Le mode de désignation des responsables tant à l’intérieur du Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais que dans la haute administration, est resté très discutable. En effet, les personnes cooptées ne sont toujours pas, comme on le voit ailleurs, des militants de base, purs produits d’une école des cadres où on apprend non seulement les rouages et la vision du parti, mais aussi le respect de la « Res Publica », nécessaire pour une meilleure politique de gouvernance, dont l’efficience ne peut plus être garantie par les seuls formations et apprentissages classiques.
Avoir des administrateurs et autre agents de l’Etat comme hauts cadres et autres Personnalités Ressource n’a rien de gênant si tant est qu’ils sont issus de la base. Visiblement, tout le problème repose là puisque, à l’observation, le militantisme par le sommet est la règle et finalement néfaste, du moment où il contribue à fabriquer des hommes et des femmes des réseaux peu orthodoxes qui ne servent pas le pays, mais ceux qui les ont amenés aux affaires. La récente actualité nous enseigne que Paul Biya semble davantage faire confiance à ceux qui, vertement, étalent au grand jour l’incompétence avérée de son gouvernement et même ceux qui voient en sa sénilité dispendieuse un obstacle à la bonne gouvernance.
Le conseil national de la communication dont les
membres viennent d’être nommés est sans doute corporatiste, mais non
moins politique car la nomination dans ce cas relève du pouvoir
discrétionnaire et autorise des sanctions à l’endroit des confrères
imprudents et récidivistes. Les désignations de Jean Bruno Tagne et de
Christophe Bobiokono, qui ne sont pas connus comme des amis du régime,
laisse songeurs tous ces Camerounais en expectative et inquiète
sérieusement les militants chevronnés qui sont parfois montés aux
braises au péril de leur vie, pour défendre leur champion. En respectant
les équilibres et les sensibilités dans le milieu de la presse, on
aurait bien pu trouver des gens au même pr
ofil sans doute fidèles. Cependant, le président a fait un choix qu’il nous importe de creuser pour mieux comprendre où on va.
L’arrivée du ministre Tchiroma au portefeuille de la communication a été
l’une des plus controversées de l’histoire du Renouveau de ces vingt
dernières années. Non pas seulement du fait qu’il est un opposant au
régime qu’il a servi au milieu des année 90 comme ministre des
transports, mais aussi parce qu’il fut l’un des plus grand frondeurs du
mémorandum du Grand-Nord, bastion électoral de Paul Biya. Jamais un
ancien ministre n’avait autant tancé le régime qu’on sait friand de
l’omerta et des gens de l’ombre, pour revenir aux affaires et narguer de
ce fait tous ceux-là qui, la mort dans l’âme, jouaient les hagiographes
du prince.
Heureusement ! On peut le dire aujourd’hui, Tchiroma n’est pas la plus grosse bêtise du gouvernement, encore moins le mauvais risque de Paul Biya, lui qui a compris que quand on est le mal aimé des enfants d’une famille dangereusement recomposée, on doit, un peu plus que les autres, redoubler d’efforts. C’est le seul ministre qui communique et qui défend à en mourir le chef de l’Etat, au point d’oublier qu’il est lui-même président d’une formation politique. On peut l’aimer ou pas, mais reconnaitre quand même son courage politique, lui qui prend des coups là où les « ministres-militants » sont absents, parce que englués dans des batailles aux issues incertaines alors que le pays se porte mal. Il faut remonter à Kouontchou Kouémegni pour voir un porte-parole improvisé ou réel, qui a autant mouillé le maillot.
Si Tchiroma a pu travailler dans des conditions
aussi inhumaines, il nous semble que les inquiétudes de Souley Onohiolo
ne soient plus justifiées, lui qui craignait que les postes stratégiques
du conseil national de la communication, qui sont restés aux mains des
fidèles du régime, ne soient « la corde que l’on garde au coup de la
chèvre vendue ».
Jean Bruno Tagné et Christophe Bobiokono ont bien compris qu’il y a pas
de honte à servir un régime qu’on a longtemps tancé, surtout quand
l’occasion est donnée de mettre en exergue les propositions souvent
restées lettre morte. Ceux qui les ont connus et aimés n’attendent pas
d’eux de la compromission, encore moins de la complaisance, mais qu’ils
sachent tirer toutes les conséquences de leurs éventuelles mise en
minorité.
Si le président Paul Biya pense de façon sincère associer des Camerounais de tout bord pour la réussite de ses projets sans les phagocyter politiquement et sans créer sur le long terme des frustrations parmi les siens, on aura franchi un pas décisif vers l’émergence.