Opération Epervier : Yves-Michel Fotso à Kondengui
Écrit par Carole Yemelong, Christophe Mvondo et Larissa Audrey MAMA (stagiaire)
Jeudi, 02 Décembre 2010 07:43
Récit d’une arrestation en quatre actes.
Premier acte : une interpellation discrète. Des sources concordantes indiquent que des hauts gradés de la police du Littoral et quelques policiers en civil se sont présentés au domicile du président du conseil d’administration de la Commercial Bank of Cameroon hier, il était un peu plus de 13h. Ils auraient demandé à voir le propriétaire des lieux. Ils se seraient dans un premier temps heurtés au refus des gardiens. Ils auraient soutenu que leur patron est certes présent, mais il ne peut les recevoir parce que souffrant.
Après quelques minutes d’échanges verbaux, Yves-Michel Fotso aurait donné son accord pour rencontrer les policiers. Rien n’a encore filtré de ce qu’ils se sont dit. Mais, le fils du milliardaire les aurait suivis sans opposer une quelconque résistance. Il s’est engouffré dans l’une des deux voitures de police, un pick-up bleu marine, immatriculé SN 4967. Une autre voiture, petite, une Toyota de même couleur, immatriculée SN 4243, s’est mise à l’avant et le cortège a quitté l’imposante demeure de Yves-Michel Fotso, à Bali. Les deux voitures, appartenant au commissariat spécial de l’aéroport international de Douala n’iront pas à Bonanjo, comme certains employés de la maison le pensent. Elles vont prendre l’axe lourd. Direction Yaoundé.
Le cortège sera aperçu, roulant tombeau ouvert au péage d’Edéa. Il traversera presqu’à la même vitesse Ahala, à l’entrée de Yaoundé, avant de s’immobiliser dans les locaux de la division régionale de la police judiciaire pour le Centre, dans la capitale du pays.
Deuxième acte : la police judiciaire, à Yaoundé. Quartier Elig Essono, 16 h. La circulation est interrompue. Les éléments de la police et des Equipes spéciales d’intervention (Esir) lourdement armés, stoppent la circulation. Les tenants de petits commerces aux alentours du siège de la police judiciaire sont déguerpis avec force. Un policier crie : « Dégagez, dégagez et que personne ne photographie ! » Les tenanciers de call- box et d’autres vendeurs ambulants courent dans tous les sens, à la recherche d’un abri. Certains y vont même en rampant tout en se couvrant la tête. Des curieux massés dans un débit de boisson situé juste en face de la police judiciaire, observent, muets, le déploiement de la police. Un infortuné sort son appareil photo, mais se voit rapidement interpellé par un policier qui le lui arrache en lui flanquant une gifle et l’emmène par le col au commissariat.
C’est par un crissement de pneus qu’une berline de couleur bleue, immatriculée SN 4243, sur laquelle on aperçoit en gros caractères commissariat spécial de l’aéroport international de Douala, s’arrête devant la commissariat, suivie de très près par un pick-up du Groupement spécial des opérations (Gso). Trois individus armés, vêtus en tenue du Gso descendent du véhicule.
C’est un Yves-Michel Fotso vêtu d’un tee-shirt blanc et d’un pantalon bleu foncé qui descend du véhicule. A première vue, il est presque maigrelet. Un soldat s’empresse d’envelopper son visage d’un foulard blanc et d’une veste carrelée de couleur rouge qui lui est jetée sur les épaules. Toujours sous forte escorte, il gagne les locaux de la police judiciaire et les portes se referment après lui. Quelques instants après ces images, la circulation est rétablie. Les commentaires alimentent les petits groupes qui se forment, certains affirment à voix basse : « C’est Yves-Michel Fotso, mais je suis un peu confus. Il paraît plus mince », affirme un curieux. Les hommes des médias déjà présents sur les lieux se livrent aux commentaires et recoupent des informations. Un journaliste qui prend des notes est fortement giflé et son cahier de reportage confisqué par un groupe de policiers. Sa carte d’identité est retenue, ainsi que celle d’un journaliste de Cameroon Tribune. Ils sont tous deux conduits à la direction de la police judiciaire.
Troisième acte : palais de justice de Yaoundé. Le cortège constitué de trois véhicules de la police y arrive en début de soirée. Et repart à 21h17. Entre temps, des membres de la famille et les hommes de médias font le pied de grue.
Quatrième acte : prison centrale de Yaoundé. A l’approche de 22h, des membres de la famille d’Yves-Michel Fotso arrivent à Kondengui. L’ancien patron de la défunte Camair se trouve déjà à l’intérieur du pénitencier. Après de longues minutes d’attente, un petit groupe se dirige vers un gardien de prison en faction, sans doute pour s’enquérir de la situation. Quelques mots échangés et les proches de l’affaires sortent un matelas, une grande couverture et des sacs dont on ignore le contenu.
Il faut se rendre à l’évidence : le séjour d’Yves-Michel Fotso à la « onzième province » de Yaoundé vient de débuter.