Opération Epervier: Enquêtes sur les abandons de charges
YAOUNDE - 28 Novembre 2011
© Evariste Menounga | Mutations
Les procès contre Atangana Mebara, Urbain Olanguena,Titus Edzoa et Abah Abah font l’objet d’un effritement du volume des détournements ; Par ailleurs, certains accusés bénéficient d’ordonnances de non lieu pendant que les autres voient leurs chefs d’inculpation réduits à la portion congrue. L’analyse de Me Simon Eteme Eteme.
Au tribunal: Bol d’air pour Abah Abah, Olanguena, Mebara et Edzoa
S’achemine-t-on vers l’abandon total des charges retenues contre ces prisonniers de luxe?
A la lumière des récentes décisions de la cour d’appel du Centre qui annule les poursuites sur certains chefs d’inculpation mettant en cause les trois figures emblématiques de la campagne de lutte contre les actes de prédation contre la fortune publique, l’on est en droit de se demander si l’on ne s’achemine pas, indubitablement, vers un abandon total des charges retenues contre, d’une part, Jean Marie Atangana Mebara, Polycarpe Abah Abah, Urbain Olanguena , Titus Edzoa et Michel Thierry Atangana, d’autre part. Et ce, au moment où Paul Biya entame ce qui devrait être son dernier septennat et que, ce faisant, des voix dont celles des accusés eux-mêmes, se font de plus en plus criardes pour réclamer justice et stigmatiser le climat mensonger qui a présidé au lancement de l’opération. Nonobstant l’acharnement avec lequel les dossiers ont été ficelés.
Sous le prisme de ces présupposés le présent dossier a pour vocation de revenir sur les dernières sentences prononcées par la Cour d’appel du Centre siégeant dans sa Chambre de contrôle de l’instruction et en Chambre de Conseil. Deux de ces décisions infirment deux jugements Avant dire droit rendus par le Tgi du Mfoundi dans deux dossiers distincts et sensibles D’autres Arrêts de la Cour d’appel du Centre allant dans le même sens avaient déjà sanctionné la mauvaise application des dispositions du Code de procédure pénale par le juge d’instruction dans l’affaire impliquant l’ex-Sgpr. La même cour d’appel prendra de cours Edzoa Titus et Atangana Thierry lorsqu’elle reconduit les chefs d’accusation abandonnés par le juge d’instruction et engage les poursuites contre les deux accusés. Autant d’abandons de charges qui, logiquement, inclinent à présenter, dans le présent dossier, les ressorts judiciaires d’un abandon total des poursuites et une libération programmée des mis en cause.
Au terme de 41 mois sans jugement pour Jean Marie Atangana Mebara, 45 mois pour Polycarpe Abah et Urbain Olanguena et plus de 168 mois de bagne pour Titus Edzoa et Thierry Atangana, s’achemine-t-on, indubitablement vers un abandon total des charges contre les quatre accusés emblématiques de l’opération épervier? L’on est en droit de se poser cette question au vue des récents verdicts rendus par la Cour d’appel du Centre saisie des demandes d’annulation de deux jugements avant dire droit(ADD) rendus par le Tgi du Mfoundi. A la suite de deux Arrêts de principe rendus en l’espace de quelques semaines sur deux dossiers distincts, la cour d’appel du Centre venait de sanctionner les égarements des juges du Tgi du Mfoundi.
La première sentence tombe le 13 octobre 2011 dans l’Affaire Olanguena. Par cet Arrêt, la cour d’appel du Centre infirme le jugement avant dire droit rendu le 6 juillet 2011 devant le Tgi du Mfoundi par la collégialité de la présidente Nomo Zanga et annule les poursuites sur trois chefs d’accusation. Dans ses motivations, la Cour affirme avec véhémence que le juge d’instruction a délibérément violé les droits de la défense en interrogeant l’accusé sur des faits n’ayant pas fait l’objet d’une inculpation préalable. Au bout du compte, après moult abandons de charges, Olanguena ne doit plus répondre que du détournement de la somme de 91 millions (sur les 15 milliards Fcfa initiaux), relativement à la coaction de détournement de 80 millions Fcfa avec l’accusé Soué Yves Mbella en fuite et de 11 millions Fcfa sur le financement de son ouvrage Sida en Terre d’Afrique.
Le deuxième coup de tonnerre interviendra lorsque le 8 novembre dernier, la cour d’appel du Centre infirme un autre jugement avant dire droit rendu le 02 juillet 2010 par la collégialité du président Schlick. Par cet Arrêt, la Cour d’appel annule les poursuites sur quatre chefs d’accusation retenus contre l’accusé Abah Abah. Faisant sienne la jurisprudence de l’affaire Olanguena, la Collégialité du président Awong fait valoir la violation des droits de la défense dont s’est rendu coupable le juge d’instruction. Pour infirmer le jugement ADD du Tgi du Mfoundi et renvoyer le dossier devant la même collégialité pour des débats au fond, la Cour affirme que l’accusé n’a pas été mis dans les conditions idoines lui permettant d’assurer sa défense. Les faits mis à sa charge n’ayant pas fait l’objet d’une inculpation complémentaire de la part du procureur de la République.
Autre articulation du dossier, l’affaire Atangana Mebara dans laquelle la défense marque des points significatifs. Avec en point d’orgue, le témoignage à décharge des témoins de l’accusation. C’est deux de ces témoins du ministère public qui viennent de blanchir l’ex-Sgpr du chef de détournement de la somme de 1,5 milliard Fcfa. Le liquidateur de la Camair et l’ex-Minfi ont affirmé au cours de leurs dépositions des 20 octobre pour le premier et 10 novembre 2011 pour le second, que l’ex-Sgpr n’avait pas détourné la somme querellée.
Témoins
Des témoignages qui corroborent une confidence faite par Michel Fotso, l’autre mis en cause du dossier Albatros, à Me Alice Nkom l’un de ses avocats. L’ex-Adg de la Camair, rapporte Me Nkom, avait confié en privé que Atangana Mebara et Otele Essomba ne connaissaient rien de l’Affaire de l’avion présidentiel et qu’ils n’avaient pas à en répondre. Des révélations et bien d’autres qui s’inscrivent dans le sillage de l’abandon de certains chefs d’accusations contenus dans l’ordonnance de renvoi et dont avait été saisie la Chambre de contrôle de l’instruction de la Cour d’appel du Centre.
Last but not least, le dossier abordera le cas Edzoa Titus et Thierry Atangana pour se demander si l’on ne s’achemine pas, là aussi, vers un non lieu dans une procédure qui donne à penser que la collégialité de la présidente Nomo Zanga donne l’impression de s’en lasser, après 14 années de bagne de l’ex-Sgpr. Le ministère public et la partie civile qui peinent à asseoir leurs accusations, sont mis à mal par la défense et constamment rappelés à l’ordre par un collège de juges qui entend manifestement boucler une procédure qui n’a que trop trainé.
L’accusation semble aujourd’hui payer l’acharnement du ministère public qui avait cru devoir, sans conviction, reconduire les charges abandonnées en faisant appel de l’Ordonnance de non lieu partiel et de renvoie rendue le 23 octobre 2008 par le juge d’instruction Pascal Magnaguemabe. L’examen de l’ordonnance débouchera sur un Arrêt de renvoi qui, effectivement, reconduira tous les chefs d’accusation annulés par le magistrat instructeur. Rien d’étonnant alors que devant la barre du Tgi du Mfoundi, le procureur de la République soit ridicule devant les rappels à l’ordre du tribunal qui répète à souhait et à l’endroit de l’accusation qu’il vaut mieux ne pas prendre la parole lorsqu’on est à cours d’arguments. Des faits, des arguments, des sentences, des postures et autres attitudes que tente de décrypter le présent dossier et qui inclinent à penser qu’une nouvelle donne est en train de prendre corps dans la manière dont notre justice conduit les procédures dans le cadre de l’opération épervier.
Si l’on a observé de nombreux abus et autres irrégularités à l’entame, c’est-à-dire au moment des interpellations et si l’on a relevé un certain zèle des magistrats instructeurs dans la conduite de l’information judiciaire, force est de constater qu’une nouvelle ère s’ouvre pour les éperviables en général et particulièrement pour les quatre figures de proue évoquées plus haut. De là à conclure au printemps judiciaire pour les mis en cause qui déboucherait sur un abandon total des charges retenus contre eux, il n’ya qu’un pas que semblent d’ailleurs franchir allègrement les conseils des accusés qui croient tenir le bout, fort des victoires obtenus devant la Cour d’appel du Centre. Certains en voulant d’ailleurs pour preuve la fébrilité qu’affiche la Chancellerie qui a instruit deux pourvois en cassation depuis l’annonce des différents abandons de charges et les dépositions à décharge des témoins de l’accusation. Le dernier mot revenant, naturellement, à l’initiateur d’une opération aujourd’hui déviée de sa trajectoire et dévoyée de son objectif originel par des thuriféraires en mal de positionnement dans la lutte féroce qui s’est depuis lors engagée pour la course à la succession de Paul Biya. Aujourd’hui au crépuscule d’un règne controversé qu’il aurait intérêt à parachever par une sortie honorable de la scène politique par la grande porte.
© Evariste Menounga | Mutations
Les procès contre Atangana Mebara, Urbain Olanguena,Titus Edzoa et Abah Abah font l’objet d’un effritement du volume des détournements ; Par ailleurs, certains accusés bénéficient d’ordonnances de non lieu pendant que les autres voient leurs chefs d’inculpation réduits à la portion congrue. L’analyse de Me Simon Eteme Eteme.
Au tribunal: Bol d’air pour Abah Abah, Olanguena, Mebara et Edzoa
S’achemine-t-on vers l’abandon total des charges retenues contre ces prisonniers de luxe?
A la lumière des récentes décisions de la cour d’appel du Centre qui annule les poursuites sur certains chefs d’inculpation mettant en cause les trois figures emblématiques de la campagne de lutte contre les actes de prédation contre la fortune publique, l’on est en droit de se demander si l’on ne s’achemine pas, indubitablement, vers un abandon total des charges retenues contre, d’une part, Jean Marie Atangana Mebara, Polycarpe Abah Abah, Urbain Olanguena , Titus Edzoa et Michel Thierry Atangana, d’autre part. Et ce, au moment où Paul Biya entame ce qui devrait être son dernier septennat et que, ce faisant, des voix dont celles des accusés eux-mêmes, se font de plus en plus criardes pour réclamer justice et stigmatiser le climat mensonger qui a présidé au lancement de l’opération. Nonobstant l’acharnement avec lequel les dossiers ont été ficelés.
Sous le prisme de ces présupposés le présent dossier a pour vocation de revenir sur les dernières sentences prononcées par la Cour d’appel du Centre siégeant dans sa Chambre de contrôle de l’instruction et en Chambre de Conseil. Deux de ces décisions infirment deux jugements Avant dire droit rendus par le Tgi du Mfoundi dans deux dossiers distincts et sensibles D’autres Arrêts de la Cour d’appel du Centre allant dans le même sens avaient déjà sanctionné la mauvaise application des dispositions du Code de procédure pénale par le juge d’instruction dans l’affaire impliquant l’ex-Sgpr. La même cour d’appel prendra de cours Edzoa Titus et Atangana Thierry lorsqu’elle reconduit les chefs d’accusation abandonnés par le juge d’instruction et engage les poursuites contre les deux accusés. Autant d’abandons de charges qui, logiquement, inclinent à présenter, dans le présent dossier, les ressorts judiciaires d’un abandon total des poursuites et une libération programmée des mis en cause.
Au terme de 41 mois sans jugement pour Jean Marie Atangana Mebara, 45 mois pour Polycarpe Abah et Urbain Olanguena et plus de 168 mois de bagne pour Titus Edzoa et Thierry Atangana, s’achemine-t-on, indubitablement vers un abandon total des charges contre les quatre accusés emblématiques de l’opération épervier? L’on est en droit de se poser cette question au vue des récents verdicts rendus par la Cour d’appel du Centre saisie des demandes d’annulation de deux jugements avant dire droit(ADD) rendus par le Tgi du Mfoundi. A la suite de deux Arrêts de principe rendus en l’espace de quelques semaines sur deux dossiers distincts, la cour d’appel du Centre venait de sanctionner les égarements des juges du Tgi du Mfoundi.
La première sentence tombe le 13 octobre 2011 dans l’Affaire Olanguena. Par cet Arrêt, la cour d’appel du Centre infirme le jugement avant dire droit rendu le 6 juillet 2011 devant le Tgi du Mfoundi par la collégialité de la présidente Nomo Zanga et annule les poursuites sur trois chefs d’accusation. Dans ses motivations, la Cour affirme avec véhémence que le juge d’instruction a délibérément violé les droits de la défense en interrogeant l’accusé sur des faits n’ayant pas fait l’objet d’une inculpation préalable. Au bout du compte, après moult abandons de charges, Olanguena ne doit plus répondre que du détournement de la somme de 91 millions (sur les 15 milliards Fcfa initiaux), relativement à la coaction de détournement de 80 millions Fcfa avec l’accusé Soué Yves Mbella en fuite et de 11 millions Fcfa sur le financement de son ouvrage Sida en Terre d’Afrique.
Le deuxième coup de tonnerre interviendra lorsque le 8 novembre dernier, la cour d’appel du Centre infirme un autre jugement avant dire droit rendu le 02 juillet 2010 par la collégialité du président Schlick. Par cet Arrêt, la Cour d’appel annule les poursuites sur quatre chefs d’accusation retenus contre l’accusé Abah Abah. Faisant sienne la jurisprudence de l’affaire Olanguena, la Collégialité du président Awong fait valoir la violation des droits de la défense dont s’est rendu coupable le juge d’instruction. Pour infirmer le jugement ADD du Tgi du Mfoundi et renvoyer le dossier devant la même collégialité pour des débats au fond, la Cour affirme que l’accusé n’a pas été mis dans les conditions idoines lui permettant d’assurer sa défense. Les faits mis à sa charge n’ayant pas fait l’objet d’une inculpation complémentaire de la part du procureur de la République.
Autre articulation du dossier, l’affaire Atangana Mebara dans laquelle la défense marque des points significatifs. Avec en point d’orgue, le témoignage à décharge des témoins de l’accusation. C’est deux de ces témoins du ministère public qui viennent de blanchir l’ex-Sgpr du chef de détournement de la somme de 1,5 milliard Fcfa. Le liquidateur de la Camair et l’ex-Minfi ont affirmé au cours de leurs dépositions des 20 octobre pour le premier et 10 novembre 2011 pour le second, que l’ex-Sgpr n’avait pas détourné la somme querellée.
Témoins
Des témoignages qui corroborent une confidence faite par Michel Fotso, l’autre mis en cause du dossier Albatros, à Me Alice Nkom l’un de ses avocats. L’ex-Adg de la Camair, rapporte Me Nkom, avait confié en privé que Atangana Mebara et Otele Essomba ne connaissaient rien de l’Affaire de l’avion présidentiel et qu’ils n’avaient pas à en répondre. Des révélations et bien d’autres qui s’inscrivent dans le sillage de l’abandon de certains chefs d’accusations contenus dans l’ordonnance de renvoi et dont avait été saisie la Chambre de contrôle de l’instruction de la Cour d’appel du Centre.
Last but not least, le dossier abordera le cas Edzoa Titus et Thierry Atangana pour se demander si l’on ne s’achemine pas, là aussi, vers un non lieu dans une procédure qui donne à penser que la collégialité de la présidente Nomo Zanga donne l’impression de s’en lasser, après 14 années de bagne de l’ex-Sgpr. Le ministère public et la partie civile qui peinent à asseoir leurs accusations, sont mis à mal par la défense et constamment rappelés à l’ordre par un collège de juges qui entend manifestement boucler une procédure qui n’a que trop trainé.
L’accusation semble aujourd’hui payer l’acharnement du ministère public qui avait cru devoir, sans conviction, reconduire les charges abandonnées en faisant appel de l’Ordonnance de non lieu partiel et de renvoie rendue le 23 octobre 2008 par le juge d’instruction Pascal Magnaguemabe. L’examen de l’ordonnance débouchera sur un Arrêt de renvoi qui, effectivement, reconduira tous les chefs d’accusation annulés par le magistrat instructeur. Rien d’étonnant alors que devant la barre du Tgi du Mfoundi, le procureur de la République soit ridicule devant les rappels à l’ordre du tribunal qui répète à souhait et à l’endroit de l’accusation qu’il vaut mieux ne pas prendre la parole lorsqu’on est à cours d’arguments. Des faits, des arguments, des sentences, des postures et autres attitudes que tente de décrypter le présent dossier et qui inclinent à penser qu’une nouvelle donne est en train de prendre corps dans la manière dont notre justice conduit les procédures dans le cadre de l’opération épervier.
Si l’on a observé de nombreux abus et autres irrégularités à l’entame, c’est-à-dire au moment des interpellations et si l’on a relevé un certain zèle des magistrats instructeurs dans la conduite de l’information judiciaire, force est de constater qu’une nouvelle ère s’ouvre pour les éperviables en général et particulièrement pour les quatre figures de proue évoquées plus haut. De là à conclure au printemps judiciaire pour les mis en cause qui déboucherait sur un abandon total des charges retenus contre eux, il n’ya qu’un pas que semblent d’ailleurs franchir allègrement les conseils des accusés qui croient tenir le bout, fort des victoires obtenus devant la Cour d’appel du Centre. Certains en voulant d’ailleurs pour preuve la fébrilité qu’affiche la Chancellerie qui a instruit deux pourvois en cassation depuis l’annonce des différents abandons de charges et les dépositions à décharge des témoins de l’accusation. Le dernier mot revenant, naturellement, à l’initiateur d’une opération aujourd’hui déviée de sa trajectoire et dévoyée de son objectif originel par des thuriféraires en mal de positionnement dans la lutte féroce qui s’est depuis lors engagée pour la course à la succession de Paul Biya. Aujourd’hui au crépuscule d’un règne controversé qu’il aurait intérêt à parachever par une sortie honorable de la scène politique par la grande porte.