Patrick Mboma: «Le problème du football camerounais, c'est les Lions indomptables»

DOUALA - 27 Mars 2012
© Joseph OLINGA | Le Messager

Ce déficit est dû au fait qu’il y a un mastodonte qu’on appelle les Lions indomptables, plus particulièrement, l’équipe A du Cameroun qui donne l’impression que quand elle gagne tout va. Or, je sais que nous avons obtenu des victoires dans la douleur.

Avec votre recul, que gardez-vous de votre passage au sein de la sélection nationale du Cameroun? Y a-t-il un secret que vous gardez?

J’aimerais préciser que j’ai eu la chance de défendre les couleurs du Cameroun avec les Lions indomptables. J’ai également eu la chance de rencontrer des sportifs et des gens exceptionnels. Ce que j’ai retenu des Lions, c’est l’esprit de solidarité et un souci permanent de succès pour la gloire du Cameroun. C’est ce qui nous a permis de remporter des victoires malgré les difficultés qui étaient les nôtres. Cet esprit nous a permis de soulever des montagnes. Est-ce que je pars avec un secret? Non! Je révèle tout simplement qu’il faut avoir un objectif commun. Savoir pourquoi on est dans la sélection.


Quelle est la différence entre votre génération et celle actuelle?

L’avantage de notre génération c’est que, nous avions certes une forte période de disette en terme de succès chez les Lions indomptables, malgré une aura incontestable, mais surtout la volonté de ne pas se mettre en avant individuellement était forte. Et même si certains ont souvent été tentés, la réalité c’est que nous voulions donner des choses individuellement mais l’objectif c’était l’équipe. Ce n’est pas un secret de dire que c’est ce qui fait avancer le collectif dans le football.



Que fait Patrick Mboma pour le retour de la sérénité au sein de l’équipe nationale? Discutez-vous souvent avec le groupe?

Est-ce que je me suis mis au service du Cameroun? J’ai annoncé que j’allais me mettre au service de mon pays avant même d’arrêter de jouer. Je me souviens que peu avant la Coupe des confédérations qui a vu disparaître feu Marc-Vivien Foe, j’avais estimé à certains mon mécontentement quant à l’organisation autour des Lions. J’avais clairement dit que j’aimerais rendre mes services au Cameroun une fois sorti de la pelouse. J’aimerais rendre des services aussi grands que ceux que le Cameroun m’a rendus. Jusqu’ici, j’ai la frustration de ne pas pouvoir donner la pleine mesure de ce que j’ai en moi. Je sais que j’ai un réel potentiel. J’ai échangé avec beaucoup de personnes. J’ai traversé des océans. C’est une situation qui fait de moi un homme frustré malgré l’épanouissement que j’ai connu au sein des Lions. Je sais que j’ai encore beaucoup à donner au Cameroun. Mais, je dois le faire avec une certaines légitimité. Je ne vais pas faire un putsch pour m’imposer. Je l’ai exprimé, je l’exprimerais encore. J’ai attendu, j’attends, je ne sais pas si j’attendrais encore longtemps. En tout cas, j’ai beaucoup à donner au Cameroun. J’attends simplement de pouvoir le faire avec toute la légitimité que cela comporte.


Vous dites que votre souhait, c’est de voir votre jubilé faire oublier aux Camerounais l’absence des Lions à la Can 2012. Pensez-vous que cela est possible?

La Coupe d’Afrique des nations est achevée et elle a été gagnée par les Zambiens que je félicite. En l’occurrence le président de la fédération Kalusha Bwalya. Je voudrais dire que nous n’avons aucunement la prétention de remplacer la Can. D’autant plus que l’évènement a été pensé bien avant la non qualification des Lions. Et puis je ne pense être aussi performant que les Mbia, Kameni et autres le 26 mai prochain mais c’est l’ensemble de la vie autour d’un évènement lié au football qui va permettre de panser certaines plaies et d’essuyer certaines larmes. Le jubilé de Patrick Mboma n’a pas de plus grande prétention que celle là. Et, c’est surtout pour moi la meilleure façon que j’ai trouvé pour faire mes adieux au public camerounais. Mon dernier match a été livré en Tunisie et j’annonçais ma retraite. Cela aurait été plus beau si j’avais pu scénariser la chose en étant à Yaoundé derrière une victoire. C’est un peu une façon de me rattraper et je soutiens que nous aurons la possibilité de dire aux Camerounais que l’avenir est devant nous.


Quel est le regard de l’ancien footballeur et agent de joueurs sur le phénomène d’exode des joueurs vers l’étranger au moment où l’on parle de football professionnel au Cameroun?

Agent de joueur c’est une activité que j’avais menée pendant trois ans et que j’avais stoppée il y a plus de trois ans. J’ai un regard qui n’a rien à voir avec une fonction. Toutefois, j’ai une expertise qui me permet de donner mon opinion à ce propos. Je pense que le football au Cameroun a vraiment un déficit. Et, ce déficit est dû au fait qu’il y a un mastodonte qu’on appelle les Lions indomptables, plus particulièrement, l’équipe A du Cameroun qui donne l’impression que quand elle gagne tout va. Or, je sais que nous avons obtenu des victoires dans la douleur. Et que beaucoup de ces maux sont encore présents. Je soutiens mordicus que le football commence par la base. Parce ce que tous les Lions ont été à la base. C’est l’inverse qui n’est pas vrai. Et, la base du football, c’est d’abord le football des jeunes et l’organisation des championnats pour les jeunes.

Quand on considère qu’on ne fait plus référence aux équipes minimes, cadets, juniors, espoirs et même féminines, on réalise pourquoi on a des problèmes à pérenniser les résultats avec la sélection A. Derrière cela, il y a aussi le fait qu’il y a un exode massif de joueurs. Je pense qu’après le Brésil, le Cameroun est le pays qui vend le plus de talents à l’étranger. Seulement, ce sont des talents bradés. Il ne faut pas aussi ignorer que les footballeurs camerounais sont tous persuadés que leur avenir sera meilleur ailleurs qu’au Cameroun. Ce qui n’est pas évident mais qui malheureusement est vrai. Il faut travailler à enlever l’envie à ces joueurs d’aller à l’étranger. Le problème chez nous, c’est que dès qu’on a un talent qui commence à peine à éclore, la première chose à laquelle on pense c’est de le vendre. Le professionnalisme peut être une solution en ce sens qu’il peut ôter aux joueurs le besoin de s’expatrier pour vivre de leur métier. Mais, il faut remarquer qu’on ne peut pas organiser le football professionnel si on n’a pas organisé le football à la base. Je pense qu’on a pris le problème à l’envers. Le professionnalisme est une solution, mais pas l’unique.


Que fait Patrick Mboma pour la relève? A-t-il aussi un diplôme d’entraîneur?

Je ne peux pas tout faire. Je précise que je n’ai pas suivi de cours pour être entraîneur donc, je n’ai pas la prétention de pouvoir transmettre mon savoir dans ce sens là. J’ai certes un savoir en football mais il faut d’abord avoir la volonté puis la capacité de transmettre ce savoir. Il existe un Mboma entraîneur. Il entraîne le Paris football club, en national en France. En dehors de ce qui se passe au Cameroun, je pense que c’est l’entraîneur camerounais le plus gradé à l’étranger. Si vous avez besoin d’un Mboma entraîneur aller le chercher celui-là. Je ne suis pas entraîneur, je suis consultant. J’ai travaillé pour de nombreuses radios, télévisions et presse écrite. J’ai un regard privilégié sur le football mondial et le football africain. J’ai une idée de ce que doit être le football camerounais, c’est en ce sens que je peux apporter ma contribution au Cameroun. Je salue par ailleurs l’initiative de nos compatriotes Jean II Dicka Dicka, Raymond Kalla et Rigobert Song qui, aujourd’hui sont les premiers à aller réellement chercher leurs diplômes d’entraîneurs. C’est des gens qui ont beaucoup donné et qui méritent qu’on leur fasse confiance.


28/03/2012
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