Rien, dans la gestion des personnels gouvernants n’est entièrement dû au hasard, dans le jeu de chaises musicales auquel s’adonne Paul Barthélémy Biya Bi Mvondo. Il suffit, pour s’en convaincre, de se limiter au cas de Laurent Esso.Chantre parmi les plus convaincus de l’importance à accorder au remboursement des sommes (présumées) détournées par les «clients» de l’opération épervier, l’actuel ministre d’Etat, ministre de la Justice, Garde des Sceaux, n’a pas hérité de ce portefeuille par hasard, suite au remaniement ministériel du 9 décembre 2011.
Magistrat, l’ancien Secrétaire général de la présidence de la République, est apparu comme l’un des partisans les plus inconditionnels de la création du Tribunal criminel spécial (TCS). A l’époque où le texte créant et organisant cette juridiction était encore en élaboration, Laurent Esso avait piloté le processus. Il dut se heurter à la résistance d’Amadou Ali, alors Vice-premier ministre, ministre de la Justice, Garde des Sceaux, plutôt porté vers des options punitives à l’endroit des auteurs des détournements des fonds publics. De débats en conciliabules dans les couloirs du gouvernement, l’actuel Vice PM, en charge des Relations avec les Assemblées, dut faire, contre mauvaise fortune bon cœur.
Et c’est en toute logique que le président de la République - dont on dit qu’il conserva de justesse Amadou Ali sur l’échiquier gouvernemental, faisant apparemment suite à une «intervention» de Cavaye Yegue Djibril - confia donc le ministère de la Justice à Laurent Esso : à la fois informé des dossiers de l’opération épervier – du fait de sa position de Secrétaire général à la présidence pendant des années - et outillé pour comprendre les subtilités du TCS. Question : jusqu’où va-t-il aller ? S’il ne l’anime pas lui-même, il n’est pas peu fier d’une campagne de communication menée tambour battant autour des performances du TCS, notamment en matière de remboursements effectués contre «l’arrêt des poursuites» : quelques 2 milliards Fcfa déjà ! Et ses «amis» lui prêtent l’ambition de renflouer les caisses de l’Etat à hauteur d’une dizaine de milliards à l’horizon décembre 2013.
Des avis plus modestes situent l’espoir de recouvrement à la moitié de cette prévision enthousiaste. Tout bien pesé, insistent les voix les moins excessives, le plus important est ce qui sera mis au crédit du Tribunal criminel spécial, dont ils espèrent qu’il viendra rassurer une certaine opinion sur les résultats concrets de cette «opération épervier». Quelques inconnues demeurent cependant : comment Laurent Esso échappera-t-il à la logique de «deux poids, deux mesures», si, à la suite de ce que les techniciens du Droit appellent déjà «jurisprudence Yves Michel Fotso», le ministre d’Etat devait ne pas accéder à d’autres requêtes en «arrêt des poursuites» ? En un sens, cette interrogation à elle seule, pourrait, soit ruiner, soit conforter la thèse d’une opération d’épuration politique, défendue autour des cas d’Urbain Olanguena Awono, Thomas Ephraim Inoni, Jean-Marie Atangana Mebara…