Opération Epervier: Le dernier bol d'air de liberté
DOUALA - 17 Avril 2012
© Souley ONOHIOLO | Le Messager
L’interpellation suivie de la mise aux arrêts de l’ex-Premier ministre camerounais et l’ex-ministre d’Etat chargé de l’Administration territoriale, en détention préventive à la maison d’arrêt de Kondengui depuis hier, se sont faites de manière spectaculaire, au rythme et à la cadence d’une fiction hollywoodienne.
© Souley ONOHIOLO | Le Messager
L’interpellation suivie de la mise aux arrêts de l’ex-Premier ministre camerounais et l’ex-ministre d’Etat chargé de l’Administration territoriale, en détention préventive à la maison d’arrêt de Kondengui depuis hier, se sont faites de manière spectaculaire, au rythme et à la cadence d’une fiction hollywoodienne.
Palais de justice de Yaoundé au lieu
de réputation célèbre et mémorable dit «Guantanamo». Il est un peu plus
de 14 heures. Le climat et l’ambiance sont délétères, empreintes de
frilosité, de suspicion et de mégalomanie. Dans un zèle effronté de flic
qui leur est propre, une poignée des gendarmes et policiers qui ont
tenté mais en vain, de disperser les journalistes et les cameramen aux
aguets se sont tassés. Quelques minutes après, on assiste à un
changement de position du car «hiace» de couleur blanche, appartenant à
la gendarmerie, qu’entoure une demi-douzaine de gendarmes. Ils ont
l’intention de faire diversion en créant une espèce de voile, afin que
personne ne constate comment l’ex-Premier ministre, Inoni Ephraïm, est
embarqué manu militari, sans le moindre respect pour ses attributs
d’ancien chef du gouvernement. Habillé d’un costume noir et tenant en
main une grosse malette de couleur noire, l’ex-homme fort du pouvoir du
régime du Renouveau qui annonçait dans une interview à une chaîne de
radio étrangère, qu’il était le pilote de l’Opération Epervier, est
désormais dans la nasse, happé par la spirale de l’oiseau rapace.
Il n’a même pas le temps de constater que son véhicule de couleur verte, de marque Mitsubitsi, immatriculé Ce 350 Bu, qui l’a amené sur les lieux, reste stationné dans l’enceinte du «Guantanamo», sans occupant. Le car «hiace», bourré de gendarmes le transportant et qui démarre en trombe, laisse perplexe, son épouse, Gladys Inoni, arrivée sur les lieux, une vingtaine de minutes avant, habillée d’un tailleur qui ressortait tous les arguments de sa sublime beauté. Celle qui jusqu’à il y a quelques années, était la «puissante» coordinatrice du Cerac (dont la présidente n’est autre que la première dame Chantal Biya), n’en croit pas ses yeux. Elle réussit à peine à contenir ses émotions pour ne pas s’effondrer, en voyant son époux, qui a régné sur la République, prendre tel un «malpropre», une destination qui en ce moment, lui est inconnue. «Où l’amène-t-on? Que se passe-t-il? Il va où?» S’adresse-t-elle à un interlocuteur «absent» et sans visage. Hélas. De nouveaux locataires à Kondengui Bien avant l’ex-Premier ministre, Inoni Ephraïm, l’ex-ministre d’Etat de l’Administration territoriale chargé de la décentralisation, ex-secrétaire général de la présidence de la République, avait bu jusqu’à la lie, sa dose d’humiliation et de déconfiture. Sous le champ de regard des journalistes, des cameras de télévision et les observateurs curieux, celui que certains avaient commencé par considérer comme le «dauphin» de Paul Biya à la magistrature suprême, avait été conduit à la maison d’arrêt de Kondengui, dans une Toyota pick-up de couleur grise, immatriculée Ce 012 Ec, tenu en respect par cinq solides et costauds gars, qui menaçaient de l’étouffer sous étreinte. Dans la simplicité habituelle qui le caractérise, l’ex-ministre d’Etat de l’administration territoriale chargé de la décentralisation, habillé d’une gandoura de couleur blanche, avait déféré aux environs de 11 heures, au «Guantanamo», répondant à une convocation du juge d’instruction. Alors qu’il est entendu dans la salle à l’intérieur, la douzaine de ses «affidés», vêtus de gandoura, qui attendaient dehors, croyaient à une «partie» de plaisir, jusqu’à déchanter, lorsque, sous leurs yeux hagards et le regard éploré de son épouse, Marafa Hamidou Yaya est placé sous mandat de dépôt et conduit en prison. En attendant d’en savoir plus sur les griefs et les chefs d’accusation qui pèsent sur les deux anciens hauts responsables du régime aujourd’hui en disgrâce, et incarcérés dans la prison de Kondengui, des sources bien informées font un rapprochement des deux hauts responsables avec certaines malversations financières et une «prise d’intérêt» sur la fortune publique, du temps où, ils étaient aux affaires à la présidence de la République, s’agissant du dossier concernant l’achat de l’avion présidentiel. On se souvient que les deux hautes personnalités avaient été épinglées par Yves Michel Fotso et le ministre d’Etat Jean Marie Atangana Mebara. D’autres sources rappellent que, la manifestation de la vérité ne pouvait se faire, tant que les deux acteurs continuaient d’être en liberté. Une fuite en avant du débat sur le code électoral unique D’entrée de jeu, certains diront qu’il est difficile, même qu’il n’y a pas lieu de créer un lien de causalité entre l’interpellation de l’ex-Premier ministre, Inoni Ephraïm, et celle de Marafa Hamidou Yaya, l’ex-ministre d’Etat de l’Administration territoriale chargé de la décentralisation, ex-secrétaire général de la présidence de la République. Si le second, est victime du «mauvais» sort, cinq mois seulement après sa disgrâce et son limogeage du gouvernement, le 9 décembre 2011, tel n’est pas le cas de l’ex-Premier ministre, Inoni Ephraïm, qui est resté pendant plus de trois ans au quartier après sa répudiation, lui qu’on commençait à oublier. Les deux hauts responsables étaient crédités, on se souvient, d’avoir pris une part active, dans la réélection de Paul Biya en 2011. Au moment où, l’actualité depuis quelques jours a pointé ses phares et cristallisé toute l’attention des Camerounais sur l’adoption du très contesté code électoral unique par les députés du Rdpc, la montée en puissance de l’opération Epervier, avec l’interpellation des deux anciens hauts responsables ayant occupé de hautes fonctions d’Etat, suggère plusieurs pistes d’analyse. Le régime du Renouveau a l’art de la diversion et de la dissimulation. Sachant que le peuple a besoin du sensationnel, pour détourner l’attention des problèmes de l’heure qui méritent débat, l’attention de tous, dans une stratégie qui lui est propre, le système Paul Biya excelle à sortir de ses tiroirs, des dossiers de certains gestionnaires «indélicats», qui pour la plupart sont en situation de sursis permanent. Si on admet que depuis quelques mois, Inoni Ephraïm et Marafa Hamidou Yaya, étaient dans les fils barbelés, on voyait difficilement leur interpellation au lendemain de l’adoption du code électoral à l’Assemblée nationale. Le débat continue de faire des gorges chaudes. Et l’interpellation des deux mis en cause n’est pas innocente. On se souvient qu’il y a quelques semaines, face à la grogne populaire, au regard de l’atmosphère délétère, empreinte de morosité concernant l’affaire du bébé volé de Vanessa Tchatchou et du «bref» séjour privé du président de la République qui devenait de plus en plus long, le pouvoir politique avait fait diversion. Dans une enchère médiatique aux allures de lynchage, le régime de Paul Biya avait créé de toutes pièces, une histoire sur la convocation des gestionnaires de crédits de haut vol, au conseil de discipline budgétaire et financière du ministre du Contrôle supérieur de l’Etat. Près d’un mois après le grand bruit provoqué par cet effet d’annonce, rien n’est fait. Certaines langues affirment qu’on en est encore à réunir les pièces comptables des différents dossiers. Les nouvelles interpellations que l’on estime être la relance de l’opération Epervier, font parties des méthodes de fonctionnement du régime. Lorsque l’on sait que le chef de l’Etat Paul Biya, seul connaît l’agenda des arrestations et le timing, il y a lieu de discourir sur «le temps du président». |
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