Ouattara appelle à la grève générale
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Ouattara appelle à la grève générale(Le Figaro 28/12/2010)
Un embouteillage de petits taxis rouges serrés entre de gros camions bouche le pont Charles-de-Gaulle. Sur les trottoirs du Plateau, le centre des affaires d'Abidjan, devant des boutiques ouvertes, les passants en costume chic croisent de petits fonctionnaires. La ville, comme oublieuse de la crise politique, paraît vaquer à ses occupations ordinaires. L'appel à la grève générale lancé par Alassane Ouattara, nouvel essai pour forcer Laurent Gbagbo à quitter le pouvoir, n'a pas rencontré un grand écho lundi.
Les ports d'Abidjan et de San Pedro, où passent le plus gros des exportations de cacao, fonctionnent sans problème. Même à Abobo, un bastion du président élu, la vie suit son cours. C'est tout juste si, au matin, quelques jeunes ont tenté d'imposer l'arrêt de travail. «Il faut bien se nourrir», explique Adama, un cireur de chaussures du Plateau. Dans un pays où bien des familles vivent au jour le jour, la grève est un luxe inabordable. «En plus, on ne sait pas si demain on pourra aller au travail.» Car, derrière l'apparente normalité, les Ivoiriens n'ignorent pas que les jours qui s'annoncent seront délicats.
Pression financière et démonstration de force
La rivalité entre Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara menace de plus en plus de tourner à la confrontation armée. Ce mardi, une délégation de trois présidents de pays membres de la Communauté économique des États d'Afrique de l'Ouest (Cédéao) sont attendus à Abidjan. Les chefs d'État devraient une nouvelle fois demander à Laurent Gbagbo de se démettre, sous peine, comme l'a précisé la Cédéao, d'utiliser «la force légitime». À cette pression musclée s'ajoute celle de l'Umoa: l'organisation financière régionale a reconnu Alassane Ouattara comme le président légitime de la Côte d'Ivoire. Il est désormais le seul à même de gérer les affaires liées à cette institution et surtout à sa banque, la Banque centrale des États d'Afrique de l'Ouest (BCEAO). À terme, il pourrait être impossible pour Laurent Gbagbo de payer l'intégralité des salaires des fonctionnaires et des militaires.
Aussi, le président sortant montre sa force. Toute la semaine dernière, Charles Blé Goudé, le nouveau ministre de la Jeunesse et le patron des «Jeunes Patriotes», groupe d'activistes pro-Gbagbo, a enchaîné les meetings dans les différents quartiers d'Abidjan. Demain, celui que l'on surnommait «le général de la rue» quand, en 2004, il menait les manifestations antifrançaises, a appelé à une vaste manifestation de soutien au centre de la capitale économique. Le mot d'ordre est celui d'une marche pacifique. Mais Blé Goudé a déjà prévenu: «S'il le faut, nous sommes prêts à nous battre.»
Par Tanguy Berthemet
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