Operation Epervier: Le cas Mendouga émeut la presse américaine




YAOUNDE - 11 AOUT 2010
© Artur L. Mbye | Repères

En mai 2010, à l'occasion de la célébration des cinquantenaires de l'indépendance et de la réunification, un journal a dépêché à Yaoundé un reporter pour s'intéresser à un homme bien connu du tout Washington: Jérôme Mendouga



Jerome Mendouga - Bill Clinton

Photo: © The Washington Diplomat

Ce n'est ni le New-York Times, ni le Washington Post. Le Washington Diplomat est un mensuel américain qui consacre ses pages entre autres aux milieux diplomatiques de la capitale des Etats-Unis. En mai 2010, à l'occasion de la célébration des cinquantenaires de l'indépendance et de la réunification, ce journal a dépêché à Yaoundé un reporter pour s'intéresser à un homme bien connu du tout Washington: Jérôme Mendouga. Cet ancien ambassadeur du Cameroun aux Etats-Unis est détenu à la prison centrale de Yaoundé depuis le 15 avril 2009. Il pèse sur lui des accusations liées à l'affaire Albatros, cet avion acquis pour les voyages du président de la République, et que M. Paul Biya renvoya suite à une «panne», et qu'on finit par présenter comme un «cercueil volant». Il est aussi cité dans l'affaire du Boeing Business Jet II, autre avion présidentiel pour lequel l'Etat du Cameroun débloqua 31 millions de dollars, mais ne vit ni aéronef, ni remboursement des frais consentis. Larry Luxner, le reporter, a parcouru l'affaire, à Yaoundé, à Washington et à Seattle, siège de Boeing. Il a publié un reportage dans l'édition de juillet 2010 du Washington Diplomat sous le titre: "d'Un ex-ambassadeur en prison". Nous reprenons de larges extraits de cette enquête publiée en anglais et dont la traduction en français est libre.


Conditions de détention et état de santé


Depuis le 15 avril, 2009, le diplomate de carrière de 72 ans moisit dans une cellule sale de prison pendant que le gouvernement, qu'il a autrefois fièrement représenté, essaie d'établir des preuves contre lui. Pourtant presqu'un an et demi plus tard, aucune accusation formelle n'a été soumise au moment où nous mettons sous presse, et les nombreux amis et supporters de Mendouga, y compris son épouse cancéreuse et ses deux filles aux Etats-Unis, clament son innocence, insistant qu'il est une victime des circonstances.


En fin mai, The Washington Diplomat a dépêché un reporter au Cameroun, pendant la célébration du cinquantenaire de l'indépendance du pays. Au cours de son séjour, il a tenté de rendre visite à Mendouga à la prison de haute sécurité de Kondengui, située à la périphérie de Yaoundé, la capitale. Notre reporter est allé jusqu'à l'entrée bien gardée de la prison avant d'être informé que Mendouga était un "prisonnier spécial" et qu'une permission tout aussi spéciale était requise pour le voir. Une telle permission n'est jamais arrivée, bien que The Diplomat ait passé une matinée entière faisant la navette d'un responsable subalterne de l'administration à un autre. Mais nous avons finalement réussi à contacter Mendouga à travers son avocat de Yaoundé, Simon Essama.


«Ce n'est pas ma résidence officielle de Normanstone Drive, je peux vous le dire», a affirmé Mendouga quand nous l'avons interroge au sujet de ses remarques désobligeantes sur ses conditions de détention. «Je suis dans une pièce faite pour 12 personnes, avec trois lits superposés, un en dessous de l'autre. Pour le moment, nous sommes six ou sept ici. Nous avons trois cabines pour la douche et trois toilettes, une, normale de type occidental, et deux toilettes accroupiee de type turque


Toilettes turques, lits superposés et nourriture de prison. Cela est une pillule amère à avaler pour un diplomate de haut vol habitué aux limousines avec chauffeur et à des réceptions tape-à-l'œil à Willard Inter Continental. En effet, Mendouga a passé la meilleure partie de sa vie au Service étranger du Cameroun — une nation à la taille de la Californie, peuplés de 20 millions d'habitants et dirigée par le président Paul Biya depuis près de 28 ans, soit plus de la moitié de son existence postcoloniale. "J'ai été diplomate pendant près de 50 ans," dit Mendouga. "Avant Washington, j'avais servi comme ambassadeur à Kinshasa et Dakar, et j'étais le chef de notre mission économique à Bruxelles, et j'ai eu au moins 10 autres affectations. J'ai appris que tout peut arriver. Mais ce que je vis est la dernière chose que j'aurais imaginé."


Mendouga a confié que ses codétenus le respectent du fait de son âge et de son rang social. «Je n'ai pas été brutalisé par les personnes qui sont détenues avec moi, mais la prison n'est pas le paradis», a-t-il dit. «Nous vivons avec des criminels, des gens qui ont tué. Nous sommes logés dans une autre quartier, mais vous ne pouvez pas sortir de cette zone sans tomber sur ces gens-là


«UN COMPLOT POLITIQUE»


«Mon épouse est en train de se battre pour sa vie à Washington, et ses médecins ont demandé qu'elle y reste», a dit le diplomate, quoique sa maladie elle-même est encore une autre cible étrange du moulin à rumeurs en ligne. Au moins un site web a affirmé que Louisette Mendouga a réglé des frais médicaux de plus de 100,000 de dollars aux dépens du contribuable camerounais; un autre insiste qu'elle n'a réellement pas de cancer et qu'elle est secrètement en train de comploter pour renverser Biya, apparemment à partir du centre de commande de sa banlieue de Virginie. «Il n'y a absolument rien dans ces accusations», a dit Mendouga. «Je pense que tout cela a quelque chose de politique. Quelques personnes sont en train de se battre dans le système et la meilleure voie pour me mettre en difficulté est de me présenter comme étant contre le président, et travaillant avec des gens qui veulent prendre son pouvoir


Avant de terminer sa conversation avec Mendouga, The Diplomat a demandé ce que le président Biya penserait s'il connaissait tous les faits de l'affaire. «J'ai travaillé pour lui comme ambassadeur pour environ 25 ans, mais des gens venaient chez le président et lui racontaient toutes sortes d'histoires sur moi. Il a résisté jusqu’au moment où il y a eu trop de pression, et à un point il a succombé», a dit le diplomate en disgrâce, apparemment résigné. «Tout ceci fait partie d'un jeu qui est de loin au-delà de moi.»(...)


Pour le moment, l'ex-ambassadeur affirme qu'il est généralement en bonne santé, mais qu'il a des problèmes avec son genou. «Il m'a fallu plus de quatre mois pour obtenir un rendez-vous avec le médecin dehors», a-t-il déclaré. «Le médecin de la prison a dit qu'il ne pouvait pas me traiter. Mon genou me faisant vraiment mal. Je marchais à peine.» Les membres de la famille lui apportent ses repas, puisque la nourriture de la prison, affirme-t-il, est horrible. Sauf pour quelques visites chez son médecin, Mendouga n'a pas mis le pied hors de la barrière de Kondengui depuis plus de 14 mois. Pourtant, Mendouga semble de loin plus concerné par la santé de son épouse de 57 ans, Louisette, qui vit à Alexandria, Va., et souffre de cancer d'estomac.


La version de Jérôme Mendouga sur l'affaire Albatros


Au cœur de l'affaire Mendouga converge un faisceau complexe et parfois compliqué d'accusations et contre-accusations, dont beaucoup sont échangées sur des sites web, des chats de diverses colorations anti et pro-gouvernementaux. C'est la tentative du gouvernement camerounais d'acheter en 2001 un nouvel avion pour le président Biya, qui est le point dé départ de l'affaire Albatros. Selon Mendouga, son propre gouvernement —qui à ce moment-là négociait un contraignant programme d'ajustement économique avec le Fonds Monétaire International— ne voulait pas faire la publicité autour de l'achat d'un Jet Boeing BBJ2 de luxe pour le Président. Il a donc décidé de faire l'achat de l'aéronef à 31 millions de dollars par l'intermédiaire de la compagnie aérienne étatique, Cameroon Airlines, avec un dépôt non remboursable de 4 millions de dollars à Boeing.


Apparemment, une grande société basée à Oregon nommée GIA International avait été créée par le directeur général de la compagnie aérienne, Yves-Michel Fotso, avec l'approbation totale de Marafa Hamidou Yaya secrétaire-général de la présidence. Mais Boeing n'a jamais reçu le reliquat de 27 millions dollars, par conséquent l'avion n'a pas été livré a l'équipage camerounais qui attendait depuis une semaine à Seattle pour prendre la livraison de l'avion.


Mendouga qui a dit qu'il ne connaissait rien de ces arrangements préalables a affirme à The Diplomat que le 27 mars 2003, le nouveau secrétaire-général de la présidence, Jean Marie Atangana Mebara, lui a demandé de se rendre au siège de Boeing à Seattle pour essayer de sauver le marché. «Le président attendait déjà l'avion depuis deux ans. Ce nouvel homme (Mebara) est venu, et il lui a été demandé de clarifier l'affaire de l'argent que [le président] avait donné pour acheter l'avion», a dit Mendouga, expliquant que Mebara avait alors dit à Biya qu'il fallait «parler à notre ambassadeur aux Etats Unis. Voici comment je suis entré dans le jeu»


Conséquence du voyage effectué à Seattle, Mendouga déclare que Boeing est tombé d'accord pour rouvrir et conclure la transaction. La compagnie a promis de livrer l'avion à la réception d'un autre montant de 4 millions de dollars et l'établissement d'un planning de payement pour les 23 millions de dollars restants.


A ce sujet, selon Mendouga, le président, surpris d'apprendre que Boeing n'a reçu que 4 millions de dollars sur les 31 millions de dollars qu'il a initialement alloué pour l'avion, ordonne à Mebara de mener les enquêtes et de recouvrer l'argent supposé gardé par GIA, qui a depuis déclaré faillite. Biya aurait aussi décidé, à cause des contraintes du FMI, de temporairement reporter l'achat du nouvel avion. Mendouga a affirmé qu'il avait donc reçu instruction de négocier avec Boeing le bail de 36 mois d'un Jet B767 surnommé "Albatros" jusqu'à ce que l'achat du nouvel avion puisse être finalisé. Les négociations étaient menées par l'avocat Malcolm Benge de la Washington Law Firm Zuckert Scoutt & Rasenberger LLP.


Cet avion en bail a été parfaitement examiné par Delta Airlines à Atlanta et un certificat de visite technique délivré par la Federal Aviation Administration. Il a été livré à Yaoundé le 23 avril 2004 sans aucun problème. Pourtant le jour suivant -pendant son vol inaugural pour la France- le pilote, qui a constaté une défaillance de "battement", a "informé le président de cette défaillance, et a décidé de retourner pour des réparations à la cité portuaire camerounaise de Douala. L'ingénieur mécanicien était capable de résoudre le problème et l'avion a continué jusqu'à Paris sans incident".


Néanmoins, a dit Mendouga, le président et son épouse, première dame Chantal Biya, étaient paniqués et ont décidé qu'ils ne voulaient plus de cet avion. Pourtant l'histoire de la "défaillance de battement", estime Mendouga, fut gonflée au de la de proportion dans la presse locale. Certains articles affirment que c'est en réalité un complot destiné à éliminer Biya et prendre le pouvoir, en achetant un vieil -et dangereux- avion présenté comme neuf, en empochant la différence. Ou, plus probablement, les auteurs de la manipulation voulaient juste se faire de l'argent. Une note confidentielle du gouvernement, produite par les partisans de Mendouga, semble soutenir que c'est cette théorie du complot qui prospère: «Une version candide de l'histoire dit que la gourmandise a poussé le secrétaire-général et l'ambassadeur à détourner les fonds déboursés pour l'achat d'un avion neuf, qu'ils ont remplacé par un autre vieux et en mauvais état qui a failli tuer le président et toute sa famille.» En avril 2009, cinq mois après son retour à la suite d'un long séjour à Washington, Mendouga est appelé comme témoin pour dire ce qu'il sait de l'affaire et est aussitôt arrêté et emprisonné. (...)



Ils jugent l'opération Epervier


Cependant en début juin, le Secrétaire-Général de l'ONU Ban Ki-moon, en visite officielle au Cameroun, a loué la campagne «Opération Epervier» que mène Biya depuis cinq ans pour éradiquer la corruption. "J'encourage les mesures prises par votre gouvernement pour promouvoir la bonne gouvernante et lutter contre la corruption," a dit Ban dans une allocution diffusée sur la télévision camerounaise depuis le palais présidentiel. "J'espère que le combat continuera, dans l'intérêt de la nation." (...)


Malgré les efforts de lutte contre la corruption, Mary Barton-Dock, directeur résident de la Banque Mondiale pour le Cameroun et six autres Etats d'Afrique Centrale, a dit que le Cameroun est toujours "très mal" classé quand on considère l'ensemble du climat des investissements. "Je pense que le gouvernement est en train de faire quelque chose au sujet aussi bien de la corruption réelle et la perception de la corruption," a-t-elle dit au cours d'une conversation à Yaoundé. "C'est rassurant pour les investisseurs que le gouvernement est au courant qu'il existe un problème, mais je ne suis pas sûre si la manière dont ils sont en train de résoudre ceci est rassurante."


Amadou Ali, ministre camerounais de la justice, ne semble pas avoir besoin d'une assurance. Homme imposant dans un boubou traditionnel islamique bleu-ciel à larges manches et un taqiyah sur la tête, Ali a fièrement discuté de son rôle comme chef de guerre du gouvernement Biya contre les responsables sans scrupules. "Le gouvernement n'a pas commencé la lutte contre la corruption aujourd'hui. Notre premier pas pour faire quelque chose contre la corruption a commencé en 1997, et en 1999 et 2000, plusieurs responsables de haut-niveau furent arrêtés," a-t-il informé The Diplomat. "Ce sont des gens en lesquels on avait confiance. Il n'y a pas de règlement politique ici. La justice est en train d'être exécutée. Ces gens ont des avocats internationaux et peuvent être défendus. Il n'y a pas de secret. Quelques-uns de ces gens ne sont même pas de l'opposition, mais du parti au pouvoir."


Ali a dit que dans le cas Mendouga, "le gouvernement a voulu acheter un avion officiel pour le président, 31 millions de dollars ont disparu, et il n'était pas seul. Il était clairement établi qu'ils ont volé ces 31 millions de dollars." "Où est-ce qu'est passé l'argent ?", interrogea-t-il. "Nous sommes en train de le rechercher, mais c'est un problème. Peut-être qu'il y a une piste financière aux Etats-Unis ou en Europe. Mais quand (Mendouga) était arrêté, il n'était plus un ambassadeur. Il avait déjà été remplacé par quelqu'un d'autre." Interrogé sur le fait précis qu’aucune inculpation n'ait été prononcée contre Mendouga, Ali a répondu que l'ancien ambassadeur est en "détention provisoire," bien qu'il ne puisse pas dire combien de temps cette détention durerait. Tout ce qu'il a pu dire est qu'"ils sont en train de recueillir des témoignages à charge et à décharge. Il y a un juge qui s'occupe de cette affaire jusqu'à ce que des accusations officielles soient portées."


Où sont passés les 31 millions de dollars ?


Qu'est-il arrivé aux 31 millions de dollars alloués pour le premier avion présidentiel ? Est-ce qu'il est allé à Fotso, Yaya, Mebara, Mendouga — ou à un groupe d'acteurs complètement différent? Est-ce que les accusations sont fabriquées pour éliminer des menaces politiques potentielles contre Biya et ses copains ? Le 5 février, une décision judiciaire du juge d'instruction dans l'affaire a établi que des 31 millions de dollars déboursés à la demande du président, 29 millions de dollars ont été "détournés" à travers la défunte GIA International, avec pour principaux bénéficiaires l'actuel ministre d'Etat camerounais en chargé de l'Administration territoriale et la décentralisation, Marafa Hamidou Yaya, et l'ancien directeur général de Cameroon Airlines, Yves-Michel Fotso (d'autres individus non identifiés ont aussi été accusés de détournement de fonds publics comme partie de l'enquête).


L'ordonnance détaillée de 52 pages désigne une autre douzaine de personnes environ qui ont reçu des montants variés d'argent comptant pour le reliquat de 2 millions dans les fonds perdus. Ni Yaya ni Fotso n'ont pu être joints pour s'exprimer, et on affirme qu'au moins quelques-unes des «personnes intéressées» à l'affaire et citées dans l'ordonnance du juge ont quitté le Cameroun. Mebara, l'ancien secrétaire-général, et Mendouga sont aussi cités dans l'ordonnance, qui, entre autres, dit que l'ambassadeur affirme avoir mené des transactions pour la sécurisation de l'achat de l'avion avec Boeing, listant des lettres qu'il a soumis au constructeur pour déduire divers paiements pour l'aéronef. Pourtant l'ordonnance se demande pourquoi Mendouga semble avoir désigné une certaine banque dans les contrats au lieu de contacter Boeing directement. Selon la même ordonnance, Mendouga a répondu qu'il a agi selon les règles de Boeing et que c'était comme cela que la grande société conduisait les affaires (…)


"Je sais que les gens ont trompé le président," a dit Mendouga. "Ils lui ont raconté des histoires qui l'ont convaincu que je n'étais pas le professionnel que j'ai été durant toute ma carrière. Mais il n'y a absolument aucun fond soit à l'histoire de mon association avec un groupe contre le président, ou que j'ai quelque chose à faire avec la mauvaise gestion de fonds publics." Quand même -en plus de l'ordonnance, qui semble susciter autant de questions que des réponses- il est difficile de dire avec certitude ce dont le gouvernement accuse Mendouga, parce qu'une inculpation formelle contre lui n'a jamais été rendue publique, laissant l'ex-ambassadeur dans une difficile attente derrière les barreaux depuis 14 mois.


Malcolm Benge, avocat à Zuckert Scoutt & Rasenberger, qui s'est occupé des négociations avec Boeing pour le compte du gouvernement camerounais, a refusé d'être long sur l'affaire. "Je ne représente pas (Mendouga) en termes pour les problèmes qu'il a au Cameroun," nous a-t-il dit. "J'ai conseillé l'ambassadeur par rapport à l'achat de l'avion il est couvert du privilège avocat-client, et je ne peux pas parler de cela à moins que j'aie une dispense de la République du Cameroun, et cela ne se passera pas."


Entre temps, Boeing semble se laver les mains de toute l'affaire. John Catron, conseil en chef de Boeing Capital Corp., chargé du financement pour les produits Boeing, a confirmé dans une interview téléphonique de Seattle qu'aucun avion n'a jamais réellement été acheté à sa compagnie. "Le gouvernement du Cameroon voulait un avion VIP pour le président, et il est venu chercher un avion en bail," a-t-il dit. "L'avion était loué, mais le président avait décidé de ne pas l'utiliser et a mis fin à la transaction. Ça s'arrête là." Interrogé sur les articles des médias africains persistants à accuser Boeing de fraude, Catron a rejeté toute allusion que Boeing ait quelque chose à voir dans le scandale. "Il n'y avait pas de coup fourré. Nous sommes liés par the Foreign Corrupt Practices Act et il n'y aucun fond de vérité à ces rumeurs," a-t-il dit, se référant aux spéculations qu'un avion remis à neuf fut en quelque sorte substitué à un avion neuf. En plus, quant aux accusations que l'avion était peu sûr, John Kvasnosky, un porte-parole pour Boeing Capital, a confirmé que l'Albatros reste en service aujourd’hui, bien qu'il ait refusé de préciser où. Kvasnosky a dit qu'il n'était pas au courant des détails de l'investigation camerounaise qui a suivi: "Aussi loin que nous pouvons nous souvenir, nous n'avons pas été au courant d'un problème technique quelconque avec l'avion quand il était loué par d'autres clients."


Haman Mana a sa petite idée


Haman Mana est directeur de "Le Jour," un brave journal de l'opposition qui n'a pas peur de critiquer le gouvernement. Interviewé dans son bureau défraîchi au deuxième niveau d'un bâtiment dans l'une des rues les plus commerçantes de Yaoundé, Mana ne dira pas de façon nette que Mendouga est innocent -mais il sent fortement qu'on a monté un coup contre l'ancien ambassadeur, ou juste qu'un sort a été jeté contre lui. "L'homme se trouvait au mauvais endroit au mauvais moment. L'ouragan l'a pris", a déclaré Mana. "Dans un ouragan, quelques personnes sortent vivantes et d'autres mortes"


Le journal de langue française de Mana, qui a une moyenne journalière de circulation de 5,000 exemplaires, a récemment publié une édition spéciale intitulée. "L'opération Epervier." Il donne les détails des cas de 11 hauts responsables camerounais parmi lesquels se trouve Mendouga dont il dit être des victimes de la lutte anti-corruption de Biya. "J'ai vendu 10,000 copies de ce numéro-là en une journée," a dit Mana. Le numéro met en manchette une photo de couverture montée d'une équipe de football composée des stars, surimposée avec les faces des 11 responsables maintenant en prison.


"Le détournement peut-être la raison légale pour laquelle [ces hommes sont incarcérés], mais on a des gens se baladant librement, vaquant A leurs occupations, qui ont détourné plus d'argent que les personnes en prison," l'éditeur nous a affirmé. "Au Cameroun, nous avons deux anciens ministres des Finances en prison, un ancien ministre de la Santé en prison, et deux anciens secrétaires généraux de la présidence en prison. Donc beaucoup de gens sont en prison, et beaucoup d'entre eux étaient très proches au président," a-t-il dit, suggérant que la rivalité politique a joue un rôle important dans les arrestations.


"La prison est une voie pour l'élimination des adversaires politiques," a-t-il souligné. "Ici au Cameroun, la, façon dont les procédures judiciaires sont menées, ils peuvent vous mettre en prison sans aucune preuve, et pendant que vous êtes en prison, ils vont chercher la preuve pour le justifier. Mais il n'y a rien dans le dossier les accusant." En effet, l'un des hommes pris dans les filets anticorruption de Biya, un directeur général de banque qui a une fois été le ministre des finances du Cameroun - est décédé après 215 jours de détention à la Prison de Kondengui. Comme l'ancien ambassadeur, il n'avait jamais été accusé d'un crime quelconque.


(...) "Je suis triste pour M. Mendouga," a dit Mana. "J'ai peur, parce que plusieurs personnes sont mortes en prison. Les conditions sont très, très difficiles dans les prisons camerounaises, particulièrement à Kondengui." En effet, le Département d'Etat américain, dans son rapport sur les Droits de l’homme de 2009 sur le Cameroun, a remarqué que les "prisonniers étaient gardés dans des prisons dilapidées, de l'époque coloniale, où le nombre de détenus était quatre à cinq fois plus élevé que la capacité initiale. L'encombrement est exacerbé par le nombre élevé de détentions avant le jugement. Quelques ONG ont publié un rapport affirmant que des cellules destinées pour 30 ou 40 personnes contenaient plus de 100 détenus."


Les amis américains de Mendouga le défendent


Interrogé au sujet de Mendouga, l'ambassadeur actuel du Cameroun aux Etats Unis, Joseph Foe-Atangana, a dit qu'il n'était pas en contact avec l'homme qu'il a remplacé à Washington, "mais je sais que son conseiller financier fait l'objet d'une enquête pour un gros détournement des fonds publics. Une délégation officielle est allée là Washington pour enquêter, mais il a distrait leur attention en racontant des histoires selon lesquelles je veux détruire le président et que je suis en train de causer du tort au pays." Foe-Atangana, contacté par The Diplomat, a très peu dit au sujet de Mendouga et des accusations qui pèsent sur lui. "L'affaire est pendante et sous investigation. En droit camerounais, vous ne pouvez pas faire une déclaration quelconque jusqu’a ce que la justice produise un jugement définitif", a-t-il déclaré. "L'affaire est maintenant entre les mains de la justice."


D'autres qui ont côtoyé Mendouga pendant son séjour de 15 ans à Washington sont apparus avides de parler, et sont confus par les images contrastées de Mendouga, aimable ambassadeur d'une part et responsable véreux d'autre part. L'ambassadeur du Djibouti, Roble Olhaye, doyen du corps diplomatique de Washington, a connu Mendouga pendant plus de neuf ans, principalement à travers des réunions et réceptions des fêtes nationales africaines. Il a dit qu'il est étonné à l'emprisonnement de son ancien collègue. "Cela a été une très étrange histoire pour nous d'entendre que cet homme qui a servi son pays pendant tous ces années est derrière les barreaux maintenant", a confié Olhaye à The Diplomat. "Pourquoi est-il en prison depuis 14 mois sans aucune inculpation? Il est juste difficile de comprendre ce qu'il a fait pour mériter cela et s'il l'a fait, pourquoi l'a-t-il fait? Je ne sais vraiment pas. Nous sommes perplexes. C'est un mystère pour nous tous."


Un autre ambassadeur qui a connu Mendouga, c'est le consultant d'affaire de Washington, Frances Dee Cook, qui a servi comme ambassadeur des Etats-Unis au Cameroun dis 1989 à 1993.


"Quand j'étais au Cameroun, il était impensable qu'un ministre du gouvernement soit arrêté", nous a dit Cook. "Je suis contente que le régime soit en train d'enquêter sur la corruption parce qu'elle a été un frein énorme aux investissements étrangers et au développement économique." Mais elle pense que ce qui est arrivé à Mendouga, qu'elle a décrit comme "un homme très gracieux", n'est pas conforme à ce que doit être la justice. "Il doit manifestement être inculpé ou relâché. En tant qu'Américaine, je ne pense pas que des gens soient détenus indéfiniment sans chef d'accusation. Cela viole toutes les ?onnes de la justice que vous et moi connaissons."


Cook, qui a aussi dirigé le Bureau du Département de l'Etat pour l'Afrique occidentale et a servi comme ambassadrice des Etats Unis à Oman avant de quitter la diplomatie en 1999, a noté que si Mendouga pensait qu'il avait de sérieux problèmes avec le gouvernement, il est peu évident qu'il serait rentré au pays comme il l'a fait. "Le fait qu'il soit retourné au Cameroun signifie manifestement qu'il ne pensait pas qu'il était coupable ... sinon il ne serait pas rentré", a-t-elle dit, suggérant que "il existe plusieurs moyens" pour un ancien ambassadeur africain de rester dans ce pays de façon légale s'il le désire, en plus de demander l'asile politique.


Longtemps entraineur de tennis à Washington, Kathy Kemper, fondateur de the Institute for Education, a dit du bien de Mendouga et de son dévouement à la famille et à l'église. "Je ne le connaissais pas professionnellement, mais davantage comme un citoyen de la communauté locale", a-t-elle rappelé. "Lui-même et son épouse étaient toujours engagés dans la communauté, et nous étions de très bons amis. Il était un père très engagé, assistant aux matches de basketball et de volleyball. Il était généreux, gentil et aimable, et ses enfants l'estimaient beaucoup." Kemper a décrit Mendouga comme un "catholique dévoué", précisant que "la famille allait à l'église tout le temps. Leur religion et spiritualité étaient une grande partie de leur vie."


Mendouga a-t-il demandé l'asile aux Usa ?


Pour sa part, la famille Mendouga nie avec véhémence que l'ambassadeur ait jamais

demandé l'asile, insistant qu'il avait organisé une réception d'adieu pour ses amis diplomates à Washington le 18 août 2008, et n'a jamais voulu rester aux Etats-Unis parce qu'il n'avait rien fait de mal et n'avait aucune raison d'avoir peur de rentrer —ce qui explique exactement pourquoi il est rentré au lieu de chercher refuge aux Etats Unis, ou ailleurs dans le monde (une défection qu'il aurait facilement réussie avec les millions qu'il aurait détourné). Malheureusement, les seuls responsables à Washington qui savent sûrement si oui ou non Mendouga a demandé l'asile politique sont interdit de s'exprimer.


"Nous avons l'asile dans notre programme de protection humanitaire. A cause de cela, nous ne pouvons pas dire pour des raisons de vie privée si quelqu'un a ou non demandé l'asile", a dit Chris Ratigan, porte-parole du Bureau américain de Citizenship and Immigration Services. "Même si quelqu'un n'a pas demandé, cela mettra en péril tous les autres personnes qui ont demandé, donc nous ne pouvons discuter de cela non plus."


Le camp des sceptiques


Certains à Washington ont des doutes au sujet de l'innocence de Mendouga. "Nous sommes du même groupe ethnique. Nous parlons la même langue», a dit un ambassadeur africain à Washington qui a préalablement servi au Cameroun et est familier du dossier de l'Albatros. Le diplomate sait qu'après que Mendouga a acquis l'Albatros pour le compte de Biya, "il a accompagné l'avion à Yaoundé, mais après que le président est monté à bord pour un voyage en France, il y a eu un problème technique. Une semaine plus tard, tous les ambassadeurs [en poste à Yaoundé] étaient informés que l'avion n'était pas neuf, en effet, mais d'occasion."


Interrogé sur ce qui pouvait arriver à Mendouga, l'ambassadeur a refusé de spéculer. "Ce sont des questions internes. Je ne sais pas s'il est en prison à cause de l'avion ou pas. Beaucoup de gens sont emprisonnés au Cameroun pour la corruption, et je pense qu'ils doivent faire face au procès."


Cependant, des rumeurs vicieuses continuent à circuler à travers l'Internet relatives à la culpabilité ou à l'innocence de Mendouga. Il est difficile de démêler le vrai du faux, parce que tous les postes ne sont pas signés, et même très peu d'entre eux citent des sources sûres pour soutenir leurs affirmations stridentes. (...)


En août 2005, un article écrit par Bouddih Adams a révèle que Mendouga était accusé de détournement de 2,3 milliards de francs CFA (environ 4,6 millions de dollars au taux de change actuel). L'argent était prétendument requis pour rénover l'immeuble détérioré de l'ambassade sur Massachusetts Avenue, mais une enquête mené par un responsable du gouvernement, Joseph Fru, a découvert que "même pas un pot de peinture à chaux n'a été acheté de ces décaissements des millions d'argent du contribuable pour donner une peau neuve à l'ambassade." Ce même article accuse Mendouga d'avoir fomenté des plans similaires de "rénovation" quand il était ambassadeur aussi bien au Sénégal qu’au Zaïre (devenu République Démocratique du Congo).



The Washington Diplomat
Photo: © The Washington Diplomat


Sélectionnés par Artur L. Mbye

Une enquête de Larry Luxner, The Washington Diplomat,

Il était au Cameroun en fin mai 2010.


Retouver la version originale de cette enquete a l'adresse suivante:


==> www.washdiplomat.com/July%202010/a3_07_10.html



12/08/2010
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