Opération Epervier : Paul Biya doit-il gracier ses anciens collaborateurs
La question se pose davantage avec acuité dans l opinion ces derniers au regard de l’état de santé très préoccupant duPr. Gervais Mendo Ze. Qui veut donc forcer la main du chef de l Etat pour une libération des prisonniers de l opération Epervier ? Dans l opinion, le débat enfle.
Gervais Mendo Ze va mal
Il va même très mal. Le très jovial et bedonnant directeur général de la Crtv est méconnaissable et très affaibli. Du coup, dans les réseaux sociaux, c’est le branle-bas général qui à l’unanimité appelle à la clémence du président de la République, seul détenteur du droit de grâce que lui confère la Constitution de la République. Si le cas Mendo Ze relève d’une sympathie singulière que l’homme a su se construire pendant qu’il était aux affaires à la Crtv, d’autres analystes indiquent que la libération des autres grands prisonniers de l’opération Epervier permettrait au Cameroun d’amorcer une certaine réconciliation nationale par ces temps où le pays tangue de tous les côtés par des messages de haine et le repli identitaire.
Pour se faire une meilleure idée de ces prisonniers de l’opération Epervier, il faut remonter le cours de l’histoire pour se souvenir que c’est en 2006 que le président Paul Biya, sous la pression des bailleurs de fonds et de l’opinion publique, lance cette opération contre la corruption que la presse a vite fait de baptiser opération Epervier. Sans être exhaustif, voici les plus emblématiques de cette opération.
Jean Marie Atangana Mebara (ancien secrétaire général de la présidence de la République)
Il a été condamné le 23 juin 2016 à 25 ans de prison par le Tribunal crirqinel spécial (Tes) pour détournement, courant juin 2003, de 2 905 500 000 Fcfa destinés à l’achat d’un avion présidentiel. Sa saisine des instances internationales n’ont aucun effet sur son embastille-ment. L’ancien secrétaire général à la présidence de la République a toujours affirmé avoir agi ainsi sur instruction du président de la République. Cette peine de prison venait s’ajouter à deux autres, de 20 ans et 15 ans pour malversations financières, la première dans l’affaire Cameroon Airlines et la seconde dans le même dossier de l’avion présidentiel.
Thomas Ephraïm Inoni (ancien Premier ministre)
Premier ministre de 2004 à 2009, il est arrêté dans le cadre de l’opération Epervier le 16 avril 2012 etcondamné en octobre 2013 à 20 ans de prison par le Tribunal criminel spécial de Yaoundé, pour coaction, avec Jean Marie Atangana Mebara, de détournement de l’ordre de 287,4 millions Fcfa destinés à l’acquisition, en 2001, d’un aéronef pour les déplacements du chef de l’Etat. Il bénéficie de–puis l’année dernière d’une évacuation sanitaire.
Marafa Hamidou Yaya (ancien secrétaire général à la présidence de la République)
Arrêté le 16 avril 2012, Marafa Hamidou Yaya avait été condamné par le Tribunal criminel spécial (Tes) à 25 ans de prison ferme le 22 septembre de la même année, pour coaction de détournement de 31 millions de dollars (24 milliards de Fcfa), destinés à l’acquisition d’un avion neuf pour les voyages du chef de l’Etat. Sa peine a été réduite à 20 ans de prison par la Cour suprême, mais Marafa Hamidou Yaya va demander la révision de son procès. Ses défenseurs ont également engagés de poursuivre l’Etat du Cameroun devant les juridictions régionales et internationales au moment où son état de santé préoccupe également.
Polycarpe Abah Abah (ancien ministre de l’Economie et des Finances)
L’ancien ministre de l’Economie et des Finances de 2004 à 2007 a été reconnu coupable en janvier 2015 de corruption et détournement de fonds publics. Incarcéré depuis 2008, Polycarpe Abah Abah a écopé d’une peine de 25 ans de prison pour des malversations financières estimées à plus de 6 milliards de Fcfa. Les faits qui lui sont reprochés remontent au début des années 2000, époque à laquelle il occupait les fonctions de directeur des Impôts. Il a également été condamné à six ans de prison ferme pour tentative d’évasion pour avoir, en mai 2012, profité d’un rendez-vous avec ses médecins pour se rendre à son domicile.
Urbain Olanguena Awono (ancien ministre de la Santé publique)
Emprisonné depuis 2008, l’ancien ministre de la Santé publique a été condamné en août 2012 à 20 ans de prison ferme pour avoir détourné 80 millions de Fcfa mis à la disposition du Cameroun par le Fonds mondial de lutte contre le Sida, le paludisme et la tuberculose. Urbain Olanguena Awono a toujours nié les faits, soutenant que sa signature avait été imitée sur ces documents. Il avait . déjà été condamné à 15 ans de prison lors d’un autre procès pour détournement de fonds publics. Cette dernière peine a été ramenée à 10 ans de prison en août 2015.
Alphonse Siyam Siwe (ancien ministre des Mines)
Directeur du Port autonome de Douala au moment des faits et ministre de l’Eau et de l’Energie lors de son incarcération, le 24 février 2006, Alphonse Siyam Siwé a écopé de la perpétuité en appel, après avoir été condamné à 30 ans de prison en première instance. Il était accusé, dans le cadre du procès du Port autonome de Douala, de détournement de deniers publics et d’escroquerie en série estimés à 40 milliards de Fcfa.
Gervais Mendo Ze (ancien Dg de la Crtv) Gervais Mendo Ze,‘ l’ancien patron de la Cameroon Radio Television (Crtv) est incarcéré depuis le 12 novembre 2014, neuf ans après son limogeage de la télévision publique camerounaise. Le Tribunal criminel spécial l’a reconnu coupable du détournement de 18 milliards de Fcfa dans la gestion de la Crtv. Aujourd’hui, malade et complètement affaibli, des voix s’élèvent pour appeler à la clémence du chef de l’Etat pour son évacuation sanitaire.
Zacchaeus Mungwé Forjindam (ancien Dg du Chantier naval et industriel du Cameroun) Il a écopé en 2012 de la prison à vie dans le cadre de l’opération Epervier. Il lui était reproché le détournement de 206 millions de Fcfa.
Roger Ntongo Onguéné (ancien directeur général des Aéroports du Cameroun)
Ancien directeur général des Aéroports du Cameroun (Adc), Roger Ntongo On-guéné a été condamné le 23 octobre 2015 à 30 ans de prison ferme. Il a été reconnu coupable du détournement de la somme de 1,642 milliard de Fcfa. Privé de liberté depuis janvier 2010, Roger Ntongo Onguéné avait déjà écopé en septembre 2013 d’une première condamnation à 20 ans de prison pour des chefs d’accusation portant toujours sur un détournement de deniers publics
Gilles Roger Belinga (ancien Dg de la Société immobilière du Cameroun)
Gilles-Roger Belinga a été condamné le 27 septembre 2007 à 35 ans de prison, avant que cette peine ne soit ramenée, à 20 ans d’emprisonnement, dans l’affaire de la Société immobilière du. Cameroun. Il’ était accusé de faits de détournement de deniers publics, de coaction cje détournement de aê-niers publics, de corn-plicité de détournement de deniers publics, et de tromperie envers associés, pour un préjudice de plus de 2 milliards de F.cfa.
Emmanuel Gérard Ondo Ndong (ancien Dg du Feicom)
Le 11 novembre 2005, < Ondo Ndong est limogé de son poste de directeur général du Fonds spécial d’équipement et d’intervention intercommunale (Feicom). Trois mois plus tard, il est interpellé à son domicile à Yaoundé, accusé de détournement de deniers publics estimés à plus de 36 milliards de Fcfa. Il est d’abord condamné à 50 ans de prison puis, après révision du procès, à 20 ans d’emprisonnement en appel. Alors qu’il s’était pourvu en cassa- -tiôn, sa peine a été revue à la hausse en 2013. Verdict de la Cour suprême : 30 ans de prison.
Iya Mohammed (ancien Dg de la Sodecoton)
Le 3 septembre 2015, il est reconnu coupable de détournement de fonds publics et condamné à 15 ans d’emprisonnement ferme. Ancien président de la Fédération camerounaise de football de 2000 à 2013, il paie sa gestion de la Sodecoton, dont il était le directeur général.
Comme on peut le constater, tous ces hauts cadres de la République ont été condamnés pour des faits formellement établis.’Sauf que dans une certaine opinion, l’on pensé à tort que cette opération avait des relents politiques qui ont permis au président Biya de couper les têtes de quelques-uns de ses probables rivaux politiques. C’est pour cela que certains estiment aujourd’hui que leur libération permettra de décrisper une certaine atmosphère politique au pays surtout au moment où l’on parle de plus en plus de transition générationnelle.