Opération épervier: Jeune Afrique "lave" Paul Biya

YAOUNDE - 11 MAI 2010
© Jean Francis Belibi | Mutations
L'hebdomadaire panafricain basé à Paris accuse les puissances occidentales d'hypocrisie.
 

C'est le résultat d'une enquête menée à Yaoundé à la suite des auditions de l'ancien ministre délégué à la présidence chargé de la Défense, Rémy Ze Meka à la Direction générale à la recherche extérieure (Dgre) il y a quelques semaines. Rien de nouveau à apprendre sur ce sujet au regard des informations fournies par l'hebdomadaire parisien. Aucune révélation donc par rapport à ce qui a été publié dans les médias locaux, à la suite de cette interpellation, qui intervenait au plus fort de l'affaire du journaliste mort en détention à la prison centrale de Yaoundé. "La dernière proie de l'épervier" est le titre du texte principal signé de Georges Dougueli, "envoyé spécial à Yaoundé".

Qui indique notamment que l'opération épervier a été déclenchée au Cameroun en 2006, bien que dans le répertoire de photos qui illustrent l'article, l'on retrouve des personnages comme Pierre Désiré Engo et Mounchipou Seidou, arrêtés tous les deux en 1999.

Pour le journal de Béchir Ben Yahmed, l'opération qui a déjà entraîné derrière les barreaux 77 personnes, a coûté aux contribuables camerounais, la rondelette somme de 215 milliards de Fcfa, détournés par des anciens collaborateurs du président Biya. Et l'envoyé spécial de Ja de revenir sur les raisons de l'audition de celui qu'il qualifie de "sécurocrate susceptible".

On apprend ainsi que "filtrant de l'enquête, des indiscrétions parlent d'un soupçon de détournement lors d'une commande de deux hélicoptères de combat de fabrication française, des Gazelles d'occasion, destinés à la lutte contre les pirates dans la zone de Bakassi". Et notre confrère d'affirmer, "on ne retrouve nulle trace aujourd'hui de ces commandes, alors que le contrat a été remis en question et annulé par son successeur et ennemi au ministère de la Défense, Alain Edgar Mebe Ngo'o. L'argent ne serait jamais parvenu au fournisseur, selon une enquête menée par un ministre chargé de mission à la présidence de la République".


Sécurocrate

Non sans ajouter que "quoi qu'il en soit, l'achat aurait abouti que, le scandale n'en aurait pas été moins retentissant". Car, selon une source, "les Gazelles ne tenaient plus que par la peinture". Le rédacteur fait ensuite un portrait de Rémy Ze Meka, "physique de boxeur et caractère bien trempé, l'ancien ministre de la Défense s'est toujours soucié comme une guigne de sa popularité". Un homme qui "voulait se construire une image de haut fonctionnaire rigoureux et consciencieux". Mais qui pour le journal, n'a réussi qu'à "apparaître comme un sécurocrate susceptible, brutal et détesté même par ses collègues du gouvernement". Le haut fonctionnaire "prompt à prêcher l'ordre et la justice", est néanmoins "cité dans plusieurs affaires". Au rang de celles-ci, "l'achat pour 800 millions de Fcfa, d'un immeuble de 12 étages à Douala, appartenant aux Assurances mutuelles agricoles du Cameroun (Amacam), en liquidation, par une société immobilière qu'il contrôle".

Le directeur de la rédaction François Soudan, qui signe le second volet de l'enquête sous le titre, "Biya lave plus blanc", indique que "l'origine de ce feuilleton (opération épervier ndlr) qui tient en haleine le pays, est extérieure, plus exactement américaine. Puisque c'est l'ambassadeur des Etats-Unis à Yaoundé, Niels Marquardt, qui fin 2005 tire le premier la sonnette d'alarme".

Le diplomate américain, "se fondant à la fois sur les classements, calamiteux pour le Cameroun, de l'Ong Transparency International et sur les enquêtes du Fbi à propos des réseaux de blanchiment d'argent, somme les autorités d'agir. Le Fmi et la Banque mondiale prennent aussitôt le relais. Essentiellement anglo-saxonne, l'ex-puissance coloniale française demeurant prudemment en retrait, cette pression directement exercée sur Paul Biya lui-même prend en outre des allures d'impératif moral." François Soudan pour qui la lutte contre la corruption comporte une "forte dose d'hypocrisie" de la part des puissances occidentales, voit néanmoins émerger un Paul Biya qui saura tirer son épingle du jeu.

"Tout le talent de ce maître du temps va alors consister en une réappropriation, une "camerounisation" de ce qui s'annonce comme une épuration sans précédent". Une opération qui a pour "bras armé", un certain "Amadou Ali, grand baron de l'Extrême Nord réputé pour sa probité". Pour notre confrère, "l'épervier plane désormais au dessus des têtes de chaque responsable de l'Etat, dans le cadre d'une opération qui se lit comme la chronique d'une déchéance annoncée des grands féaux du régime. Le biyaïsme dévore ses enfants. La machine à dialyser le Cameroun d'en haut serait-elle devenue folle?", s'interroge-t-il.
François Soudan fait en suite remarquer que "Paul Biya qui a fait modifier la constitution par voie parlementaire il y a deux ans afin de se représenter à la présidentielle de 2011, a en outre, très vite compris le bon usage d'une contrainte imposée, mais qu'il aura tout fait pour ne pas subir". Non sans indiquer que "contrairement à ce qu'affirment les cyniques, le sacrifice de certains de ses proches et autres brebis égarées ne lui apporte pas de gain politique majeur. Mais à un an ou presque de l'élection, ce combat contre ceux qui ont trahi sa confiance lui donne une raison de rester au pouvoir."



12/05/2010
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