Opinion - Pierre ELA, ex-commissaire divisionnaire de Police: "Qui, de Ahmadou Ahidjo ou de Paul Biya, les deux présidents de la République en charge de garantir l’harmonie sociale, a failli à sa mission ?"

 

YAOUNDE - 10 FEV. 2014
© Adeline Atangana | Cameroon-Info.Net

 

«Qui, de Ahmadou Ahidjo ou de Paul Biya, les deux présidents de la République en charge de garantir l’harmonie sociale, a failli à sa mission ? Mon exposé, qui est essentiellement basé sur des faits irréfutables et qui est d’essence géopolitique, répond à cette problématique»

A quand le colloque de Garoua sur les œuvres et la question du rapatriement des restes d’Ahmadou Ahidjo l’ex chef de l’Etat du Cameroun ? Impossible de dire avec exactitude quand est ce que aura lieu cette grande conférence à laquelle sont conviées des sommités politiques, traditionnelles et religieuses du Cameroun et d’ailleurs. Initialement prévu du vendredi 07 au samedi 08 février 2014 dans la capitale régionale du Nord, terre natale de l’illustre disparu, le colloque avait été reporté sine die à la suite d’une interdiction de manifestions servie à l’association «Justice Plus» organisatrice de l’événement par le sous-préfet de Garoua. En réaction, Aboubakar Ousmane, président de «Justice plus» avait promis de tenir vaille que vaille ce colloque. En attendant le dénouement de ce bras de fer entre l’autorité et les organisateurs du colloque, le commissaire divisionnaire démissionnaire Pierre Ela, l’un des conférenciers invités à Garoua, a rendu public la teneur de son futur exposé. Ci-dessous l’intégralité de son texte au vitriol. 

«CONFERENCE DE GAROUA FEVRIER 2014 

EXPOSE de Pierre ELA, auteur, Spécialiste des questions pour la Sécurité Nationale. 

THEME: 

LES FACTEURS DESTABILISANTS 
DE LA SECURITE NATIONALE ET DE L’HARMONIE SOCIALE
 



Pierre Ela
Photo: © JJ ESSOMBE

AVANT-PROPOS 

Je prends la parole en qualité de membre de la Grande Famille des Forces armées et Police (F.A.P.). En septembre 1982, notre promotion, initialement composée de 7 élèves-Commissaires de Police représentant les 7 Provinces, avait été recrutée sous le régime du président Ahidjo. En novembre 1982, le changement à la tête de l’Etat intervint lorsque nous recevions une formation d’Officier d’active à l’.E.M.I.A. Le président Ahidjo, fondateur des F.A.P., voulait créer une osmose entre la Police et l’Armée. 


Comment le président Ahidjo a-t-il créé les F.A.P. ? 

Le 1er janvier 1960, le jeune Ahmadou Ahidjo lit, sous le regard bienveillant d’André Malraux, représentant spécial du général de Gaulle, la Déclaration de l’indépendance du Cameroun. Devenu le premier président de la République du Cameroun après l’adoption de la Constitution de mars 1960, Ahmadou Ahidjo est conscient de l’immense tâche qui l’attend : doter le jeune Etat d’une Administration moderne capable de relever le défi de la croissance ; réussir dans de brefs délais la politique de « pacification » face à l’Armée de Libération du Kamerun que dirige Ernest Ouandié. 

La mise en place d’une Administration moderne nécessite des ressources humaines. Le président Ahidjo dépêche en France son Premier ministre Charles Assale. Abel Eyinga est chargé d’organiser la réception du Premier ministre. Abel Eyinga invite avec insistance le jeune Paul Biya à prendre part à cette réception. Au terme de sa mission, le Premier ministre aura le plaisir de voir revenir au pays ses jeunes compatriotes bien formés et résolus à servir leur pays. Parmi les arrivants, on peut citer, entre autres, William Aurélien Eteki Mboumoua, Victor Ayissi Mvodo, et, en 1962, Paul Biya… 

Pour créer les F.A.P., le président Ahidjo reçoit les jeunes Officiers de la Police : Jean Fochivé, Paul Pondi, Pierre Minlo Medjo, Samuel Misssomba, … Le Président leur dit en substance : « Je compte sur vous pour doter notre pays d’une Police Nationale efficace ». Puis, le président Ahidjo renouvelle sa confiance au jeune Officier Pierre Semengue fraîchement sorti de la prestigieuse Ecole militaire de Saint-Cyr en France. Promu capitaine, l’Officier Pierre Semengue est responsable de la politique de « pacification ». 

Ce sera le début d’une parfaite osmose entre l’Armée et la Police, sous le commandement du président Ahidjo, chef suprême des F.A.P. 

La Grande Famille des F.A.P., de 1960 à nos jours, est profondément indignée du sort qui a été réservé au Père fondateur de l’Etat et des F.A.P. par celui-là même qui a été longtemps considéré comme la « prunelle de ses yeux ». La Grande Famille des F.A.P. exige, comme tous les Camerounais sans considération de chapelles politiques, tribales ou religieuses, que des honneurs militaires dignes de son rang soient rendus à l’ancien chef suprême des F.A.P. Cette exigence est non négociable. 

L’osmose qui a régné entre les Forces armées et la Police a aussi été l’élément unificateur entre les communautés pour en faire une nation unie et prospère. Je qualifierai cette osmose d’harmonie tout au long de mon exposé. 

L’harmonie, qui signifie au sens général ajustement, assemblage de plusieurs parties au sein de l’unité qu’ils composent, est une substance immatérielle, comme l’est l’amour. 

Si la notion d’harmonie concerne au premier chef la musique, elle peut toutefois intervenir dans le domaine politique : on parlera de l’harmonie des individus dans un groupe social, dans la cité. 

Ceux qui nous gouvernent comme ceux qui sont gouvernés doivent avoir présent à l’esprit, que l’harmonie dans la cité comprend les quatre vertus cardinales édictées par le célèbre philosophe grec Platon : la Sagesse, vertu des Chefs et du Pouvoir ; le Courage, vertu des gardiens de l’Ordre ; la Tempérance, vertu commune à tout le corps social, assurant la soumission à l’Ordre. La quatrième vertu est la Justice, qui apparait comme condition de toutes les autres : elle garantie l’harmonie sociale. Voilà pourquoi la Justice est rendue au nom du peuple et non au nom du président de la République. 

L’harmonie sociale qui a longtemps été une réalité, a été rompue non seulement au sein de la communauté nationale, mais même entre l’Armée et la Police. 

« Le courage du président Ahidjo mérite d’être salué. Mais l’ancien chef de l’Etat sera pris dans la toile de la France-Afrique qui va progressivement l’embrigader. » 


Qui, de Ahmadou Ahidjo ou de Paul Biya, les deux présidents de la République en charge de garantir l’harmonie sociale, a failli à sa mission ? 


Mon exposé, qui est essentiellement basé sur des faits irréfutables et qui est d’essence géopolitique, répond à cette problématique. 


Je propose une démarche en trois étapes: 

1. Répondre à la problématique ; 

2. Dresser un constat sous forme d’un bilan comparé entre les deux régimes politiques successifs : le régime Ahidjo entre le 1er janvier 1960 et novembre 1982 (22 ans de pouvoir) ; le régime Biya entre novembre 1982 et novembre 2012 (30 ans de pouvoir). 

3. Faire des propositions au peuple pour restaurer l’harmonie sociale en termes de prévention de conflits, avec le soutien appuyé des pays amis et de la communauté internationale. 

La première rupture de l’harmonie sociale qui a considérablement freiné le développement économique, social et culturel de notre pays a pour cause la France-Afrique. L’unification de la nation camerounaise est devenue réalité sur la base du contrat social issu des Accords de Foumban de 1961 instituant un Etat Fédéral entre les anciens Etats sous colonisation française et britannique. 

A la fin des années 60, la France manque cruellement de ressources énergétiques. Une grave crise de cette ressource se profilant à l’horizon, la France, agissant au nom de « sa » Sécurité Nationale, a le regard tourné vers les gisements pétroliers du Delta du Nigeria, et du pétrole camerounais situé dans l’Etat fédéré de l’Ex-Cameroun occidental. 

Le général de Gaulle n’hésite pas à soutenir militairement la rébellion biafraise que dirige le général OJUKU. Mais l’intervention française, bien que soutenue par les chefs d’Etat Félix Houphouët Boigny de Côte d’Ivoire et Omar Bongo du Gabon, se heurte au refus catégorique et inattendu du président Ahidjo. Le chef d’Etat camerounais interdit à la France de se servir du Cameroun comme base arrière du soutien armé à la guerre civile nigériane ! 

Le courage du président Ahidjo mérite d’être salué. Mais l’ancien chef de l’Etat sera pris dans la toile de la France-Afrique qui va progressivement l’embrigader. 
La riposte de la France se fera en deux étapes successives : la première étape précède le départ du pouvoir du général de Gaulle en 1969. Convoqué à l’Elysée par le vieux Général, le président Ahidjo s’entend dire d’un ton condescendant: « Vous devez cesser d’enseigner l’anglais à vos compatriotes; si vous continuez d’enseigner l’anglais, vous aurez un pays divisé ». On croit rêver par tant de paternalisme de mauvais aloi ! Le Cameroun était-il divisé ? Assurément pas. 

Toujours est-il que l’année 1972 marquera un tournant dans l’histoire du Cameroun. Conformément au plan français, le président Ahidjo annonce, dans la précipitation, la « mort » de l’Etat Fédéral. La violation unilatérale des Accords de Foumban, conséquence directe de la France-Afrique, laissera une blessure profonde dans le subconscient du gentleman anglo-saxon très épris de sa liberté. L’harmonie sociale venait d’être rompue. 

La seconde étape est postérieure à la crise énergétique de 1973. La France, qui avait bataillé de toutes ses forces pour endiguer cette crise – elle en ressent jusqu’à ce jour les effets négatifs -, actionne, une fois de plus, le courroux de la France-Afrique à la suite du voyage mémorable du président Ahidjo en Chine, en 1973. La France dépêche son « Monsieur Afrique » de l’Elysée auprès du président Ahidjo pour lui demander de déclencher le processus des réformes constitutionnelles qui conduiront à une alternance politique en douceur. 

En 1975, la première réforme constitutionnelle introduit le Poste de Premier ministre. Les spécialistes en Droit constitutionnel parlent alors de « rationalisation de l’Exécutif », en s’appuyant sur le modèle sénégalais. Mais au Cameroun, le Premier ministre n’a qu’un rôle de figurant : l’exclusivité de la coordination du travail gouvernemental revient au secrétaire général de la Présidence de la République. C’est à l’issue de cette réforme qu’un duel feutré est engagé entre Paul Biya, ancien secrétaire général de la présidence promu Premier ministre et Samuel Eboua qui succède à Paul Biya au poste de secrétaire général de la Présidence.

En 1979, la seconde réforme surprend les Camerounais : le président Ahidjo fait du Premier ministre le successeur constitutionnel à la magistrature suprême en cas de vacance de pouvoir. 

En 1980, le président Ahidjo fête ses vingt ans au pouvoir. Le peuple ignore que se sont les adieux de leur Président à la nation. A la question d’un journaliste français qui lui demande ce que la postérité retiendra de lui, le président Ahidjo répond évasivement, se contentant de tout remettre au jugement de l’Histoire. 

Lorsque le président Ahidjo annonce à la nation sa démission « libre et volontaire » le 04 octobre 1982, l’inquiétude prend le dessus sur l’émotion. 

Le 06 novembre 1982, le successeur constitutionnel prête serment comme deuxième président de la République. 

Dans le secret du Palais, Samuel Eboua, qui suit la pression de la France sur le Président depuis 1975, n’est pas surpris du choix porté sur son « rival », pour une raison simple : Paul Biya avait été « recruté » par la France pour succéder au président Ahidjo, depuis cette fameuse année 1962 où, sur cooptation écrite de Louis Paul Aujoulat, le jeune Biya fut accueilli au Palais par Christian Tobie Kuoh, le Directeur de Cabinet du Président. En sa qualité de supérieur hiérarchique de Paul Biya, Christian Tobie Kuoh s’étonnera de l’ascension fulgurante de son subordonnée, une ascension « que rien ne justifiait », dira-t-il dans ses mémoires. 

Il est donc permis d’affirmer, de façon péremptoire, que l’originalité essentielle de la France-Afrique a toujours été de « recruter » les chefs d’Etat à leur convenance, pour garantir la Sécurité Nationale de la France, même si c’est au détriment de l’harmonie du pays victime de l’ingérence française.En 1985, tous les sondages d’opinion prédisent une large victoire de la Droite française aux élections législatives de 1986. Le président Biya a vite compris le danger. Pris dans la tourmente liée à l’affaire du faux complot contre son illustre prédécesseur et de la tentative du putsch militaire du 06 avril 1984, – sur lesquelles je reviendrai -, le chef de l’Etat, qui ne pourra plus compter sur le soutien du président François Mitterrand en pleine période de cohabitation lorsque la nouvelle majorité aura basculé, en 1986, dans le camp de Jacques Chirac, prend le risque de rompre purement et simplement avec la 
France. 

William Aurélien Etéki Mboumoua, ministre des Affaires étrangères en cette année 1985, assiste, incrédule et impuissant, au ballet diplomatique entre l’ambassadeur des Etats-Unis et le chef de l’Etat. Le « pauvre » ministre sera limogé un an plus tard dans une affaire rocambolesque. En réalité, l’ancien ministre et ancien Conseiller spécial du président Ahidjo était devenu « encombrant » pour l’entourage du président Biya. Pour mémoire, le départ de William Aurélien Etéki Mboumoua ouvrira la voie à un repli tribal sans précédent du chef de l’Etat : Ferdinand-Léopold Oyono et Joseph Owona sont nommés respectivement secrétaire général et secrétaire général adjoint de la Présidence de la République. Deux personnalités d’une même Région avec le chef de l’Etat occupant les deux plus hautes fonctions dans un régime présidentialiste centralisé ! Du jamais vu sous le l’ère Ahidjo. 


« Je suis à l’origine du renseignement qui aboutira, bien plus tard à ma grande surprise, au plus grossier montage d’un règlement de compte politique: l’«Opération Albatros» destinée à «éliminer» politiquement Marafa Hamidou Yaya ». 

Aujourd’hui, le même reflexe tribal a ressurgi avec une « ceinture sécuritaire » sectaire et clanique : le ministre de la Défense qui donne aussi des instructions à la Gendarmerie, le Délégué Général à la Sûreté Nationale, le Directeur Général du CENER, le ministre de l’Enseignement supérieur, le ministre de l’Administration Territoriale et de la Décentralisation, et l’ensemble du dispositif (Directeur Général de l’ENAM, etc.) placé sous la haute supervision respective du Secrétaire Général des Services du Premier ministre, du Directeur du Cabinet Civil et du Secrétaire Général de la Présidence et mis en place pour « sécuriser » une jeunesse sectaire au plan des recrutements dans la Fonction publique et dans les grands Corps de l’Etat. 

Sous le règne du président Ahidjo entre 1975 et 1982, l’équipe gouvernementale était équilibrée : Paul Biya Premier ministre ; Samuel Eboua Secrétaire général de la Présidence ; Philémon Beb à Dong Directeur du Cabinet Civil ; Sadou Daoudou ministre de la Défense ; Victor Ayissi Mvodo ministre de l’Administration Territoriale ; Marcel Yondo ministre des Finances ; Samuel Ngwa Délégué Général à la Sûreté Nationale ; Jean Fochivé Directeur Général du C.N.D., pour ne citer que ces principaux Départements. 


Revenons à l’année 1985. Le chef de l’Etat dit à l’ambassadeur des Etats-Unis qu’il souhaiterait que son pays prenne la couverture de la Sécurité de l’Etat. Une protection contre l’action de la France-Afrique sur laquelle je reviendrai. Le chef de la Mission américaine répond au chef de l’Etat que son pays ne pourra pas s’occuper de cette mission ; leur allié Israël s’en chargera. 

Jacques Chirac qui vient d’avoir la majorité au Parlement, a été nommé Premier ministre par le président François Mitterrand, très affaibli politiquement. Flanqué de son Conseiller spécial Jacques Foccart, la décision de « recruter » par tous les moyens un nouveau chef de l’Etat au Cameroun est prise.La France- Afrique entre de nouveau en action. Chef du service de contre-espionnage, je mène la rude bataille contre les services secrets français qui ont réussi l’audacieuse opération de « recruter », au préalable, leur « taupe », en la personne du Secrétaire d’Etat à la Sécurité Intérieure, homme de confiance du Président ! Je bénéficie de la collaboration du chef d’antenne de la CIA pour l’Afrique centrale. Le complot en vue de l’élimination physique du chef de l’Etat est déjoué par mon service. Mais cette grande déstabilisation a laissé des plumes : les assassinats des prélats (Mgr Yves Plumey, l’abbé 
Joseph Mbassi, et, plus tard, les religieuses de Djoum), de même que l’avocat Me Ngongo Ottou. 


Dans le duel qui opposera, en 1992, la France et le Cameroun pour le contrôle stratégique du Cameroun, les Américains abandonneront la partie, conformément aux accords d’ordre géopolitique de répartition des « zones d’influence ». En 1999, la France-Afrique entre, une fois de plus, en action. N’ayant pas pu éliminer le président Paul Biya entre 1988-1989, le Gouvernement français cherche, une fois de plus, à « recruter » un nouveau chef de l’Etat au Cameroun. 

Je suis à l’origine du renseignement qui aboutira, bien plus tard à ma grande surprise, au plus grossier montage d’un règlement de compte politique : l’ « Opération Albatros » destinée à « éliminer » politiquement Marafa Hamidou Yaya. 

1999 : je suis Commissaire aux Renseignements généraux du Wouri à Douala. En possession de la note verbale du chef de Mission diplomatique d’un Etat européen accrédité au Cameroun, je me rends à Yaoundé pour un compte rendu en tête à tête avec la plus haute hiérarchie de la Délégation Générale de la Sureté Nationale (DGSN). Le contenu de la note verbale intéresse au plus haut point le chef de l’Etat : le Gouvernement français prépare un plan secret pour la succession imminente du président Paul Biya. Selon la note verbale, le successeur est issu de la Région du Nord. 

Le haut responsable de la DGSN identifie d’emblée ce responsable originaire du Nord en la personne de Marafa Hamidou Yaya. 

La riposte du camp présidentiel vis-à- vis de Marafa Hamidou Yaya sera foudroyante : l’ex secrétaire général de la Présidence sera muté au poste de ministre de l’Administration Territoriale et de la Décentralisation et placé sous surveillance. L’ « Affaire Albatros », une opération mal ficelée comme l’avait été le complot imaginaire imputé au président Ahidjo en août 1983 pour justifier une condamnation à mort par contumace toute aussi ubuesque et illégale, sera la justification du complot ourdi contre Marafa Hamidou Yaya. 


Qui a été le commanditaire de l’ « Affaire Albatros » ? 

Une précision : une affaire pouvant en cacher une autre, l’ « Affaire Albatros », présentée à l’opinion publique comme liée au détournement des fonds publics destinés à l’achat de l’avion présidentiel, est en réalité un montage de l’ « Opération Albatros » visant à couvrir l’élimination politique de Marafa Hamidou Yaya, dauphin désigné de la France, conformément à la note verbale du chef de Mission diplomatique dont je viens de faire allusion. 

L’ « Opération Albatros » est déclenchée dans un contexte national marqué par une instabilité institutionnelle chronique qui préoccupe au plus haut point la France et les Etats-Unis : l’absence d’organes de transition au sommet de l’Etat. En effet, depuis la révision constitutionnelle de 1996 jusqu’en 2013, le Cameroun aura connu 17 ans d’instabilité institutionnelle. 

L’ «Opération Albatros » visait à conserver le pouvoir par le clan présidentiel par tous les moyens, y compris par des moyens illégaux, en cas de vacance de pouvoir, en profitant de l’absence, au début de la décennie 2000, du Sénat et de la Cour constitutionnelle.Un personnage de l’ombre jouera un rôle déterminant dans la mise en œuvre de cette opération de déstabilisation. On retrouve ce personnage en 1996 contre Victor Ayissi Mvodo, futur candidat déclaré au scrutin présidentiel de 1997. Ce personnage se retrouve à la Présidence en pôle position lorsque je transmets le renseignent de source diplomatique sur la succession au sommet de l’Etat en défaveur du « clan présidentiel ». Ce personnage a lui aussi connu, comme hier son Patron, une ascension fulgurante que rien ne justifie. Après avoir amassé une fortune colossale en toute impunité et en toute insolence, ce personnage ne dissimule pas son ambition de succéder à 
son Patron, non pas pour garantir la sécurité nationale et le retour de l’harmonie, mais pour stabiliser le clan.

« Ceux qui, dans le camp du pouvoir, veulent justifier a posteriori l’implication du président Ahidjo dans la tentative du putsch d’avril 1984 par rapport au complot imaginaire de 1983 n’ont que Dieu et leur conscience pour faire la part des choses ». 


MESDAMES, MESSIEURS, 

Voilà brossée la « France-Afrique », facteur exogène majeur qui a déstabilisé en profondeur notre Sécurité Nationale et notre harmonie sociale. 
Rétrospectivement, je reviens sur les facteurs endogènes déstabilisants, en répondant à deux interrogations fondamentales qui attendent de la part des Camerounais des réponses précises : 


1. Est-il vrai que le président Ahidjo avait porté atteinte aux institutions de la République comme l’avait affirmé, péremptoire, son successeur constitutionnel le 22 août 1983 à la nation ? 

2. Pourquoi d’anciens secrétaires généraux et secrétaires généraux adjoints de la Présidence de la République ont-ils subi des châtiments aussi infamants ? 
La réponse à la première question sur la réalité du complot de 1983 imputable au président Ahidjo est négative, pour deux raisons : 
La première raison – qui est fondamentale – découle de ce que j’ai développé sur la réalité de la France-Afrique. En 1983, le président Ahidjo, qui connaissait mieux que quiconque la force de frappe de la France-Afrique, ne pouvait pas tenter une aventure de complot en vue de l’élimination physique de son successeur qui avait le soutien incontestable du président François Mitterrand. 

La seconde raison est d’ordre technique. Tout complot contre les institutions nécessite la combinaison de trois facteurs : la couverture du Renseignement, l’appui des services secrets, et le soutien de l’armée. Or, en 1983, Ahidjo n’était plus le chef suprême des Forces armées et Police. D’ailleurs, l’Officier général de l’époque a confirmé cette réalité au plan technique lors d’une interview accordée à une chaine de télévision. A la question de savoir s’il reconnaissait avoir posé des actes illégaux en 1983, l’Officier général a répondu par l’affirmative, en se justifiant : « C’était pour prévenir un contre coup d’Etat ». Telle est l’amère vérité : le « mensonge d’Etat ». Le scénario des aveux extorqués au commandant Ibrahim et au capitaine Salatou est aussi grotesque que le sera l’affaire Albatros. 

Le complot imputé à l’ancien chef de l’Etat a été un complot imaginaire. Sa condamnation à mort par contumace constitue le facteur déstabilisant le plus dévastateur imputable au successeur. Le président Paul Biya ne s’est jamais remis de la rupture psychologique entre son illustre prédécesseur et lui. 
Il reste à préciser le mobile de ce complot imaginaire : pourquoi l’ « élimination politique » de l’illustre prédécesseur avait-elle été programmée par son successeur et ses partisans seulement cinq mois après la transition ? Quels ont été les acteurs de ce complot ? 

Le successeur prête serment à 49 ans. Jeune et dynamique, il est devenu le « chaud gars » de toute la jeunesse. C’est à l’Ecole Nationale Supérieure de Police que notre promotion prend très au sérieux une simple prophétie anecdotique : « Ahidjo a passé 22 ans au pouvoir, Biya fera 30 ans ! » 

Le seul obstacle pouvant empêcher la réalisation de cette prophétie est et reste l’action agissante de la France-Afrique. Je viens d’en parler longuement. Paul Biya sait que la France n’hésite pas à « recruter » des proches collaborateurs des chefs d’Etat pour les remplacer. Le cas de Marafa Hamidou Yaya est patent. 

La stratégie de « neutralisation » des proches collaborateurs du président Biya a commencé par son illustre prédécesseur. Deux hommes ont joué un rôle déterminant dans la conception et l’exécution de ce complot imaginaire qualifié de « contre coup d’Etat » : un haut responsable de l’Armée et le chef de la Police secrète.

Cette stratégie de « neutralisation systématique » des collaborateurs, qui est la réponse à la seconde interrogation, est le seul mobile de la mise à l’écart de William Aurélien 

Etéki Mboumoua (1985), Robert Mbella Mbappe (1988), Francois Sengat Kuo (1991), Titus Edzoa (1997), Atangana Mebara (2009), Marafa Hamidou Yaya (2012). Alphonse Siyam Siewe et Inoni Ephraem sont des victimes collatérales de cette grande « purge ».L’Histoire dira qui du « dictateur » Ahidjo ou du « démocrate » Biya aura le mieux géré le Cameroun en termes de progrès et d’harmonie sociale. 


Le président Ahidjo est cet homme qui a tout donné à son pays, qui a « construit » l’Etat, qui a créé les Forces armées et Police, qui a formé politiquement son successeur, qui a contribué à rehausser l’image de marque du Cameroun à l’étranger.Il n’y a pas lieu de s’attarder sur la phrase sibylline prononcée le matin du 06 avril 1984, jour du déclenchement de la tentative du putsch militaire contre le président Paul Biya, par le désormais « condamné à mort » Ahmadou Ahidjo : « Si ce sont mes partisans, ils auront le dessus », avait affirmé le président Ahidjo sur les ondes d’une radio étrangère. 


Ceux qui, dans le camp du pouvoir, veulent justifier a posteriori l’implication du président Ahidjo dans la tentative du putsch d’avril 1984 par rapport au complot imaginaire de 1983 n’ont que Dieu et leur conscience pour faire la part des choses. Il s’agit là d’une manipulation de l’opinion pour masquer le « mensonge d’Etat » de 1983 ! 

Malmené à l’intérieur par des ruptures d’harmonie au sein de son propre clan, critiqué de toutes parts par sa mauvaise gestion de l’Etat et par son incapacité à endiguer la corruption et ses effets dévastateurs sur la vie nationale, le président Paul Biya est devenu le facteur endogène central de la rupture de l’harmonie sociale au sein de la communauté nationale. L’esprit de l’ancien chef de l’Etat plane certes, mais la cause du « déséquilibre fonctionnel » du Président est ailleurs : la violation du contrat social issu des Accords de la Rencontre Tripartite de novembre 1991 et âprement négociés par le trio : Paul Soppo Priso, Charles Assale et Christian Cardinal Tumi. 

Les Accords de la Tripartite avaient prévu une clause majeure insusceptible de modification : le départ du pouvoir du président Paul Biya au plus tard en 2002, au terme de 20 ans à la tête de l’Etat. 

Le chef de l’Etat passe en force et viole les Accords de la Tripartite en modifiant « unilatéralement » la Constitution d’abord en 1996, puis au lendemain des émeutes, en 2008. Sans doute Titus Edzoa aurait patienté jusqu’en 2002, et il n’y aurait pas eu d’affaire Titus Edzoa, pas plus que les affaires Atangana Mebara, Inoni Ephraim et Marafa Hamidou Yaya. 

Afin de mieux illustrer que les arguments de détournements de fonds publics ne justifient aucunement les arrestations de ces anciens secrétaires généraux de la Présidence, je mentionne ici un cas patent de partialité au plus haut niveau de l’Etat. Lors de la campagne en vue du scrutin présidentiel de 2004, un groupe de partis politiques de l’opposition « approcha » un ancien secrétaire général de la Présidence pour en faire le candidat consensuel de l’ensemble de l’opposition. Irrité par cette démarche pour le moins étrange de la part de son ancien collaborateur, le chef de l’Etat dépêcha un haut responsable de la Délégation Générale à la Sûreté Nationale auprès de l’ancien secrétaire général de la Présidence. Ce dernier fut menacé d’arrestation pour «détournements de fonds publics » s’il ne mettait pas immédiatement fin à sa collaboration avec l’opposition. 

L’ancien secrétaire général de la Présidence Marafa Hamidou victime d’un complot, avait dénoncé dans l’une de ses lettres de graves malversations financières imputables à Jean Foumane Akame et Issa Tchiroma Bakary, dans le cadre des indemnisations des victimes du crash d’un avion. Jusqu’à ce jour, ni l’un ni l’autre n’a été inquiété. La liste est loin d’être exhaustive. 

La justice, principe d’ordre et d’harmonie, ne doit pas faillir à son rôle d’utilité publique qu’il doit remplir avec impartialité. 

En définitive, l’harmonie sociale, je l’ai démontré, a été mise à mal à la suite de deux ruptures du contrat social : dans le premier cas, la cause a été la force agissante de la France-Afrique où prévalait la Sécurité nationale de la France. Dans le second cas, c’est la force de l’Etat concentrée entre les mains du chef de l’Etat qui a définitivement rompu l’harmonie sociale au sein de la communauté nationale. 

Il est urgent que soit mis en place un Dialogue National qui élaborera un nouveau contrat social qui restaurera l’harmonie sociale. Ordre social + respect des Droits de l’Homme = Harmonie sociale. Il s’agit là d’une exigence de la prévention des crises. 

VIVE LE PRESIDENT AHIDJO ! VIVE LE CAMEROUN !



10/02/2014
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