Où est passé le plan d’urgence du Chef de l’Etat ? :: CAMEROON


Cameroun : Où est passé le plan d’urgence du Chef de l’Etat ?::CameroonLe plan d’urgence annoncé par le Chef de l’Etat lors de son discours à la nation du 31 décembre 2013, n’est pas toujours présenté plus d’un mois après. Est-ce à dire que ce qui urge, peut encore attendre.

I – La logique de l’effet d’annonce

LORS DE SON DISCOURS à la nation du 31 décembre 2013, le Chef de l’Etat a relevé de nombreuses faiblesses de son équipe gouvernementale. Entre autres griefs mentionnés, il ya la très faible réalisation du budget d’investissement située à moins de 50%, le développement de ce qui peut être appelé «des comportements immergents» comme l’individualisme et le tribalisme pour ne citer que ceux-là.

Lesquels comportements constituent des véritables obstacles, voire de sérieux goulots d’étranglement à la réalisation de l’action gouvernementale qui appelle à la cohésion et à la convergence de vues et même d’aspiration. De ce constat d’échec, le Chef de l’Etat a suggéré une voie de sortie ou de remédiation de cette situation. Elle n’est autre chose que le plan d’urgence qui doit être mis sur pied et qui doit permettre de colmater les brèches, et même de rattraper le retard accumulé par l’appareil gouvernemental en place. Surtout pour ce qui est de la mise en musique de la Dsce (Document de Stratégie pour la Croissance et l’Emploi) considéré comme la feuille de route qui indique les grandes orientations en vue de l’atteinte de l’émergence en 2035.

Mais voici que plus d’un mois après, ce qui est appelé plan d’urgence n’est pas toujours présenté à l’opinion publique par voie d’annonce. Une situation qui étonne et exaspère plus d’un citoyen averti et soucieux de la bonne marche des affaires du pays. Pourtant le discours du Chef de l’Etat avait été apprécié aussi bien par les membres du partis au pouvoir que par certains leaders de l’opposition comme Ekanè Anicet du Manidem ou encore Sam Mbaka, 1er vice-président de l’Udc. Tous trouvaient que ce discours se démarquait des précédents de par sa pertinence et sa lecture de la  réalité. Ils caressaient tous le voeu que les mesures telles qu’annoncées par le Président de la République accompagnent ce constat du Chef de l’Etat qui par sa tonalité, semblait siffler la fin de la récréation entendue comme la fin de l’inertie de l’incompétence et du nombrilisme.

Malheureusement, presque tous ceux qui ont applaudi ce discours hier, sont aujourd’hui à court d’arguments pour convaincre les éternels sceptiques qui avaient prédit un simple effet d’annonce. Les faits semblent donner raison à ces sceptiques ce d’autant plus que ce plan d’urgence qui était attendu comme un coup de pied dans la fourmilière, commence plutôt à se donner du temps. Et très curieusement, de nombreux observateurs se demandent si ce qui urge peut en même temps être ce qui prend du temps.

Sinon, comment expliquer qu’un plan d’urgence qui est supposé apporter des solutions aux problèmes ponctuels, peut devenir le plan du moyen ou du long terme. A moins de donner un autre sens au mot urgence, celui-ci s’entend comme une situation qui appelle à une intervention ici et maintenant. Un plan qui est annoncé le 31 décembre 2013 et qui sera réalisé des mois plus tard, pourra-t-il encore être appelé plan d’urgence ? En tout cas, la science politique camerounaise s’enrichit régulièrement des concepts nouveaux. Peut-être nous rétorquera- t-on que l’urgence en politique ne revêt pas la même signification que sa compréhension usuelle et lexicale. D’ailleurs deux idéologues du régime comme Charles Ndongo et Charles Atangana Manda allègueront volontiers sans convaincre pour autant qu’il s’agit «du temps du président» qui n’est le  temps ni du profane et encore moins du vulgaire citoyen.

II – Peut-on encore accorder du crédit aux annonces du Chef de l’Etat ?

L’HISTOIRE DES annonces du Chef de l’Etat à la nation ne permet pas de répondre par l’affirmative à une telle interrogation. Car sur de nombreuses annonces faites par le Chef de l’Etat lors de ses adresses, très peu on été réalisées. Et certaines connaissent la matérialisation à des moments où presque tout le monde perd espoir. On peut se rappeler de quelques promesses qui avaient suscité espoir mais qui ont connu des aboutissements divers. Au milieu des années 90, le chef de l’Etat avait tenu un discours à la nation dans lequel il remerciait le peuple pour les énormes efforts consentis et ce, pendant des années dites de conjoncture économique difficile.

Ces fameuses années de programme d’ajustement structurel. A l’occasion, le président a promis l’atteinte  du «bout du tunnel». Cette formule avait reçu un accueil triomphant de la part des populations, malheureusement les mois et les années qui suivirent furent les plus douloureuses. Pendant la même période, le gouvernement par la voix des différents ministres de la santé publique, firent des campagnes du projet de la santé pour tous en l’an 2000. Cette campagne tapageuse vendait le rêve des soins de santé accessibles à tous avec une modernisation accrue des établissements hospitaliers.

Toujours au cours de son discours à la Nation, le Chef de l’Etat n’avait de cesse, de se satisfaire des «avancées de la démocratie dans notre pays» et annonçait la modernisation des institutions politiques. Il entendait par là, la mise sur pied des institutions instituées par la Constitution du 18 janvier 1996. Il s’agissait notamment du sénat et de la cour constitutionnelle. La première a vu le jour après l’organisation des élections sénatoriales en Avril 2013. Soit 17 ans après la promulgation de la constitution de 1996.

Certains artisans de cette constitution qui avaient suggéré cette évolution des institutions politiques comme le Pr Roger Gabriel Nlep, sont morts  avant la mise en application de cette institution. La seconde institution, c’est-à-dire la Cour Constitutionnelle, attend encore le temps du président. C’est avec beaucoup de joie que les populations ont accueilli l’annonce par le Chef de l’Etat de la gratuité de l’enseignement primaire pour ce qui est de l’enseignement public. Encore du leurre, car cette mesure n’est presque pas appliquée. Les directeurs des écoles ont convaincu leur hiérarchie de percevoir ne fut-ce que les frais d’Apee. Leur montant dans de nombreux établissement excède de loin, les frais exigibles d’autrefois.

Après les émeutes de février 2008, le Chef de l’Etat a pris de importantes mesures : la première annonçait la contractualisation des tous les employés temporaires dans la fonction publique. La seconde préconisait la baisse des prix des produits de première nécessité dans les marchés. Si la première mesure a connu une matérialisation, malgré l’opacité qui entourait l’opération, la seconde a plutôt entrainé l’effet inverse. C’est qu’au lieu que les prix de ces produits baissent, les commerçants les ont plutôt revu à la hausse. Tout ceci à la barbe et aux yeux des nombreux contrôleurs recrutés à l’occasion.

Jusqu’à ce jour, aucun produit de première nécessité n’a connu une réduction de prix. En 2010, le président dans son adresse à la jeunesse, a annoncé le recrutement de 25 000 jeunes dans la fonction publique. Ce recrutement a eu lieu. Seulement, beaucoup de points d’ombre ont entouré le déroulement de cette opération. La commission qui était chapeautée par Jules Doret Ndongo n’avait jamais annoncé les critères objectifs de recrutement. Et dans une telle opacité, toutes les injustices deviennent permises. On se souvient par exemple que le ministre de la fonction publique de l’époque, expliquait que ce recrutement accordait la priorité aux diplômés qui ne pouvaient plus présenter les concours administratifs.

Mais à l’arrivée, de nombreux élèves et étudiants de 18 ans abandonnaient l’école pour aller prendre le matricule à la fonction publique pour le plus grand malheur des forclos des concours administratifs. Depuis 2011, le chef de l’Etat a annoncé la célébration du cinquantenaire de la réunification à Buea. Jusqu’à ce jour nul ne peut dire quand aura lieu cette célébration. Surtout que le Chef de l’Etat qui avait annoncé en décembre 2012 que les conditions semblaient réunies pour la célébration en 2013, a préféré occulter cette question lors de son adresse à la nation en décembre 2013. Il est vrai que de nombreux flagorneurs en proie de visibilité, laissent répandre que cette manifestation se tiendra en ce mois de  février et tiennent pour preuve, les visites du directeur du cabinet civil de la Présidence de la République, Martin Belinga Eboutou à Buea ces dernières semaines. Ce énième échec de la tenue du cinquantenaire de la réunification, a jeté du discrédit sur les annonces du chef de l’Etat.

A cela s’ajoute le plan d’urgence qui est devenu le «plan permanent ». Mais la question que de nombreux observateurs se posent au sujet des ratés des annonces du Chef de l’Etat porte sur la détermination des responsables.

III – Qui est comptable des annonces ratées du Chef de l’Etat?

Certains analystes estiment que les premiers comptables du discrédit né des annonces du Chef de l’Etat ne sont autres que les rédacteurs de ces discours qui lui font parfois dire des choses dont ils ne vérifient pas la matérialité. Car c’est quand même préoccupant de savoir que le Président de la République annonce une chose qui ne se réalise pas. Une part de la faute revient aussi, pensent ces analystes, aux collaborateurs du Chef de l’Etat chargé de mettre en pratique ses engagements. Car en lui faisant un bon rapport et à temps de la situation sur le terrain, celui-ci aura certainement le loisir de prendre d’autres dispositions. Les conseillers du Chef de l’Etat sont aussi indexés pour ne pas savoir lui suggérer la conduite à tenir en cas d’échec d’un évènement qu’il a annoncé. Les analystes pensent par exemple que le Président aurait gagné en disant un mot sur la réunification plutôt que d’en faire fi dans son allocution. Cette politique du silence et même de l’indifférence qui caractérise le Chef de l’Etat ne semble pas selon les analystes, la mieux indiquée.

Car l’exercice de la fonction présidentielle aujourd’hui, se rapporte de plus en plus à l’exercice d’adresse régulière au peuple. Par ces adresses, le peuple par qui le dirigeant tient le pouvoir est régulièrement informé sur la conduite et la marche des affaires de la nation. Par cet exercice, le dirigeant explique aux citoyens pourquoi ceci a marché et pourquoi cela a raté. Mais les conseillers, en suggérant le silence au Chef de l’Etat, le ramène plutôt à des années lumières de la fonction présidentielle où le dirigeant n’avait pas des comptes à rendre au peuple. Il reste cependant,  l’équation personnelle du Chef de l’Etat qui sachant qu’il est le seul qui a reçu mandat du peuple d’agir en son nom, peut au delà des  comptes rendus et des rapports des collaborateurs, s’investir à vérifier même par lui-même des informations qui lui sont données. Aussi lui faut-il trouver des stratégies pour se rapprocher davantage des populations par les tournées nationales des différentes circonscriptions administratives en séjournant chaque année pendant au moins une semaine dans chaque région, question de visiter les départements et si possible les arrondissements.

Par une telle descente régulière sur le terrain, il y aura peu de chance que les collaborateurs lui disent des choses qui ne correspondant pas à la  réalité. Et c’est parce que le Chef de l’Etat ne s’y investit pas presque, qu’un politologue comme Eric Martial Owona Nguini estime que le véritable responsable de l’échec de ces annonces, c’est lui-même. Car comme le dit le dicton «on est jamais mieux servi que par soi- même» comme pour dire que  celui qui attend que de ses collaborateurs, une conduite impeccable des activités, ne doit s’en prendre qu’à lui-même en cas d’échec.

© Aurore Plus : Eyangoh Ekolle


20/02/2014
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