Opération Epervier: L'opportunité des poursuites en question
YAOUNDÉ, 20 avril 2012
© ROMÉO MBADZAMA AWONO | Mutations
Le lecteur et juriste interroge le rythme et les enjeux des procédures initiées contre certaines hautes personnalités au Cameroun
© ROMÉO MBADZAMA AWONO | Mutations
Le lecteur et juriste interroge le rythme et les enjeux des procédures initiées contre certaines hautes personnalités au Cameroun
Lundi 16 avril dernier, Marafa Hamidou
Yaya et Thomas Inoni Ephraïm sont écroués à la prison centrale de
Kondengui. Le petit peuple est en émoi! En attestent déjà, les réactions
de la «vulgum pecus» au lendemain de cette double arrestation. Des
interrogations et plusieurs questionnements franchement troublants ont
fusé de toutes parts. Depuis lors, l'opinion privée et la doxa vont dans
tous les sens; fût-ce par média interposés. Ainsi donc, il ressort de
l'interpellation de ces hautes personnalités de multiples questions sans
réponses adéquates jusqu'ici. Parmi tout ce qu'il y a à savoir, se
trouve en bonne place la notion de «l'opportunité des poursuites». Mais
disons d'abord un mot sur le principe de la légalité des poursuites!
La règle de la légalité des poursuites en droit pénal camerounais.
En effet, les expressions «légalité des poursuites» et «opportunité des poursuites» s'opposent en fait et en droit. Tout ce qui est légal suppose, en traduisant simplement, une conformité à la loi, au droit écrit et plus largement au Droit positif dans son ensemble. Le mot «légalité» ne saurait donc être confondu avec celui de «légitimité». On agit dans la légalité lorsqu'on respecte les données telles qu'elles sont prévues par les dispositions des lois et règlements en vigueur. Il suffira ainsi de s'en départir pour être susceptible d'être conduit devant le juge.
La légalité des poursuites est le système selon lequel le Ministère Public est tenu d'engager des poursuites dès lors que les agissements portés à sa connaissance renferment, toutes vérifications par lui faites, tous les éléments d'une infraction. Casuistique des interpellations dans le cadre de l'«opération épervier» oblige! Cela traduit l'idée selon laquelle le Ministère Public (cf. article 127 ccp) aurait réuni les éléments, tous les éléments de preuves matérielles nécessaires pour ce qui concerne les infractions à reprocher.
Cela étant, la loi oblige en conséquence le Ministère Public, et compte tenu de ce précieux préalable, d'engager des poursuites à l'encontre de celui contre lequel l'on flaire des soupçons de culpabilité. Ou dont on est convaincu de la culpabilité.
Pour aller plus loin, la légalité des poursuites implique un ensemble d'actes accomplis conformément à la loi par le Ministère Public, certaines administrations ou même la victime d'une infraction. Ceci dans le but de saisir les juridictions répressives compétentes et d'aboutir à la condamnation des coupables. D'où en réalité les arrestations de ces temps derniers. Ce n'est donc pas un fait du hasard qu'ils aient été interpellés! Et ceci n'est plus rien d'autre qu'un propos de piètre juriste à la lecture duquel toute accointance politique est totalement exclue. Il serait par ici loisible d'affirmer avec la certitude utile à la cause que la légalité des poursuites précède l'opportunité des poursuites.
L'opportunité des poursuites : le Ministère Public est maître du temps!
Pour ce qui concerne l'opportunité des poursuites, trame centrale de notre propos, la question à traiter devient sensible. Le nerf de ce mot fait quand même jaillir que «opportunité» renvoie à l' «occasion favorable». Bien avant cela par ailleurs, l'adjectif «opportun» nous renseigne valablement sur le fait que le mot signifie et veut dire ce «...qui convient au temps, au lieu, aux circonstances...». Et ce «...qui arrive à propos». Voilà donc ainsi libellé le sens littéral du nom et de l'adjectif. Techniquement, judiciairement et juridiquement s'entend, le Ministère Public ne recevrait pas de pression exogène et externe. En principe! Il dispose de son temps, de tout son temps. Il en est le juge de l'usage; pour faire savoir à quel moment l'inculpé peut et doit être tenu en laisse de la répression. Il est juge de l'opportunité, selon ses humeurs du moment et de l'instant; il attend l'occasion favorable pour refermer son piège à cons. Comme le planteur averti, il attend la bonne saison pour mettre son grain en terre. C'est le temps qui lui conviendra pour ses cultures ; il usera alors de son pouvoir et de ses capacités de travail en fonction de son lieu de culture, des circonstances saisonnières et du temps qu'il fera. Comme le faucon et le rapace, le Ministère Public attend le moment propice pour bondir sur sa proie. Le temps, il l'utilise à sa guise et au gré de ses convenances dont il n'a aucune justification à produire.
Il est permis par ailleurs d'affirmer, en dehors de toute fioriture contextuelle, que la règle de l'opportunité des poursuites convoque l'idée selon laquelle le Ministère Public, en vertu du pouvoir d'appréciation qui lui est reconnu, est autorisé à ne pas déclencher des poursuites alors même qu'il possède l'assurance qu'une infraction, présentant tous les éléments constitutifs prévus par l'incrimination, a bien été commise. Davantage même, l'opportunité des poursuites est la liberté reconnue aux magistrats du Ministère Public de ne pas déclencher de poursuites pour un fait offrant pourtant toutes les caractéristiques d'une infraction. De manière assez laconique, on pourrait ici résumer notre propos en affirmant que l'opportunité des poursuites est l'un des éléments constitutifs du pouvoir discrétionnaire du Ministère Public.
Autrement dit, c'est le principe selon lequel le Ministère Public dispose du pouvoir de déclencher ou de ne pas déclencher l'action publique, bien qu'il ait la certitude qu'une infraction ait été commise. Et le Ministère Public, du haut de son magistral piédestal, n'est pas tenu de s'expliquer pour autant. Tenant en cela et ainsi en haleine celui sur qui pèsent des soupçons ou même des certitudes d'infraction.
Avec une telle épée de Damoclès pendue sur la tête, l'on peut aisément s'imaginer que ce mode opératoire de la justice ne soit pas une situation positive et facile à vivre pour les éventuels prévenus. Surtout si des signes annonciateurs jouxtent leurs quotidiens. Et l'on comprend assez utilement aussi les raisons plausibles pour lesquelles M. Yves Michel Fotso a dû craquer avec toute cette pression. Sa correspondance du 22 novembre 2010 au vice-premier ministre chargé de la justice, garde des sceaux, avec ampliation à certains journaux de la place, ne s'expliquerait que difficilement avec un autre argumentaire.
Le déficit communicationnel à propos des questions judiciaires n'est pas à blâmer pour autant. Contrairement à l'idée répandue. Parce qu'il s'agit de garder à bon droit le secret de l'instruction. Et on a le droit d'être traîné en justice en paix. Mais des intrusions approximatives, au goût de certains, comme celles-ci sont parfois utiles pour faciliter la compréhension du plus grand nombre. Sinon que ça aille dans tous les sens devient redoutable. Et comme le disait fort opportunément le Professeur Alain Didier Olinga, on risque de tomber dans un environnement de confusion, d'illusion de la démocratisation de l'expertise. Où «... n'importe qui peut opiner (...) sur n'importe quel sujet (...), où par exemple l'expertise des questions constitutionnelles peut être également reconnue au professeur de droit public et à la bayamsellam du marché de fruits...». Il serait alors vraiment naïf d'y voir l'émergence d'une dynamique de polyvalence.
La règle de la légalité des poursuites en droit pénal camerounais.
En effet, les expressions «légalité des poursuites» et «opportunité des poursuites» s'opposent en fait et en droit. Tout ce qui est légal suppose, en traduisant simplement, une conformité à la loi, au droit écrit et plus largement au Droit positif dans son ensemble. Le mot «légalité» ne saurait donc être confondu avec celui de «légitimité». On agit dans la légalité lorsqu'on respecte les données telles qu'elles sont prévues par les dispositions des lois et règlements en vigueur. Il suffira ainsi de s'en départir pour être susceptible d'être conduit devant le juge.
La légalité des poursuites est le système selon lequel le Ministère Public est tenu d'engager des poursuites dès lors que les agissements portés à sa connaissance renferment, toutes vérifications par lui faites, tous les éléments d'une infraction. Casuistique des interpellations dans le cadre de l'«opération épervier» oblige! Cela traduit l'idée selon laquelle le Ministère Public (cf. article 127 ccp) aurait réuni les éléments, tous les éléments de preuves matérielles nécessaires pour ce qui concerne les infractions à reprocher.
Cela étant, la loi oblige en conséquence le Ministère Public, et compte tenu de ce précieux préalable, d'engager des poursuites à l'encontre de celui contre lequel l'on flaire des soupçons de culpabilité. Ou dont on est convaincu de la culpabilité.
Pour aller plus loin, la légalité des poursuites implique un ensemble d'actes accomplis conformément à la loi par le Ministère Public, certaines administrations ou même la victime d'une infraction. Ceci dans le but de saisir les juridictions répressives compétentes et d'aboutir à la condamnation des coupables. D'où en réalité les arrestations de ces temps derniers. Ce n'est donc pas un fait du hasard qu'ils aient été interpellés! Et ceci n'est plus rien d'autre qu'un propos de piètre juriste à la lecture duquel toute accointance politique est totalement exclue. Il serait par ici loisible d'affirmer avec la certitude utile à la cause que la légalité des poursuites précède l'opportunité des poursuites.
L'opportunité des poursuites : le Ministère Public est maître du temps!
Pour ce qui concerne l'opportunité des poursuites, trame centrale de notre propos, la question à traiter devient sensible. Le nerf de ce mot fait quand même jaillir que «opportunité» renvoie à l' «occasion favorable». Bien avant cela par ailleurs, l'adjectif «opportun» nous renseigne valablement sur le fait que le mot signifie et veut dire ce «...qui convient au temps, au lieu, aux circonstances...». Et ce «...qui arrive à propos». Voilà donc ainsi libellé le sens littéral du nom et de l'adjectif. Techniquement, judiciairement et juridiquement s'entend, le Ministère Public ne recevrait pas de pression exogène et externe. En principe! Il dispose de son temps, de tout son temps. Il en est le juge de l'usage; pour faire savoir à quel moment l'inculpé peut et doit être tenu en laisse de la répression. Il est juge de l'opportunité, selon ses humeurs du moment et de l'instant; il attend l'occasion favorable pour refermer son piège à cons. Comme le planteur averti, il attend la bonne saison pour mettre son grain en terre. C'est le temps qui lui conviendra pour ses cultures ; il usera alors de son pouvoir et de ses capacités de travail en fonction de son lieu de culture, des circonstances saisonnières et du temps qu'il fera. Comme le faucon et le rapace, le Ministère Public attend le moment propice pour bondir sur sa proie. Le temps, il l'utilise à sa guise et au gré de ses convenances dont il n'a aucune justification à produire.
Il est permis par ailleurs d'affirmer, en dehors de toute fioriture contextuelle, que la règle de l'opportunité des poursuites convoque l'idée selon laquelle le Ministère Public, en vertu du pouvoir d'appréciation qui lui est reconnu, est autorisé à ne pas déclencher des poursuites alors même qu'il possède l'assurance qu'une infraction, présentant tous les éléments constitutifs prévus par l'incrimination, a bien été commise. Davantage même, l'opportunité des poursuites est la liberté reconnue aux magistrats du Ministère Public de ne pas déclencher de poursuites pour un fait offrant pourtant toutes les caractéristiques d'une infraction. De manière assez laconique, on pourrait ici résumer notre propos en affirmant que l'opportunité des poursuites est l'un des éléments constitutifs du pouvoir discrétionnaire du Ministère Public.
Autrement dit, c'est le principe selon lequel le Ministère Public dispose du pouvoir de déclencher ou de ne pas déclencher l'action publique, bien qu'il ait la certitude qu'une infraction ait été commise. Et le Ministère Public, du haut de son magistral piédestal, n'est pas tenu de s'expliquer pour autant. Tenant en cela et ainsi en haleine celui sur qui pèsent des soupçons ou même des certitudes d'infraction.
Avec une telle épée de Damoclès pendue sur la tête, l'on peut aisément s'imaginer que ce mode opératoire de la justice ne soit pas une situation positive et facile à vivre pour les éventuels prévenus. Surtout si des signes annonciateurs jouxtent leurs quotidiens. Et l'on comprend assez utilement aussi les raisons plausibles pour lesquelles M. Yves Michel Fotso a dû craquer avec toute cette pression. Sa correspondance du 22 novembre 2010 au vice-premier ministre chargé de la justice, garde des sceaux, avec ampliation à certains journaux de la place, ne s'expliquerait que difficilement avec un autre argumentaire.
Le déficit communicationnel à propos des questions judiciaires n'est pas à blâmer pour autant. Contrairement à l'idée répandue. Parce qu'il s'agit de garder à bon droit le secret de l'instruction. Et on a le droit d'être traîné en justice en paix. Mais des intrusions approximatives, au goût de certains, comme celles-ci sont parfois utiles pour faciliter la compréhension du plus grand nombre. Sinon que ça aille dans tous les sens devient redoutable. Et comme le disait fort opportunément le Professeur Alain Didier Olinga, on risque de tomber dans un environnement de confusion, d'illusion de la démocratisation de l'expertise. Où «... n'importe qui peut opiner (...) sur n'importe quel sujet (...), où par exemple l'expertise des questions constitutionnelles peut être également reconnue au professeur de droit public et à la bayamsellam du marché de fruits...». Il serait alors vraiment naïf d'y voir l'émergence d'une dynamique de polyvalence.