Opération épervier : Des milliards distraits au Sigipes

Cameroun - Opération épervier : Des milliards distraits au SigipesDe 2001 à 2013, plusieurs milliards ont été croqués au Ministère de la Fonction Publique et de la Réforme Administrative et au Ministère des Finances avec la bénédiction des Services du Premier Ministre pour le financement de cette opération.

La CRTV dans son édition du journal de 20 heures, le mardi 02 juillet 2013, a présenté le Chef de la Division de la Coordination Nationale du SIGIPES du MINFOPRA avouant devant le peuple camerounais que jusqu'à ce jour, cet outil informatique n'a pas encore permis de maîtriser les effectifs des agents publics pris en charge par le budget de l'Etat, 12 ans après sa mise en place. Lui emboîtant le pas, la parution de «Cameroun Tribune» du lendemain a confirmé l'échec du système, en annonçant les 12 ans d'échec et l'acquisition d'un nouvel outil.

Comment comprendre que cet évanouissement des dizaines de milliards n'émeuve personne. Et que la presse officielle en fasse ses choux gras. Pourtant, on se souvient qu'il y a quelques mois, trois agents publics déjà à la by Savings Wave">retraite pour certains, ont écopé des sanctions de peines de prison lourdes pour des détournements autour de la gestion du SIGIPES. Nos sources révèlent que ces peines découlent d'un audit effectué pour le compte des années 2000, 2001, 2002 et 2003. Pourtant de 2003 à 2013, des milliards ont continué à couler pour financer cette opération. Aussi curieux que cela puisse paraître, pourquoi cet audit s'arrête-t-il en 2003? Qui a intérêt à ce que tout s'arrête à ce niveau?

Un doigt accusateur est pointé sur les différents chefs de ces départements ministériels qui se sont succédé durant cette période, narguant les différents usagers qui, pendant tout ce temps, n'ont jamais compris à quelles fins étaient destinés ces fonds. La confusion s'exacerbe d'autant plus que chaque année, les objectifs de ladite opération, tel un serpent de mer, se transmute au gré de l'appétit gargantuesque des gestionnaires mis en cause. En effet, au fil des années il devient très difficile de distinguer deux projets pourtant tous «budgétivores», la déconcentration de la gestion du personnel de l'Etat et de la solde d'une part et d'autre part le projet SIGIPES. En effet, dans l’opuscule produit par le Secrétariat à la Réforme Administrative (SPRA) intitulé «Le guide de déploiement de la réforme dans les départements ministériels et les différentes administrations» édité en août 2004, le projet est conçu pour répondre à un diagnostic posé lors de l'élaboration du programme national de gouvernance du Cameroun. Il a pour objectif de créer un cadre institutionnel et juridique de gestion des personnels de l'Etat flexible, diligent et transparent.

Pourtant, dans un autre prospectus du même producteur, intitulé «La déconcentration de la gestion des personnels de l'Etat et de la solde: bilan enjeux et perspective» édité celui-là en octobre 2009, le projet vise à introduire au sein des services publics au Cameroun, une approche de management des ressources humaines sous-tendue par deux principes à savoir, le Ministère qui utilise est celui qui gère la carrière et paie la solde. Il s'agit donc de transférer aux autres départements ministériels des compétences jadis échues au Ministère de la Fonction Publique et de la Réforme Administrative et du Ministère des Finances. A partir d'une troisième brochure du même auteur dénommée Déconcentration de la gestion des personnels de l'Etat et de la solde, point sur l'évolution du déploiement du système Informatique de la Gestion Intégrée des Personnels de l'Etat et de la Solde (SIGIPES) produite en décembre 2011, on apprend que, l'outil informatique, socle du projet de déconcentration a depuis 1993, pour objectif de maîtriser les effectifs et la masse salariale des personnels et que celui-ci découle des prescriptions de l'exécution du Plan d'Ajustement Structurel (PAS).

Il apparaît donc clairement une différenciation entre les résultats attendus de l'un et l'autre des projets. Le premier, celui de la déconcentration est gestionnaire et, a pour but de mettre en place un cadre institutionnel qui permet à chaque administration de gérer son personnel et de payer sa solde. Par contre, le SIGIPES est informatique et devrait par sa mise en œuvre, permettre à l'Etat de savoir combien compte-t-il d'agents publics payés à juste titre? Le spectacle qui a été servi aux Camerounais le 2 juin dernier nous faisait un bilan du SIGIPES en termes de nombre d'administrations dotées de l'outil informatique soient 40, alors que nous attendions, qu'après tant d'années, des variables et des chiffres démontrant la maîtrise des effectifs par chaque administration soient disponibles. Le prestidigitateur de service a poussé son outrecuidance en s'érigeant en donneur de leçons de gestion des carrières. Montrant ainsi non seulement son ignorance du domaine, parce que faisant la confusion entre la notation et l'évaluation, ignorant dans la foulée que le bulletin de note est dans sa version actuelle abrogée depuis 2001, mais aussi et surtout, son impuissance à répondre à la commande qui lui avait été faite.

Monsieur le Chef de Division de la Coordination Nationale du SIGIPES, à combien s'élève le nombre d’agents dans l'administration publique camerounaise? Combien existe-il d'agents par grade et par catégorie? Combien d'agents émargent dans les caisses de l'Etat chaque mois? Comment se répartissent les agents publics par position d'activité, par poste de travail et par corps ...? Depuis des années des milliards sont dépensés pour répondre à ces questions. Où sont-ils passés? Cette juxtaposition voulue et tendancieuse trouble sérieusement la définition des enjeux du projet et par conséquent, la détermination des dépositaires d'enjeux. Les fonctionnaires ne savent même plus à quoi devait servir le SIGIPES. Une confusion troublante est semée entre les groupes d'utilisateurs, et les dépositaires d'enjeux aux opinions très différentes et conflictuelles avec parfois des intérêts très divergents. Un organe dit en charge de l'opérationnel regroupe des fonctionnaires de niveau stratégique, le Secrétaire Permanent à la Réforme Administrative entouré de certains Directeurs de l'administration centrale du Ministère en charge de la fonction publique et celui des finances. Cette antinomie managériale réduit les réunions opérationnelles en rencontres politiques, où les questions techniques sont laissées en rade.

Elles s'apparentent dès lors à des séances de résolution des conflits, entre des acteurs qui ne comprennent que dalle dans le processus de maîtrise des effectifs et de la masse salariale. Une équipe dite opérationnelle où les équations personnelles priment sur l'objet du projet. Au bout du compte, les objectifs du projet sont complètement métamorphosés au point où la mise en œuvre se résume à la capacité du projet à doter chaque administration d'un outil informatique même si son utilisation n'est ni garantie, ni utile à la maîtrise des effectifs et de la masse salariale, l'essentiel étant de passer à la caisse. En conséquence, l'argent destiné au projet échoue dans les poches, des hauts fonctionnaires des services suscités au grand dam du contribuable camerounais. Le détournement des fonds a-t-il une autre définition? Question à un penny.

© Le Soir : Severin Bouèbè


12/07/2013
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