Opération Epervier : Le cas Madame Kontchou Kouomegni

Cameroun - Opération Epervier : Le cas Madame Kontchou KouomegniTentative de détricotage d’une affaire au menu de la justice.

Le 29 août dernier, Michel Henri Mbazoa Atangana, juge d’instruction au tribunal de grande instance du Wouri a signé une ordonnance de rejet de la demande de mise en liberté sous caution de Françoise Puene. Inculpée de complicité de corruption, et non pour faux et usage de faux, l’épouse de l’ancien ministre de la Communication, Augustin Kontchou Kouomegni, est détenue, depuis le 23 juillet dernier, à la prison centrale de New-Bell, à Douala. Elle a été mise sous mandat de dépôt en compagnie de ses coaccusés, Paul Hiol, Tanko Amadou, Patrick Zili, Calvin Djiffo, Thierry Atangana, Eugène Yemele, etc.

«Attendu que suivant réquisitoire du 13 août 2012 à nous notifié le 22 août 2012, le procureur de la République s’est opposé au principe de cette demande comme inopportune en l’état au regard de la sauvegarde de l’ordre public, de la sécurité des personnes et des biens et de la conservation des preuves », écrit le juge d’instruction. De quoi faire pester un proche de celle qui se fait affectueusement appeler « Mamy Nyanga ». « L’article 218 du code de procédure pénale dispose que «la détention est une mesure exceptionnelle qui ne peut être ordonnée qu’en cas de délit ou de crime. Elle a pour but de préserver l’ordre public, la sécurité des personnes et des biens ou d’assurer la conservation des preuves ainsi que la représentation en justice de l’inculpé. Toutefois, un inculpé justifiant d’un domicile connu ne peut faire l’objet d’une détention provisoire qu’en cas de crime… Mamy Nyanga, accusée de complicité de corruption, c’est-à-dire d’un délit, et disposant d’un domicile bien connu au centre de Bastos à Yaoundé, est pourtant maintenue en détention, et ce malgré la clarté des textes. Pour quelles raisons la justice a-t-elle opté pour cette solution ?», s’interroge-t-il.

De sources crédibles, l’affaire dans laquelle Mme Kontchou est impliquée se noue autour du maire de Massok Songloulou, aujourd’hui en cavale. Ce dernier, dans l’optique de matérialiser le jumelage de la commune dont il préside aux destinées, à celle de la ville chinoise de Gouzhou, met sur pied avec des collaborateurs chinois une société dénommée Cameroon Long Yuan Co. Ltd, qui opère, entre autres, dans le secteur forestier. C’est sous le couvert de celle-ci qu’il fait importer en juin 2011 près d’une vingtaine d’engins lourds. Seulement, une fois ces engins débarqués au port autonome de Douala, Paul Hiol et ses partenaires n’ont pas les moyens de les dédouaner ou du moins veulent se soustraire à leurs obligations pour faire sortir ces engins. C’est alors, qu’ils se lancent dans une procédure d’exonération des droits de douanes, qui aboutira sur une autorisation temporaire spéciale (Ats) du directeur de douanes, vers septembre 2011.

L’Ats accordée à M. Hiol et ses partenaires, un autre problème se pose : les engins ont déjà largement dépassé le délai de 11 jours de franchise portuaire et les pénalités ont commencé à courir. C’est alors que l’édile de Massok se lance, cette fois-ci, dans une autre procédure visant à effacer cette ardoise des pénalités de stationnement et d’acconnage, qui se chiffrent alors à près de 66 millions Fcfa. C’est ici que rentre en scène une foule d’intermédiaires, appâtés par le gain facile, notamment Calvin Djiffo Kamga, oncle maternel de Mme Kontchou. Vers fin 2011, M. Djiffo introduit une demande d’exonération auprès du Dg du port autonome de l’époque, Dayas Mounoune, qui se révélera infructueuse. Il introduira une autre demande auprès du ministre Bello Bouba Maïgari, à l’époque ministre des Transports, qui n’aboutira non plus.

C’est après cet échec que M. Djiffo se rend à Yaoundé, courant mars 2012, et introduit une autre demande d’exonération, cette fois-ci auprès du ministre des Transports, Robert Nkili, laquelle sera cotée au secrétaire d’Etat, Mefiro Oumarou. Celui-ci traitera le dossier avec célérité et recommandera finalement une exonération à 100% des pénalités qui se chiffraient déjà à près de 420 millions Fcfa, revenant pour moitié-moitié à Transimex et au Port autonome.

Cependant, alors que Calvin Djiffo active ses réseaux, un certain Thierry Atangana (rien à voir avec Michel Thierry Atangana) rentre dans la danse. Il commence à prendre une série de « lettres de recommandations » qui se révéleront n’être que des faux par la suite. En effet, il va introduire auprès de Transimex une correspondance sensée provenir d’un certain Robert Akamba, chargé de mission à la présidence de la république demandant une exonération des pénalités d’acconnage. Cette fausse lettre ajoutée à celle du ministre Mefiro Oumarou va pousser la société Transimex à accorder 10% de réduction.

Mais Thierry Atangana n’est pas du tout satisfait. Pour les besoins de la cause, il va alors exciper une soi-disant lettre de recommandation du ministre secrétaire général à la présidence de la république, Ferdinand Ngoh Ngoh, qui va finir par convaincre les responsables de Transimex à revoir leurs exonérations à la hausse, à hauteur de 20%. Une fois de cette réduction revue à la hausse, le Pdg de Transimex décide d’écrire au Sg/Pr pour lui préciser les raisons pour lesquelles il ne peut procéder à un effacement pur et simple des pénalités de la Cameroon Long Yuan Co. Ltd, mais juste les réduire de 20%. C’est l’arrivée de cette lettre sur la table de Ferdinand Ngoh Ngoh, qui va tout déclencher, car ne se reconnaissant dans aucune instruction donnée en faveur de qui que ce soit, il va ordonner aux autorités du Port, de la Délégation générale de la sûreté nationale, de Transimex d’effectuer diverses vérifications pour établir l’authenticité des différents documents de la transaction en cause. Le pot aux roses est découvert : un vaste réseau de faux et d’usage de faux.

C’est la trouvaille d’un chèque d’Afriland first bank, du chèque de la coopérative refusé pour manque d’assurance et d’un reçu de versement de 20 millions Fcfa, lors de la perquisition qu’effectuent les enquêteurs dans les bureaux de Djiffo Kamga, à Douala, qui va amener les fin limiers à s’intéresser à Mme Kontchou. Cet intérêt sera renforcé par la trouvaille d’une lettre dans laquelle M. Djiffo dit être en partenariat avec Mamy Nyanga et dans laquelle il promet lui remettre une somme de 15 millions Fcfa si « l’opération » qu’il conduit se solde par un succès.

© Mutations : Georges Alain Boyomo


03/11/2012
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