Patrice Nganang (Ecrivain): BIYA VA PARTIR !
02 FEV. 2011
© Patrice Nganang | Correspondance
"... après les évènements de Tunisie, si en Egypte Moubarak tombait, Paul Biya deviendrait ainsi, sauf Robert Mugabe et Obiang Nguema, le chef de l’Etat qui serait resté le plus longtemps au pouvoir en Afrique..."
Si le président du Cameroun avait des conseillers aussi intelligents qu’ils sont diplômés, ils lui auraient dit ceci: "Monsieur le président, êtes-vous sourd ? Voulez vous vraiment être candidat à l’élection prochaine ? N’entendez-vous pas cette voix qui vous interpelle de Tunis au Caire ? Qui vous conseille d’aller en retraite ?" Ils lui auraient posé ces questions simples, au lieu de le féliciter pour l’organisation, après combien d’années ?, d’un comice agropastoral dans sa région d’origine! Car ils l’auraient mis en garde contre cette idée vieille de trente ans – un comice agropastoral en 2011, qui l’aurait cru ! – qui pourrissait dans les archives de la dictature camerounaise, idée dont s’était servi pendant tant d’années Ahmadou Ahidjo pour s’auto-féliciter, avant d’abruptement démissionner du pouvoir, d’être condamné à mort par son poulain Paul Biya, et de mourir en exil comme on sait.
Or au lieu de lui poser ces questions, les conseillers de Paul Biya lui diront, et ils l’ont sans doute déjà fait : que le Cameroun n’est pas la Tunisie. Pour preuve, ils prendront la colère camerounaise de mars 2008 qui malgré sa centaine de morts, n’a pas pu se trouver un leader, quand la population du pays couvre sa colère dans le silence de la frustration, ou se drogue dans des églises improvisées. Ils lui diront, les conseillers de Paul Biya, que le Cameroun n’est pas l’Egypte, et ils prendront pour preuve le fait que le Cameroun soit au cœur de la zone française la plus militarisée d’Afrique, situé qu’il est entre d’une part les bases militaires françaises du Tchad et du Gabon, et ouvert sur la frontière sympathique encore pour son pouvoir du Nigeria. Ils lui diront, en bref, que le Cameroun, c’est le Cameroun.
Oui, ils lui diront, ces conseillers du président, que le Cameroun c’est le Cameroun, car si notre pays sur place déjà n’a pas d’opposition qui vaille, coagulé qu’il est depuis vingt ans avec les John Fru Ndi, Adamou Ndam Njoya, Jean-Jacques Ekindi, et qui d’autre, la diaspora camerounaise n’a encore pas pu nous inventer un ElBaradei – ou alors un Alpha Condé. Ils lui diront donc que la peur de la guerre qui a embrasé la Côte d’ivoire après s’être saisie du Congo, de la République centrafricaine ; que la peur du coup d’Etat qui a encore épargné notre pays depuis 1984, fera le Camerounais préférer au changement, le status quo que son régime incarne. Ils lui diront que l’armée nationale camerounaise, bien payée et tribalisée en fin de compte, saura le défendre au besoin contre le peuple camerounais. Et puis, ils lui diront sans doute que Nicholas Sarkozy, le président de France, saura lui garantir ce pouvoir qui lui est revenu depuis la mort d’Omar Bongo, d’être le porte-flambeau de la continuité fançafricaine.
Or, après les évènements de Tunisie, si en Egypte Moubarak tombait, Paul Biya deviendrait ainsi, sauf Robert Mugabe et Obiang Nguema, le chef de l’Etat qui serait resté le plus longtemps au pouvoir en Afrique. Jamais manguier ne sera aussi dénudé par l’histoire de ces derniers jours, et jamais ce qui se passe en Afrique n’aura aussi clairement donné un avertissement aux derniers tyrans de l’histoire de notre continent. Chaque jour qui passe ne renforce pas dans l’habitude le pouvoir de la dictature chez nous ; au contraire, ce qui s’est passé en Tunisie et se passe en Egypte, écrit de plus en plus certainement la fin de son règne aux signes de la poudre d’escampette. Car quel Camerounais, dites-moi donc, n’a pas vu que le pouvoir de Ben Ali était le miroir fidèle de celui de Paul Biya ? C’est que nous savons bien que ce qui se joue en Côte d’ivoire, c’est l’introduction d’une France faible, qui en dix ans n’a pas pu faire tomber Laurent Gbagbo parce que devant elle, elle a trouvé des gens qui ont dit ‘non, mes chers amis, pas cette fois-ci !’, et a plié le cou finalement à Tunis.
Nous savons que ce qui se joue en Egypte, c’est le déculottage d’un tyran au pouvoir depuis 1981 qui d’idée n’avait qu’une seule en fin de compte : installer au pouvoir son propre fils. Nous savons que la démocratie héréditaire qui a eu lieu au Togo et au Gabon, c’est le futur qu’un pouvoir aux ordres de Paris nous propose comme avenir, au nom de ‘la stabilité’ et de ‘la paix’ que la France compte bien nous imposer au prix de son ‘expertise en matière de police’, comme elle voulait le faire en Tunisie, avant que d’être dribblée par le peuple tunisien. Nous savons, oui, nous le savons, bèbèla !, que le Cameroun est plus grand que le Togo ou le Gabon, que donc le peuple Camerounais plus nombreux sait se défendre, et l’a d’ailleurs toujours su. Mais surtout, nous savons, nous les Camerounais, que nous avons dans nos bagages cette phrase simple que nous avions écrite en 1990, réveillé de nos tiroirs en 2008, et que nous saurons bien écrire cette fois encore dans nos rues et sur notre corps au besoin, cette phrase si simple et si juste que nous saurons actualiser pour cette heure de plus en plus grave : BIYA WILL GO !
© Patrice Nganang | Correspondance
"... après les évènements de Tunisie, si en Egypte Moubarak tombait, Paul Biya deviendrait ainsi, sauf Robert Mugabe et Obiang Nguema, le chef de l’Etat qui serait resté le plus longtemps au pouvoir en Afrique..."
Si le président du Cameroun avait des conseillers aussi intelligents qu’ils sont diplômés, ils lui auraient dit ceci: "Monsieur le président, êtes-vous sourd ? Voulez vous vraiment être candidat à l’élection prochaine ? N’entendez-vous pas cette voix qui vous interpelle de Tunis au Caire ? Qui vous conseille d’aller en retraite ?" Ils lui auraient posé ces questions simples, au lieu de le féliciter pour l’organisation, après combien d’années ?, d’un comice agropastoral dans sa région d’origine! Car ils l’auraient mis en garde contre cette idée vieille de trente ans – un comice agropastoral en 2011, qui l’aurait cru ! – qui pourrissait dans les archives de la dictature camerounaise, idée dont s’était servi pendant tant d’années Ahmadou Ahidjo pour s’auto-féliciter, avant d’abruptement démissionner du pouvoir, d’être condamné à mort par son poulain Paul Biya, et de mourir en exil comme on sait.
Or au lieu de lui poser ces questions, les conseillers de Paul Biya lui diront, et ils l’ont sans doute déjà fait : que le Cameroun n’est pas la Tunisie. Pour preuve, ils prendront la colère camerounaise de mars 2008 qui malgré sa centaine de morts, n’a pas pu se trouver un leader, quand la population du pays couvre sa colère dans le silence de la frustration, ou se drogue dans des églises improvisées. Ils lui diront, les conseillers de Paul Biya, que le Cameroun n’est pas l’Egypte, et ils prendront pour preuve le fait que le Cameroun soit au cœur de la zone française la plus militarisée d’Afrique, situé qu’il est entre d’une part les bases militaires françaises du Tchad et du Gabon, et ouvert sur la frontière sympathique encore pour son pouvoir du Nigeria. Ils lui diront, en bref, que le Cameroun, c’est le Cameroun.
Oui, ils lui diront, ces conseillers du président, que le Cameroun c’est le Cameroun, car si notre pays sur place déjà n’a pas d’opposition qui vaille, coagulé qu’il est depuis vingt ans avec les John Fru Ndi, Adamou Ndam Njoya, Jean-Jacques Ekindi, et qui d’autre, la diaspora camerounaise n’a encore pas pu nous inventer un ElBaradei – ou alors un Alpha Condé. Ils lui diront donc que la peur de la guerre qui a embrasé la Côte d’ivoire après s’être saisie du Congo, de la République centrafricaine ; que la peur du coup d’Etat qui a encore épargné notre pays depuis 1984, fera le Camerounais préférer au changement, le status quo que son régime incarne. Ils lui diront que l’armée nationale camerounaise, bien payée et tribalisée en fin de compte, saura le défendre au besoin contre le peuple camerounais. Et puis, ils lui diront sans doute que Nicholas Sarkozy, le président de France, saura lui garantir ce pouvoir qui lui est revenu depuis la mort d’Omar Bongo, d’être le porte-flambeau de la continuité fançafricaine.
Or, après les évènements de Tunisie, si en Egypte Moubarak tombait, Paul Biya deviendrait ainsi, sauf Robert Mugabe et Obiang Nguema, le chef de l’Etat qui serait resté le plus longtemps au pouvoir en Afrique. Jamais manguier ne sera aussi dénudé par l’histoire de ces derniers jours, et jamais ce qui se passe en Afrique n’aura aussi clairement donné un avertissement aux derniers tyrans de l’histoire de notre continent. Chaque jour qui passe ne renforce pas dans l’habitude le pouvoir de la dictature chez nous ; au contraire, ce qui s’est passé en Tunisie et se passe en Egypte, écrit de plus en plus certainement la fin de son règne aux signes de la poudre d’escampette. Car quel Camerounais, dites-moi donc, n’a pas vu que le pouvoir de Ben Ali était le miroir fidèle de celui de Paul Biya ? C’est que nous savons bien que ce qui se joue en Côte d’ivoire, c’est l’introduction d’une France faible, qui en dix ans n’a pas pu faire tomber Laurent Gbagbo parce que devant elle, elle a trouvé des gens qui ont dit ‘non, mes chers amis, pas cette fois-ci !’, et a plié le cou finalement à Tunis.
Nous savons que ce qui se joue en Egypte, c’est le déculottage d’un tyran au pouvoir depuis 1981 qui d’idée n’avait qu’une seule en fin de compte : installer au pouvoir son propre fils. Nous savons que la démocratie héréditaire qui a eu lieu au Togo et au Gabon, c’est le futur qu’un pouvoir aux ordres de Paris nous propose comme avenir, au nom de ‘la stabilité’ et de ‘la paix’ que la France compte bien nous imposer au prix de son ‘expertise en matière de police’, comme elle voulait le faire en Tunisie, avant que d’être dribblée par le peuple tunisien. Nous savons, oui, nous le savons, bèbèla !, que le Cameroun est plus grand que le Togo ou le Gabon, que donc le peuple Camerounais plus nombreux sait se défendre, et l’a d’ailleurs toujours su. Mais surtout, nous savons, nous les Camerounais, que nous avons dans nos bagages cette phrase simple que nous avions écrite en 1990, réveillé de nos tiroirs en 2008, et que nous saurons bien écrire cette fois encore dans nos rues et sur notre corps au besoin, cette phrase si simple et si juste que nous saurons actualiser pour cette heure de plus en plus grave : BIYA WILL GO !