Inscrit au barreau de Rouen, l’avocat français d’Olanguena Awono, spécialiste du droit pénal et international, a plaidé hier dans la deuxième affaire de l’ex-ministre de la Santé. Il parle des accusations contre son client et des « faux » comptes.
C’est votre troisième séjour au Cameroun dans le cadre de l’affaire Olanguena Awono. Comment devenez-vous son conseil ?
Ça fait 15 ans que je plaide les dossiers en Afrique (au Burundi, au
Rwanda, au Bénin, au Mali, en Rdc, en Mauritanie). J’ai une assez bonne
connaissance de l’Afrique. J’ai donc été saisi par les proches
d’Olanguena Awono. Et tout de suite, j’ai pris des renseignements auprès
des institutions internationales, notamment l’Onusida et la Banque
mondiale. J’ai rarement entendu des propos aussi élogieux que ceux qui
ont été tenus pour Olanguena Awono par les responsables de ces
organismes. Alors, je me suis dit, si l’Afrique met les gens d’une telle
honnêteté et d’une telle compétence en prison, elle va mourir à petit
feu. Je pense profondément que l’Afrique a besoin des gens comme ce
monsieur. D’après ce qui m’est revenu des dirigeants de ces organismes
internationaux, Olanguena Awono a mis sur pied des projets sanitaires
qu’aucun n’avait mis en oeuvre avant lui. Autant de choses qui m’ont
motivé à le défendre. Ce que je fais depuis trois ans.
Cinq ans après l’ouverture de son procès, votre client a été
condamné à 15 ans de prison par le Tcs. Que pensez-vous de cette
condamnation ?
C’est une condamnation incompréhensible puisque les charges avaient été
annulées par la Cour suprême. C’est une aberration juridique. Une
juridiction d’exception ne peut pas prendre une décision contraire
rendue par la plus haute juridiction du pays. On ne crée pas une
juridiction spéciale pour rendre une décision différente des
juridictions de droits communs. Ou encore, quand la justice commet une
erreur, on ne crée pas une autre pour la corriger. On n’a jamais vu ça.
Sauf lorsqu’il s’agit de crimes de guerre ou de génocide. Ce qu’on ne
reproche pas à Olanguena Awono.
Dans la deuxième affaire Olanguena, vous êtes
particulièrement chargé de la question du financement du livre « Le Sida
en terre d’Afrique ». Qu’en dites-vous ?
La façon dont le livre a été publié et acquis est parfaitement
régulière. Il n’y a rien eu d’exceptionnel. Si j’écris un livre sur le
code pénal et que le doyen de la faculté décide d’acheter 100
exemplaires pour les étudiants, est-ce que j’ai commis un détournement
de deniers publics ? Non. Où est la fraude, la rétention ou la détention
quand l’Etat ou une personne publique achète régulièrement des ouvrages
qui répondent à l’objet de sa mission ? Quand le Comité national de
lutte contre le Sida achète un ouvrage de bonne qualité utile pour la
prévention contre le Sida, ça rentre bien dans son objet. Maintenant, si
le ministre c’était fait payer des vacances avec sa famille dans un
hôtel parisien, à ce moment on pourrait parler d’un détournement de
deniers publics. La maison d’édition Privat a signé un contrat d’auteur
avec Olanguena avant de percevoir une somme quelconque correspondant à
l’acquisition de 300 ouvrages.
Votre client a été cité par la presse locale et des rapports qui circulent comme détenteur d’une dizaine de comptes dans des by Savings Wave">banques étrangères ? Qu’en savez-vous ?
Je dois d’abord dire qu’il n’y a jamais eu de commission
rogatoire à cet effet. Tous ces comptes cités sont faux. Soit les
banques n’existent pas, soit les adresses n’existent pas, soit ce sont
des comptes sous couvert, ce qui n’existe pas en France. Ce sont des
accusations complètement fantaisistes.
La justice camerounaise vous semble-t-elle assez indépendante pour statuer sur ce dossier ?
Il est évident que la crédibilité de la justice camerounaise se
joue à l’issue de ce procès. On va voir si les juges sont d’une grande
indépendance, ce que je souhaite très sincèrement. Je repars toutefois
inquiet.