livre « L’idée sociale chez Paul Biya » d’Hubert Mono Ndjana déjà mentionné.

 

J’intervins immédiatement en demandant aux policiers le motif de son arrestation et le l’endroit où ils l’amenaient. Ils l’amenèrent à la BMM de sinistre réputation ; d’où disparurent ou trouvèrent la mort, suite aux tortures, de nombreux patriotes.

J’alertai aussitôt certaines personnalités « BAMILEKE » comme le magistrat Kenye Pokam pour une action immédiate en faveur de sa libération. 24 heures après, il fut relaxé.

 

Deuxième anecdote : je lui présente une de mes nièces, étudiante à Paris.

Il en tombe amoureux et m’informe quelques temps après, son désir de l’épouser. N’y voyant aucun inconvénient, je me rends à Douala où résidaient les parents de ma nièce, pour leur présenter le bien-fondé d’un tel projet de mariage entre ma nièce et Kamto Maurice, en leur donnant l’assurance que le fiancé de ma nièce était digne de confiance ; d’autant que c’était un ami.

 

Ayant changé de domicile, que ne fut ma surprise quand, un an après, je reçois une invitation me conviant à la cérémonie de mariage du fiancé de ma nièce ! Est-ce avec cette dernière sans que je sois préalablement informé ? A cette question, l’intéressé m’apprend que sa famille n’a pas accepté le fait qu’il puisse épouser une « nkwa » c'est-à-dire, une fille qui n’est pas Bamiliké ! Ce fut également une douloureuse déception pour ma nièce qui, n’ayant pas été informée par son pseudo- fiancé de cette rupture, l’apprendra par moi. Sans parler le fait que j’avais perdu la face vis-à-vis de mes oncles, auprès desquels, j’avais engagé ma parole sur le sérieux des intentions de Kamto Maurice.

 

J’ai lu, il y a quelques temps, sur les réseaux sociaux, un texte non signé dont l’auteur semble avoir une proximité soit politique, soit tribale avec Kamto Maurice, tentant à justifier l’entrée en 2001 de ce dernier au Gouvernement de Paul Biya en guise de récompense consécutive à sa participation à la défense de la partie camerounaise sur le « Dossier Bakassi ». Or pour quelqu’un qui avait flirté avec le Social Democratic Front (SDF), son acceptation de faire partie d’un gouvernement aux couleurs du RDPC aurait pu paraître déroutant pour certains observateurs ! Soit.

Par ailleurs, on apprend dans ce texte que pour rejoindre l’équipe de juristes qui devait défendre le Cameroun, Kamto Maurice, par le biais de sa société « Brain Trust Consulting », exige de l’Etat de son pays, le paiement de 500 Millions de Francs CFA par an pendant toute la durée du Procès ; ainsi que le versement d’un bonus de 5 Milliards de FCFA ! Un dossier où le Cameroun, au regard des Traités signés entre les puissances occupantes, Allemagne, France et Grande Bretagne, définissant les frontières entre les deux pays, avait une grande chance de gagner.

Demander de telles sommes s’apparente au mercenariat ! D’autant que si le Continent africain avait déjà réalisé son intégration comme le souhaitaient les grands leaders panafricains au Congrès organisé par Kwamé Nkrumah en 1958 à Accra, l’Afrique aurait évolué vers un espace sansfrontières faisant disparaitre de facto, un tel litige.

 

De qu’elle moralité ou exemplarité pourrait-on se prévaloir pour prétendre gérer au plus haut sommet, les affaires de l’État ? En quoi un tel comportement qui ressemble au péculat, serait-il différent de ceux de l’oligarchie au pouvoir, tant décriée et dont on est pressé de vouloir remplacer à tout prix le premier d’entre eux ?

 

agissement, indigne d’un vrai patriote qui aime son pays, apparait comme un double chantage à la fois à l’utilité de son expertise, et aussi au constat de l’incompétence manifestée par le Gouvernement camerounais à la gestion de ce dossier. Quand on sait par ailleurs que les études et le cursus universitaire de l’impétrant ont été financés sur les deniers de l’Etat, et donc, par les impôts des Camerounais, cela ne peut qu’être inacceptable ! « On reconnaît l’arbre à ses fruits » dit le proverbe.


Aussi, pour exprimer mon sentiment à l’endroit de ceux qui nous gouvernent depuis si longtemps et de ceux qui ont la prétention de le faire et, au regard des comportements de certains individus que j’ai eu à côtoyer et plus généralement d’une majorité de nos compatriotes, commençons par voir ce paradigme de L’ambiguïté humaine qu’est la trahison. En effet, il semble difficile d’imaginer qu’il y ait quelqu’un au monde, qui n’ait jamais été confronté, d’une manière ou d’une autre, à la trahison, ou au sentiment de trahison, ou à l’accusation de trahison. La trahison est omniprésente dans l’histoire des individus et personne n’y échappe. Que ce soit dans la famille, dans la fratrie, dans le couple, entre amis, entre collègues, ou en politique.

 

Les dégâts que provoque une trahison sont sérieux et parfois irrécupérables, conduisant à des ruptures, parfois violentes ou brutales. Là où il y a trahison, il n’y a plus de rêves, plus d’idéaux, d’aspirations. « L’amour supporte mieux l’absence ou la mort que le doute ou la trahison » écrivait André Maurois académicien français. Trahir (tradere) c’est abandonner, déserter, passer d’un camp à un autre – celui de l’ennemi – ; la trahison, c’est le comportement, l’action, l’attitude, le geste de quelqu’un qui brise une fidélité, une confiance, une alliance, une loyauté. L’histoire de notre pays a connu plusieurs cas de trahison : celui des Députés BAMILIKE qui permet à Ahmadou Ahidjo de devenir en 1958, Premier ministre du Cameroun Oriental ; celui présumé de certains compagnons de Ruben Um Nyobè localisé et tué dans le maquis de Boumyébel ; et beaucoup d’autres…

 

Vu ainsi, il serait naïf de croire aux professions de foi politiques grandiloquentes, mais qui cachent mal – si on les ausculte à l’aune des vraies natures de leurs auteurs – qu’avec eux, les lendemains du Cameroun seront – en remplaçant Paul Biya –, enchantés ! Sachons-nous méfier des avatars politiques qui cherchent à profiter du désarroi et de la lassitude des Camerounais face à l’incurie d’un pouvoir sans fin.

Et après ?

Pourrait-on me rétorquer. Je pense pour ma part que même si Paul Biya rempile pour 7 ans encore, le « Biyaïsme » doit être une parenthèse – si longue soit-elle – dans l’Histoire de notre pays. Inutile de revenir ici sur la litanie des maux dont souffre le Cameroun (2). Ils sont connus par tous nos concitoyens ; à des degrés différents, bien évidemment, selon le niveau de conscience.

 

Mais pour des patriotes qui ont une conscience aigüe des enjeux qui conditionnent l’avenir de notre pays, cette période du probable et énième mandat de sept ans de l’inamovible occupant du Palais de l’Unité doit être mise à profit pour ouvrir le chantier de la Refondation d’une véritable Nation camerounaise. Car le Cameroun est à refonder et à refaire. Il n’a pas besoin de « Renaissance ». on pourrait renaître après la mort. Mais comme territoire habité depuis le néolithique ou en tant qu’entité géopolitique, le Cameroun existe. Le « Renouveau » de Paul Biya apparaissant aujourd’hui comme une chimère, il faut apprendre à se méfier des pastiches politiques trompeurs. J’ai déjà décrit dans un précédent article (3), en quoi consistent cette refondation et ce refaire. En baptisant son parti « Union des Populations du Cameroun » (UPC), Ruben Um Nyobè et les dirigeants d’alors avaient conscience de cette exigence. Depuis la Conférence de Berlin de Juillet 1772 à février 1773 au cours de laquelle les frontières des pays d’Afrique firent tracées, le Cameroun n’est qu’un ensemble de populations hétéroclites, divisées en ethnies et tribus, vivant sur un territoire sous l’oppression d’un appareil administratif néocolonial ; mais sans véritables liants pour faire peuple ou nation ; de vrais constituants d’une nation qui permettent une cohésion des populations :une Langue nationale, des références historiques fédératrices, l’exemplarité des grandes figures auxquelles s’identifier n’ont jamais été mis en place ! Un pays dont les ressources sont captées par une minorité qui perpétue le maintien des instruments d’aliénation que sont les langues étrangères, les religions venues d’ailleurs, le travestissement aux canons occidentaux. Nous ne pouvons continuer ainsi et être fiers de notre « camerounité ». Avec Paul Biya ou avec quelqu’un d’autre qui perpétuera ce système, même en introduisant des nuances…

 

Aussi, une profonde réflexion s’impose ; pouvant conduire à la mise en place d’un Comité ad hoc ayant pour objet, la conception d’un palimpseste, et l’élaboration d’un véritable « PAPE » politique : Projet – Analyse – Planification – Exécution. Qui devra impérativement être soumis, débattu, enrichi, amendé et adopté au cours des Etats Généraux du Cameroun où tous les Camerounais seront représentés par des délégués élus par les citoyens au niveau de chaque Arrondissement lors des assemblées regroupant toutes les tribus d’une Commune. Dans une célèbre citation, Martin Luther King rappelle que « l’obscurité ne peut pas chasser l’obscurité ; seule la lumière le peut. La haine ne peut pas chasser la haine ; seul l’amour le peut ». Pour tracer un nouveau chemin prometteur pour les générations actuelles et futures de notre pays, il faudra que nous nous asseyions, pour « laver notre linge ». Une joute faite de débat apaisé, une sorte de catharsis collectif au cours duquel tous nos démons pourront être exorcisés : divisions tribales, haines accumulées, culture de la méfiance, intérêts partisans au détriment de l’intérêt commun etc. pareille initiative qui est un défi en soi, revient aux patriotes qui pourront démontrer à l’Afrique et au reste du monde que les Camerounais ne ressemblent pas tous à ces rond-de-cuir, qui pantouflent dans un fonctionnarisme stérile au sein d’un appareil d’Etat oppressif en captant à leurs seuls profits la grande partie des ressources financières du pays ; dépourvus de valeurs que sont le courage, la liberté, la générosité, l’esprit de créativité et d’inventivité, le sens de l’honneur, l’amour du Prochain et de la patrie. Valeurs sociales et morales qui confèrent des qualités qui rendent une personne meilleure.

Certes, le Cameroun, en tant que pays, peut toujours continuer à exister, bien pour les uns, mal pour les autres. Mais les rancœurs accumulées au fil du temps, les injustices criantes vécues par un grand nombre, peuvent dégénérés en un « chaos » - dixit Paul Biya – voire en guerre civile ; sombre perspective pour un pays qui a tous les atouts pour réussir son développement et assurer un bien-être à tous ses citoyens quels que soit sa classe et son niveau social.

 

Pour conclure, méditons une fois de plus, cette maxime qui nous vient du fond des âges : Nous savons qu’il n’y a pas d’acquisition définitive ; tout moment est passage, l’apogée contient en germe le déclin, la défaite prépare la victoire future, la retraite est souvent la meilleure préparation du retour.

 

Vu ainsi, nous devons nous garder de nous identifier à l’extrémité heureuse ou malheureuse où le sort nous a portés pour considérer toujours en elle la présence sécrète mais toujours en œuvre du pôle contraire.

D’où la nécessité de construire un projet politique de consensus qui recherche la concorde nationale et le progrès pour tous. « Le sage voit son devoir, le vulgaire voit son intérêt » (Confucius). C’est donc un devoir pour tout vrai patriote, de s’atteler à cette noble et exaltante tâche.

Je reste en ce qui me concerne lucide sur le caractère funeste du régime de Paul Biya. Meurtres et assassinats perpétrés par des sicaires de service, et qui demeurent impunis jusqu’à présent, ont depuis longtemps pour conséquence, le renoncement et la peur de la mort chez nos compatriotes.

 

Dans « Discours de la servitude volontaire » publié en 1576, le jeune juriste Etienne de La Boétie analyse les rapports maître-esclave qui régissent le monde et reposent sur la peur, la complaisance, la flagornerie et l’humiliation de soi-même. Leçon plus qu’actuelle dans notre pays. Cependant, dans ce livre, La Boétie nous invite à la révolte contre toute oppression, toute exploitation, toute corruption, bref contre l’armature même d’un Pouvoir totalitaire.

Puisque la mort est inéluctable pour chaque humain, alors pourquoi en avoir peur ? « Une Cause pour laquelle on sacrifie sa vie, doit être une grande Cause » écrivait Ruben Um Nyobè.



28/09/2018
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