Partenariat politique: Paul Biya, le Grand Nord, les axes politiques inter-régionaux

DOUALA - 13 AOUT 2013
© Joseph OLINGA N. | Le Messager

Les axes Nord-Sud, Centre-Sud-Est, Anglo-Bamiléké…peuvent-ils constituer une solution pour l’alternance au pouvoir ? Les élites locales vomies par les populations.

«L’axe Nord-Sud» : c’est ainsi qu’a été baptisée la supposée alliance qui ferait d’un ressortissant du septentrion le successeur de Paul Biya à la tête de l’Etat. Dans les milieux politiques, l’on en parle sans que personne n’administre la preuve de ce que le premier président de la République du Cameroun, Ahmadou Ahidjo et son successeur Paul Biya «ont scellé un pacte de restitution du pouvoir au Nord» comme le soutiennent certaines élites politiques. Pour évidence, Garoua la capitale de la région du Nord est inondée de tracts appelant au rejet du soutien jusqu’ici apporté au chef de file du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc) et président de la République. Les deux correspondances mises en circulation à la veille de la fête du Ramadan appellent à des élections transparentes «au risque de troubles éminents». En évoquant les cas de détention de certaines élites de la région dans le cadre de l’opération Epervier, les correspondances promettent la «vengeance» du Grand Nord à l’encontre d’un Paul Biya alors considéré comme un «traître». Seulement dans les milieux proches des ressortissants des régions de l’Adamaoua, du Nord et de l’Extrême-Nord, les évocations contenues dans les tracts en circulation ne semblent pas émouvoir grand monde.

A l’évidence, les initiatives de dénonciation et d’appel au départ du chef de file du Rdpc se sont multipliées tant dans le Grand Nord que dans le reste du pays. A la veille de la publication de la dernière élection présidentielle d’octobre 2011, les régions du Nord-Ouest, celles du Littoral, du Centre et de nombreuses villes du pays ont aussi connu des tracts anti-Biya. A chaque fois, des unités spéciales y ont été déployées quand la rue n’était pas arrosée de contre-tracts en faveur du champion du parti au pouvoir. De part et d’autre, des accusations à peine feutrées indexaient des élites politiques et administratives de tous bords bien connues du landernau politique national. Dans l’essentiel des cas, la rhétorique a été reprise par des barons du Rdpc et quelques personnalités plus ou moins proches des cercles du pouvoir ou y aspirant sous le regard détaché des populations au nom desquelles lesdites «élites» prétendent pourtant parler.


Biya peut-il perdre le Grand nord ?

Il ne fait pas de doute que le Grand nord, dans son ensemble constitue l’essentiel de la population du Cameroun. De sources officielles, les trois régions qui constituent cette partie du pays font plus de 8 millions d’habitants sur les 17 millions déclarés par le dernier recensement général de la population. En valeur relative, l’Adamaoua, le Nord et l’Extrême-Nord font à elles seules un peu plus de 33% de la population du Cameroun. Dans la même optique, cette région a exprimé un million 600 mille suffrages lors de l’élection présidentielle du 9 octobre 2011 sur les 4,8 millions d’électeurs recensés au cours de cette échéance. En valeur comparative, les trois régions septentrionales du pays sont suivies de celles du Centre, du Sud et, dans une certaine mesure de l’Est qui en valeur cumulée font un peu plus de 25% de la population nationale. Soit un peu plus de 5 millions d’habitants. Seul contraste à ce tableau, les régions septentrionales, malgré leur forte démographie compte 51 députés à l’Assemblée nationale tandis que le Centre, le Sud et l’Est en compte 50 dans la même enceinte. Un contraste accentué au regard des 18 départements que comptent les régions du Centre, du Sud et de l’Est contre 15 pour l’Adamaoua, le Nord et l’Extrême-Nord.

Cité dans les colonnes de l’hebdomadaire international Jeune Afrique l’ancien ministre et candidat à l’élection présidentielle d’octobre 2011 indique qu’ «il n’existe pas de problème entre le Nord et le Sud.» Natif de la région de l’Extrême-Nord, Garga Haman Adji confirme néanmoins l’existence d’un «projet du Grand nord». A l’initiative de l’ancien ministre de l’Administration territoriale et de la décentralisation, ancien secrétaire général de la Présidence de la République, Marafa Hamidou Yaya, soutient cette source, «Marafa voulait créer un parti.» Un projet qui, selon la même source, a fait long feu pour des raisons aussi diverses que variées. Pour sûre, l’activisme perçu tant dans le Grand Nord que dans le reste du pays apparaît sous le prisme des manœuvres de surenchère politique orchestrées par des élites proches du pouvoir et certains cadres supposés ou réels de l’opposition dans l’optique d’obtenir quelques privilèges personnels. Dans le même temps, abandonnées par les élites et la structure dirigeante, les populations ruminent leur mécontentement et l’on assiste à un glissement continu des revendications sous le prisme de l’extrémisme religieux.

Est-il possible, au regard de la diversité sociologique et de la méfiance qui caractérise le Grand Nord d’entrevoir l’éventualité d’un «Grand parti» du Nord comme le susurrent sans relâche les milieux des renseignements ? A la lecture, les contentieux historiques et politiques entre les différentes composantes sociologiques de la région laissent libre cours à quelques réserves. Dans les faits, le déficit d’adhésion des populations porte moins sur l’idée d’un repli régionaliste. Comme dans le reste du pays, l’aversion latente que nourrissent les populations du Grand Nord vise à la fois l’élite politique locale que la structure systémique et les tenants des pouvoirs administratifs et politiques.

Même en donnant l’impression de cravacher au nom du Grand nord, l’élite politique locale sait bien qu’elle fait face à une grogne qui a dépassé le cadre de la région. Des raisons de penser par défaut que la structure centrale du pouvoir sait être en face d’un désaveu de son système de gouvernance et de ses représentants. Des raisons de penser qu’il n’y a véritablement pas un problème du Grand nord? Au regard du contexte et de ses réalités, l’alternance par voie d’alliance semble désormais impossible. Outre le refus d’adhésion des masses locales, il paraît incertain d’imaginer la prise en compte d’un pacte supposé ou réel entre le Nord et le Sud au mépris des axes (supposés ou réels) anglo-bamiléké, Centre-Sud et autres concepts qui font florès dans le jargon politique camerounais. Sans grande traçabilité.



13/08/2013
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