Opération Epervier: Qu'en est-il de ces étrangers subits?

Yaoundé, 18 avril 2013
© Hilaire Medjo | Correspondance

Depuis quelque temps, certaines personnalités impliquées et même condamnées dans le cadre de cette opération d'assainissement des finances publiques n’hésitent pas de brandir leur double nationalité, pour invoquer désormais des entorses au respect des droits de l'homme et mettre ainsi à mal le pouvoir. Devrait-on dès lors, considérer ces étrangers sur le tard?

De tout temps, les faits de détournements de deniers publics impliquent des Européens qui réussissent toujours la prouesse de se débiner au moment où leur culpabilité est établie. En effet, qu'il s'agisse de l'affaire Engo où un certain Francis Dauvin de nationalité belge a été formellement inculpé, ou encore de Kevin Walls de nationalité anglaise et responsable de la société APM impliqué comme on sait maintenant dans l'affaire de détournement d'une somme de 4,5 milliards de dollars transférés par la société GIA International dans le cadre de l'acquisition de l'Albatros, aucun des deux n'a jamais répondu de ses crimes. Situation qui semble depuis lors avoir inspiré certains de nos compatriotes, en l'occurrence Michel Thierry Atangana et Yen Eyoum Lydienne qui, essayant maladroitement de se soustraire aux chefs d'accusation qui leur sont servis, n'ont pas, mieux trouvé que de brandir leur subite nationalité française, question de bénéficier du fort lobbying français pour se tirer d'affaires. A preuve, depuis lors ces derniers ont pu bénéficier de ce qu'on appelle la protection consulaire, celle-là même qui explique l'activisme plutôt malveillant de la représentation diplomatique française au Cameroun, quand bien même elle se prévaut des préceptes de la Convention de Vienne de 1963 en la matière. Y étant toutefois, elle se garde bien d'évoquer dans son entièreté ce que prévoit ladite convention en édictant notamment les restrictions qui frappent la protection consulaire.

En les cas d'espèce toutefois, il est constant que les deux mis en cause ne sauraient réfuter leur culpabilité formellement établie au travers de faits révélés qui dès lors, ne sauraient en faire d'innocentes victimes de quelque harcèlement judiciaire et pire, d'arbitraire come voudraient pour le faire croire certains officiels français. Ce d'autant plus que pour l'un et l'autre, il y a effectivement eu détournement de fonds publics! Il faut déjà qu'on nous explique comment une Française (Yen Eyoum Lydienne) a pu se trouver en situation de porteur de contrainte du Trésor Public camerounais pour effectuer un recouvrement forcé d'une somme qu'il suffisait de laisser le Service de Recouvrement du Trésorier Payeur Général de Douala aller chercher sans effort. C'est bien parce que Madame Yen Eyoum était camerounaise à ce moment-là que le Ministre des Finances de l'époque lui a donné le mandat en cause. Sur les 2,5 milliards F CFA recouvrés, seule la moitié est arrivé au compte du Trésorier Payeur Général de Douala qui, à l'époque, a saisi par courrier le Ministre des Finances. En retenant sans droit une partie des fonds que la banque a virés sur son compte personnel, notre sœur «française» a violé des lois et des règlements camerounais en matière de recouvrement des créances publiques d'une part et de dépenses d'autre part. La banque qui a payé aurait même dû être poursuivie elle aussi, pour complicité de détournement.


Faits aggravants

En matière de recouvrement forcé, le privilège du Trésor joue en faveur de l'Etat. Autrement dit, Yen Eyoum aurait dû reverser l'entièreté de la somme au Trésor Public avant de réclamer à l'ordonnateur du budget du Ministère des Finances ses frais et honoraires. Elle n'avait donc pas le droit de ponctionner 1 070 millions sur les 2500 en cause pour se payer elle-même. Par ailleurs, en procédant de la sorte, elle s'est octroyée un pouvoir que la loi ne reconnait guère au porteur de contrainte, à savoir liquider, ordonnancer et payer la dépense publique sur les sommes recouvrées. Sans oublier la violation du principe de non affectation des recettes aux dépenses. Principe consacré dans la loi n°2007/006 du 26/12/2007 portant régime financier de l'Etat, qui reconduit sur ce principe, les dispositions de l'ordonnance N°OF-4 du 07/02/1962. La deuxième violation de la loi porte précisément sur la rémunération des porteurs de contrainte. En admettant qu'elle ait agit en cette qualité du fait du mandat à elle délivrée par le Ministre des Finances de l'époque. Elle aurait dû être payée par la voie d'un état des honoraires qui ne peuvent guère dépasser 6% du montant recouvré. Ces honoraires sont une dépense imputée sur une ligne du budget de l'Etat dont le Ministre des Finances est l'ordonnateur principal. Elle pouvait également y ajouter des frais dits «frais de commandement» qui sont fixés à 3% du montant de la créance recouvrée.

Fort de ce qui précède, il est clair qu'elle ne saurait ignorer les faits qui lui sont reprochés, quand bien même elle se clamerait désormais de nationalité française, alors qu'elle était loin de l'être au moment de la survenance des faits. Sauf pour elle de vouloir indûment bénéficier des faveurs du Cameroun en tant que Camerounaise et se dédire aussitôt qu'il est établi aussi bien des vices de forme que des spoliations répréhensibles des finances publiques. Au total, Madame Yen aurait donc dû consulter les nombreux savants qui l'entourent aujourd'hui avant de faire ce qu'elle a fait au préjudice du Trésor Public. Toutes choses qui, mises côte à côte ne sauraient justifier le recours à la nationalité française ou autre pour prétendre se mettre en marge de la justice camerounaise et surtout faire assimiler une incarcération pour faits de détournements de deniers publics avérés à quelque harcèlement judicaire indu. Et du coup, on comprend que certains des accusés dans le cadre de l'Opération Epervier en soient à brandir la menace d'une plainte contre le régime comme un véritable spectre, même s'il est admis qu'elle aura bien du mal à prospérer quand bien même il y aurait effectivement à redire en matière de respect des droits de l'homme au Cameroun. Et c'est en cela que l'interventionnisme français pourrait plutôt être entendu comme une ingérence, quand bien même la France voudrait s'en défendre.


La plainte contre le Président Biya: un grossier exutoire

A l'analyse, la pertinence des récriminations à l'encontre aussi bien de Michel Thierry Atangana que de Yen Eyoum Lydienne justifie amplement leur incarcération dans le cadre de l'Opération Epervier. Et en le cas d'espèce, la France ne pourra pas aisément invoquer quelque violation des droits humains et de détention abusive de la part du Président Biya qui est dans son rôle de garant de l'application complète et intégrale des lois au Cameroun. Dès lors, qu'on fasse de la menace de l'assigner en justice pour inobservance des droits de l'homme, se voudrait simplement un exutoire sibyllin, pour diluer davantage la lutte contre la corruption et les détournements de fonds en s'attaquant à sa personne. Bien plus, cette stratégie d'attaque contre la personne du Président Biya devient récurrente quand il y va généralement des intérêts plutôt occultes de certains Français. Et si par extraordinaire, les Camerounais devenus français sont libérés au terme de toutes ces pressions, on devra alors croire que le Cameroun n'obtiendra jamais son indépendance et continuera à subir de fait le diktat de ce pays. Une situation qui bien évidemment remettra au goût du jour, la question de la double nationalité qui semble offrir à certains, plus qu'un statut, un passe-droit et des privilèges indus.

Source: La Nouvelle Vision


22/04/2013
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