Opération épervier: Paul Biya dépêche une mission commando pour recouvrer des milliards volés
YAOUNDE - 16 AVRIL 2015
© Cédric Mbida | La Météo
Le chef de l’État a mandaté des hommes de confiance en vue de faciliter le rapatriement de ces fonds planqués à l’étranger.
Le chef de l’État vient de monter d’un cran dans la lutte contre les crimes économiques. Paul Biya, par la même occasion, a réitéré sa détermination à faire revenir au Cameroun les milliards de francs détournés par des gestionnaires véreux et planqués dans des paradis fiscaux. À peine revenu de son séjour privé en Europe, il a dépêché des hommes de confiance en Occident pour ce que certains, au sein du sérail, considèrent déjà comme une «mission commando» destinée à mettre la dernière main sur une opération d’envergure.
Selon des sources introduites, le président de la République au nom de l’Etat du Cameroun, vient de mandater le ministre d’État, ministre de la Justice garde des Sceaux, Laurent Esso ; le délégué général à la Sûreté nationale (Dgsn) Martin Mbarga Nguélé ; le secrétaire d’État à la Défense chargé de la Gendarmerie (Sed), Jean Baptiste Bokam et de hauts responsables de la Direction générale de recherche extérieure (Dgre), de conduire une enquête d’expertise et d’investigations financière à l’étranger. Ces personnalités, apprend-on, sont chargées de conclure, avec des établissements financiers situés en Chine, au Luxembourg, dans les Îles Féroé, au Japon, en Grande Bretagne, en Amérique du nord et du sud, au Moyen-Orient, en France, ou encore aux îles anglaises de Guernesey, des accords visant à définir les modalités de retour au Cameroun de fonds dont le pays a pu prouver la propriété légitime. Nos informateurs soutiennent que ce déploiement ne se fait pas au hasard. En quittant le Cameroun, les mandataires de Paul Biya avaient déjà une liste précise des personnes visées par leur expédition, les pays et les banques où sont planqués les fonds, ainsi que la valeur des sommes détournées. L’on cite sous cape, des ministres et directeurs généraux des sociétés d’État en fonction, ainsi que des anciens gestionnaires de la fortune publique.
Cette opération aura été, apprend-on, précédée de contacts qualifiés de fructueux par les fins connaisseurs du dossier, finalisés par Paul Biya avec des cabinets spécialisés, lors de son récent séjour en Europe que certains, il faut le souligner – et le regretter – avaient tôt fait de qualifier de villégiature aux frais du contribuable. Le chef de l’État n’a donc pas chômé pendant son «repos». Et les résultats de cette intense activité relationnelle ne devraient apparemment pas se faire attendre.
Ces dernières années en effet, le président de la République n’a point ménagé sa peine pour faire rentrer au Cameroun, des fortunes amassées à l’étranger par des ex-gestionnaires de crédits. Il a, de même, multiplié les intermédiaires et autres commissions rogatoires afin de faciliter le travail des limiers des opérations financières complexes à travers le monde. Aujourd’hui, nos sources affirment que, non seulement Paul Biya a une idée exhaustive des montants ainsi exportés, mais en plus, il a en main toutes les cartes en termes de stratégies de détournements et d’identité des auteurs.
L’ombre d’Amadou Ali
Son initiative devrait, espèrent beaucoup d’observateurs, mettre un terme à ce que bien de Camerounais ont qualifié d’amateurisme sur fond de règlements de compte, observés il y a peu par le prédécesseur de Laurent Esso au ministère de la Justice. On se souvient en effet de la fameuse «opération» lancée par Amadou Ali, aujourd’hui en charge des Relations avec les Assemblées. Proche de Paul Biya s’il en est, cet homme énigmatique s’est illustré en confiant à un ténébreux «expert financier», du nom de Francis Dooh Collins, une mission similaire de recouvrement de fonds à l’international. Et, non seulement le Cameroun n’a jamais réussi à récupérer un kopeck, mais en plus -et plus grave- le contribuable a casqué pour près d’un milliard de francs de commissions diverses par pure perte.
Selon le Département d’Etat américain à travers les révélations de Wikileaks, cette opération s’est plutôt révélée comme une grosse mafia destinée à berner le président de la République et à flouer le Trésor public. «Dans l'intérêt de développer une lutte anti-corruption plus professionnelle et plus durable de la part du gouvernement camerounais, nous chercherons à convaincre Amadou Ali de mettre en place bientôt une structure formelle chargée des présentes et d'autres requêtes semblables du gouvernement camerounais, ce qui pourrait aussi contribuer à réduire le facteur d'improbabilité lié au rôle énigmatique de Dooh Collins», indiquait alors le câble des services secrets américains.
Après avoir prétendu avoir travaillé pour les services secrets français, Dooh Collins, face au feu nourri des questions des services américains, avait fini par avouer que «le gouvernement français lui a signifié sa désapprobation de cette mission anti-corruption et lui a dit de ne pas voyager avec un passeport français pendant qu'il la mènerait». L’homme de main d’Amadou Ali avait affirmé que les fonds débloqués par le Trésor public camerounais étaient utilisés pour «appâter» les services secrets suisses et français chargés de «fournir d'importantes informations». Mais, selon Wikileaks, les officiels du Département de la sécurité intérieure à Washington «ont catégoriquement renié les allégations de Dooh Collins». Autrement dit, l’argent prétendument utilisé pour désintéresser des entremetteurs n’a jamais été payé à ceux-ci, qui nient en bloc avoir été associés à l’opération.
Mais tout ceci n’avait pas empêché MM. Ali et Dooh Collins, à travers des «fuites» savamment distillées à l’époque, de jeter en pâture des noms de présumés détourneurs ainsi que des numéros de comptes qui leur auraient appartenu à l’extérieur. Il s’agissait entre autres de : Urbain Olanguena Awono, Polycarpe Abah Abah, Catherine Abena, Mme Haman Adama, Jean Marie Atangana Mebara, Luc Evariste Etogo Mbezele, Dieudonné Nguema Ondo, Jean Ndjem, Linette Ngo Yogo, Lamine Mbassa, Jean Bessala Nsama, Jérôme Mendouga, Ntongo Onguene, Jean-Baptiste Nguini Effa, Pierre Désiré Engo, Jean-Louis Edou, Gilles Roger Belinga, Gérard Emmanuel Ondo Ndong, Paul Ngamo Hamani, Zaccheus Forjindam, Ismaël lbrahim Toukour, Yves Michel Fotso, Ephraïm Inoni, Lekene Donfack, Pierre Titi, Abraham Zoua Houli, Martin Abessolo, Edouard Etonde Ekoto, Alphonse Siyam Siwe, Caroline Abah Abah, Gervais Mendo Ze, Patricia Enam, Elisabeth Mongori, Joseph Edou, Laurent Nkodo, Awah Awah, Edith Mendomo, Paul Manga, Ivo Leke Tambo, Michel Meva’a m’Eboutou, Gervais Essama ou encore Mballa Hélène épse Mewoulou Oyono…
Cédric Mbida