L’hôpital gynéco-obstétrique de Ngousso était difficilement accessible hier. Des carrés de militaires et de gendarmes se sont formés à l’entrée de la formation hospitalière. Les agents de la Direction générale de la recherche extérieure (Dgre), en civil, se baladent également le long de l’esplanade de l’hôpital. Reconnaissables à leurs badges de couleur bleue qu’ils portent autour du cou, ils écoutent malicieusement et discrètement les conversations des personnes qui sont venues manifester contre le vol du bébé de Vanessa Tchatchou.
A l’intérieur de l’hôpital, une dizaine d’agents des services des renseignements ont envahi le pavillon maternité. Vanessa Tchatchou s’y trouve, dans la salle 2. Ces agents, envoyés par la présidence de la République, sont venus demander à Vanessa de libérer le lit 12 qu’elle occupe depuis six mois. Ils avancent la raison selon laquelle la mère du bébé volé n’est plus en sécurité à l’hôpital. On risquerait ainsi de lui faire du mal si elle continue à y passer ses jours et ses nuits. Vanessa s’oppose à cette proposition, elle est prête à mourir sur ce lit, tant qu’elle n’aura pas son bébé entre les mains.
Paul Biya
La Dgre insiste et va jusqu’à avancer que quitter l’hôpital leur permettrait de faire avancer l’enquête. Ils proposent alors à Vanessa de l’installer dans un appartement au quartier du lac à Yaoundé. Vanessa n’en a rien à faire, elle pense que c’est un moyen pour la faire sortir de l’hôpital. Sa famille, désemparée, intervient et lui conseille d’écouter les agents de la Dgre. Les pleurs et les cris de Vanessa résonnent plus fort. Elle s’accroche. Me Meli, le président de l’assemble générale de l’Ordre des avocats du Cameroun, est dépêché aux côtés de Vanessa. C’est désormais avec cet avocat que la Dgre poursuit la discussion, selon la volonté de l’adolescente de 17 ans. Au moment où nous allions sous presse, Vanessa se trouvait toujours dans son lit à l’hôpital.
En effet, saisie trois fois par Shanda Tonme, le président de la Commission indépendantecontre la corruption et la discrimination (Comicodi), la Conac, travers son président, Dieudonné Massi Gams, dans une correspondance datée du 1er février 2012, répondait ceci : «J’ai l’honneur d’accuser réception de vos correspondances susvisées et de vous faire connaître que j’en ai saisi le Délégué général pour compétence les 14 et 20 décembre 2011, le ministre d’Etat, ministre de la Justice, Garde des Sceaux, le 14/12/2011 et le ministre de la Santé publique le 14/12/2011 à toutes fins utiles. Ce jour, 1er février 2012, j’en ai saisi, pour sa très haute information, son excellence monsieur le président de la République, chef de l’Etat».
Ainsi, en quittant le Cameroun mardi dernier, Paul Biya, le chef de l’Etat, a instruit à ses services d’ouvrir une enquête sur l’affaire du bébé volé de Vanessa Tchatchou. D’où ce déploiement de la Dgre, qui s’était déjà rendue à l’hôpital gynéco dans la nuit de mercredi dernier. Pendant deux heures, quatre agents (deux hommes et deux femmes) ont entendu Vanessa, sa mère, Sylvie Jueyep, et le père du bébé volé, Issa Issénou, dans le hall de l’hôpital. La grand-mère du bébé volé a présenté l’affaire, depuis sa genèse, le 20 août 2011, jusqu'à la situation actuelle. Elle n’a pas manqué de dénoncer l’attitude de la Justice, qu’elle juge laxiste.
Les agents de la Dgre, quant à eux, ont fait part de leurs objectifs, du moins, ceux de l’instance qui les envoie, « préserver la paix sociale » et faire « régner le calme ». La Dgre a ainsi demandé à Vanessa d’être discrète, « pour que l’enquête évolue », surtout, « d’éviter les contacts avec les journalistes et les autres personnes qui veulent récupérer cette affaire ». Car, « ce n’est que comme cela que nous pourrons vous aider », a-t-on indiqué à Vanessa. Elle, veut son bébé.
© Le Jour : Eitel Elessa Mbassi