Opération Epervier: Les Etats-Unis dénoncent l’inféodation de la Justice
DOUALA - 11 OCT. 2012
© Rodrigue N. TONGUE | Le Messager
Après la France, la riposte de Tchiroma, l’ambassadeur Robert P. Jakson fustige les vices de forme dans les procédures
Procès Epervier: La France déçue, le gouvernement réplique, les Usa contre-attaquent
L’ambassadeur
des Etats unis à Yaoundé se plaint d’une justice inféodée à l’Exécutif.
Ce, au lendemain de la sortie du porte-parole du gouvernement
camerounais qui faisait une mise au point en réaction, entre autres, à
la sortie médiatique de l’ambassadeur de France au sujet d’une nouvelle
condamnation de Michel Thierry Atangana.
Hier, 10 octobre 2012, Robert P. Jackson n’a pas mis de gants pour tancer les verdicts rendus par la Justice camerounaise récemment dans plusieurs affaires « retentissantes ». L’ambassadeur des Etats-Unis qui, profitant de la cérémonie de clôture du « programme Renforcement de l'Engagement Civique » a esquissé un bilan de la vision de son pays des procès de corruption. Il note au sujet de l’affaire Marafa, sans citer clairement ce dernier, qu’ « en rendant un jugement de 17 heures, le tribunal a quelque peu rendu la tâche difficile aux médias et au public qui voulaient suivre la procédure, et encore moins, comprendre l’aboutissement d'une affaire qui a considérablement attiré l'attention nationale et internationale ». De plus dit-il, « En refusant un accès adéquat aux éléments de preuve par les avocats de l’accusé, le tribunal a suscité des questions au sujet de ses motivations et de son objectivité, donnant ainsi raison aux critiques. Que ce soit à dessein ou non, le processus a également encouragé les critiques qui estiment que le pouvoir exécutif intervient, et donc affaiblit encore le système judiciaire camerounais ».
Plus loin, le diplomate confesse avoir vu « le pouvoir judiciaire être détourné pour annuler des prêts dûment consentis par des banques, geler des comptes bancaires sur des motifs fallacieux et, à plusieurs reprises, reporter des procès ou des décisions. » faisant peut-être référence entre autres au procès de Michel Thierry Atangana qui met en scène l’infortune d’investisseurs français au Cameroun, le blocage des comptes bancaires et le report, 6 fois de suite du verdict après l’éclatement de la collégialité au cours du procès qui oppose le Franco-camerounais et l’ex ministre Titus Edzoa à l’Etat du Cameroun. Puis Robert P. Jackson qui revendique 30 années de séjour en Afrique de prévenir que « ces mesures entravent les investissements étrangers dans le pays et ternissent l’image du Cameroun ». Mais reconnaît-il qu’il « existe de nombreux juristes compétents, honnêtes et travailleurs, mais leur travail n’influe pas nécessairement sur la qualité du système judiciaire en tant qu’institution », malmenée par l’Exécutif, laisse-t-il croire.
Caractère politique
On dirait que l’ambassadeur américain répondait ainsi à Issa Tchiroma après un point de presse tenu quasi « clandestinement » et diffusé sur les antennes de la Crtv. Tant du point de vue du timing, le ministre de la Communication (Mincom) a fait sa sortie 24 heures avant celle de l’ambassadeur américain à Yaoundé. Si de sources diplomatiques, Le Messager a appris que le discours prononcé par P. Jackson a été préparé longtemps avant, il demeure que les deux sorties situées aux antipodes témoignent de ce que Yaoundé et Washington ont un regard bien différent l’une de l’autre de l’indépendance de la justice camerounaise, tout au moins en ce qui concerne les procès retentissant visant la lutte contre la corruption. Le Mincom déclare que « le tribunal de Grande instance du Mfoundi qui a rendu son verdict dans l’affaire Michel Atangana le 4 octobre 2012 a statué en toute indépendance ». C’est à ce titre, suggère Tchiroma, qu’un rappel des faits est important « au regard des commentaires formulés et des allégations de certains médias nationaux et internationaux qui ont tendance à remettre en cause l’objectivité et l’indépendance du pouvoir judiciaire ». Puis le Mincom déroule ce qui lui semble être uniquement les faits au bout de quinze ans de procédure et conclut que la décision rendue dans l’affaire Edzoa-Atangana autant qu’il l’avait dit précédemment du verdict de Marafa, ne « sanctionne guère une affaire politique contrairement à certains propos entendus çà et là. A moins que le crime de détournement de deniers publics soit désormais qualifié d’infraction à caractère politique ».
Cinq jours exactement auparavant, Bruno Gain, ambassadeur de France à Yaoundé trouvait - dans une posture d’indigné dans laquelle l’a retrouvé tous les médias qui portent la voix de la France à l’étranger et bien d’autres basés en Hexagone - « que la peine infligée à Michel Atangana est particulièrement lourde. Ce dernier [ayant] déjà purgé une peine d’emprisonnement considérable. [Et que] Cela fait plus de 5475 jours – 15 années déjà – qu’il est incarcéré. [Pis qu’une] durée aussi longue est de nature à briser le plus résistant des hommes. » Le diplomate français dont le mandat en terre camerounaise a été prorogé par le nouveau gouvernement français indiquait alors que « les autorités camerounaises disposent de bases juridiques qui leur permettraient de faire preuve de clémence à l’égard d’un justiciable qui a déjà largement payé sa dette vis-à-vis de la société ». Puis exprimait « le vœu instant que Michel Thierry Atangana puisse dès que possible recouvrer la liberté ». Il n’y aura pas eu d’équivoque, derrière le vocable « autorité camerounaise » usité par Bruno Gain, il faut bien entendre le couple pouvoir judiciaire - pouvoir exécutif. Yaoundé l’a en tout cas compris ainsi. Puisqu’on le sait, Issa Tchiroma, ministre de la République est venu repréciser le sens d’une décision de justice et non curieusement celle du gouvernement en lieu et place des chefs de la Cour d’appel dont dépend le tribunal de Grande instance du Mfoundi concerné ou même à la lisière de l’inadmissible le garde des sceaux qui l’auraient fait légitimement. Chacun peut donc se rendre compte de l’ (in)dépendance à perception variable de la justice camerounaise.
© Rodrigue N. TONGUE | Le Messager
Après la France, la riposte de Tchiroma, l’ambassadeur Robert P. Jakson fustige les vices de forme dans les procédures
Procès Epervier: La France déçue, le gouvernement réplique, les Usa contre-attaquent
Hier, 10 octobre 2012, Robert P. Jackson n’a pas mis de gants pour tancer les verdicts rendus par la Justice camerounaise récemment dans plusieurs affaires « retentissantes ». L’ambassadeur des Etats-Unis qui, profitant de la cérémonie de clôture du « programme Renforcement de l'Engagement Civique » a esquissé un bilan de la vision de son pays des procès de corruption. Il note au sujet de l’affaire Marafa, sans citer clairement ce dernier, qu’ « en rendant un jugement de 17 heures, le tribunal a quelque peu rendu la tâche difficile aux médias et au public qui voulaient suivre la procédure, et encore moins, comprendre l’aboutissement d'une affaire qui a considérablement attiré l'attention nationale et internationale ». De plus dit-il, « En refusant un accès adéquat aux éléments de preuve par les avocats de l’accusé, le tribunal a suscité des questions au sujet de ses motivations et de son objectivité, donnant ainsi raison aux critiques. Que ce soit à dessein ou non, le processus a également encouragé les critiques qui estiment que le pouvoir exécutif intervient, et donc affaiblit encore le système judiciaire camerounais ».
Plus loin, le diplomate confesse avoir vu « le pouvoir judiciaire être détourné pour annuler des prêts dûment consentis par des banques, geler des comptes bancaires sur des motifs fallacieux et, à plusieurs reprises, reporter des procès ou des décisions. » faisant peut-être référence entre autres au procès de Michel Thierry Atangana qui met en scène l’infortune d’investisseurs français au Cameroun, le blocage des comptes bancaires et le report, 6 fois de suite du verdict après l’éclatement de la collégialité au cours du procès qui oppose le Franco-camerounais et l’ex ministre Titus Edzoa à l’Etat du Cameroun. Puis Robert P. Jackson qui revendique 30 années de séjour en Afrique de prévenir que « ces mesures entravent les investissements étrangers dans le pays et ternissent l’image du Cameroun ». Mais reconnaît-il qu’il « existe de nombreux juristes compétents, honnêtes et travailleurs, mais leur travail n’influe pas nécessairement sur la qualité du système judiciaire en tant qu’institution », malmenée par l’Exécutif, laisse-t-il croire.
Caractère politique
On dirait que l’ambassadeur américain répondait ainsi à Issa Tchiroma après un point de presse tenu quasi « clandestinement » et diffusé sur les antennes de la Crtv. Tant du point de vue du timing, le ministre de la Communication (Mincom) a fait sa sortie 24 heures avant celle de l’ambassadeur américain à Yaoundé. Si de sources diplomatiques, Le Messager a appris que le discours prononcé par P. Jackson a été préparé longtemps avant, il demeure que les deux sorties situées aux antipodes témoignent de ce que Yaoundé et Washington ont un regard bien différent l’une de l’autre de l’indépendance de la justice camerounaise, tout au moins en ce qui concerne les procès retentissant visant la lutte contre la corruption. Le Mincom déclare que « le tribunal de Grande instance du Mfoundi qui a rendu son verdict dans l’affaire Michel Atangana le 4 octobre 2012 a statué en toute indépendance ». C’est à ce titre, suggère Tchiroma, qu’un rappel des faits est important « au regard des commentaires formulés et des allégations de certains médias nationaux et internationaux qui ont tendance à remettre en cause l’objectivité et l’indépendance du pouvoir judiciaire ». Puis le Mincom déroule ce qui lui semble être uniquement les faits au bout de quinze ans de procédure et conclut que la décision rendue dans l’affaire Edzoa-Atangana autant qu’il l’avait dit précédemment du verdict de Marafa, ne « sanctionne guère une affaire politique contrairement à certains propos entendus çà et là. A moins que le crime de détournement de deniers publics soit désormais qualifié d’infraction à caractère politique ».
Cinq jours exactement auparavant, Bruno Gain, ambassadeur de France à Yaoundé trouvait - dans une posture d’indigné dans laquelle l’a retrouvé tous les médias qui portent la voix de la France à l’étranger et bien d’autres basés en Hexagone - « que la peine infligée à Michel Atangana est particulièrement lourde. Ce dernier [ayant] déjà purgé une peine d’emprisonnement considérable. [Et que] Cela fait plus de 5475 jours – 15 années déjà – qu’il est incarcéré. [Pis qu’une] durée aussi longue est de nature à briser le plus résistant des hommes. » Le diplomate français dont le mandat en terre camerounaise a été prorogé par le nouveau gouvernement français indiquait alors que « les autorités camerounaises disposent de bases juridiques qui leur permettraient de faire preuve de clémence à l’égard d’un justiciable qui a déjà largement payé sa dette vis-à-vis de la société ». Puis exprimait « le vœu instant que Michel Thierry Atangana puisse dès que possible recouvrer la liberté ». Il n’y aura pas eu d’équivoque, derrière le vocable « autorité camerounaise » usité par Bruno Gain, il faut bien entendre le couple pouvoir judiciaire - pouvoir exécutif. Yaoundé l’a en tout cas compris ainsi. Puisqu’on le sait, Issa Tchiroma, ministre de la République est venu repréciser le sens d’une décision de justice et non curieusement celle du gouvernement en lieu et place des chefs de la Cour d’appel dont dépend le tribunal de Grande instance du Mfoundi concerné ou même à la lisière de l’inadmissible le garde des sceaux qui l’auraient fait légitimement. Chacun peut donc se rendre compte de l’ (in)dépendance à perception variable de la justice camerounaise.