Le Cameroun est à l’abandon et il y a bien longtemps que son président a abandonné son pays. « L’homme mystérieux », comme le qualifie Marafa Hamidou Yaya dans sa dernière sortie médiatique, a quitté le pouvoir. Sinon comment expliquer l’absentéisme d’un chef d’Etat à tous les niveaux de la vie du pays dont il a la charge? Le pays est à genoux et le peuple sans chef. Qu’il soit téléguidé par de mauvais conseillers ou qu’il soit inconscient de son incapacité à diriger le Cameroun, la population en bave.
Entre l’économie malade de la fraude et de la
corruption, les projets de développement aussi statiques les uns après
les autres et le pouvoir d’un peuple noyé dans la peur de l’action, la
tombe du Cameroun se referme tristement sous le regard impuissant des
citoyens. Alors que sous d’autres cieux la veille est permanente, ici
les luttes sont isolées. Le ralliement à la cause unique n’existe pas.
La solidarité est dominée au quotidien par la peur et la traitrise
entretenus par le régime en place.
« Paul Biya est dangereux », l’a si bien dit Jean Bosco Talla dans le
titre barrant la Une de son hebdomadaire Germinal. Oui, il est même très
dangereux et il y a belle lurette qu’il a égaré la « clé de voûte du
système politique ». Il a perdu le contrôle des pouvoirs publics. Paul
Biya n’incarne plus l’unité nationale. Il n’est plus le garant de «
l’indépendance nationale, de l’intégrité du territoire, de la permanence
et de la continuité de l’Etat » comme le dit la constitution. Et il n’ y
a rien d’étrange à dire en de termes vrais tout haut ce que le commun
des Camerounais pense tout bas. Un président qui ne dirige pas son pays
est un homme dangereux pour le peuple.
A mesure que les Camerounais égrènent leur chapelet de misère, ni les
cris désespérés de la population, ni les excitations machinées des
politiques, ni les dénonciations infertiles de la presse, encore moins
les gesticulations facétieuses d’une certaine diaspora en mal de repère
ne semblent convertir la remarquable désaffection vis-à-vis de son
peuple. Le chien aboie la caravane passe.
D’ailleurs Ni Bongo fils qui l’attendait au Gabon,
ni les autres chefs d’Etats, encore moins les Camerounais ne sont
surpris par cette absence légendaire qui frise le mépris pour certains.
Nul ne doute d’ailleurs de ce qui pourrait arriver si jamais le Cameroun
connait un jour des bruits de bottes. « Si quelqu’un t’a mordu, il t’a
rappelé que tu as des dents » dit l’adage.
Si « l’ignorance et la bêtise du peuple font la force du dictateur« ,
comme le soutient Jdan Noritiov, le Cameroun en est une parfait
illustration. Entre temps les frontières de plus en plus poreuses
laissent infiltrer l’insécurité. Boko Haram entre au Cameroun, Paul Biya
en sort et les Camerounais dorment.
Pendant que leurs femmes alignent sans
discontinuer une pléiade de bâtards, les Camerounais, toujours aussi
impuissants que maladroits, se confortent à parler de l’infidélité de la
femme du voisin. L’avenir du Cameroun appartient au peuple camerounais
qui seul détient le vrai pouvoir: celui de se libérer. Toujours est-il
que seule la prise de conscience et la maîtrise de ce pouvoir,
saupoudrée d’une forte dose de solidarité, pourra sauver les meubles.