Opération épervier : Dans le viseur d’une grâce présidentielle
Source : camer.be 11 08 2016
Le chef de l’Etat va-t-il gracier de nouveau quelques personnalités embastillées dans le cadre de l’opération Epervier ? La question se susurre avec plus d’emphase dans certains cercles élevés du pouvoir. Et les coulisses qui en font état fixent à la fin d’année la concrétisation de la probable mesure présidentielle qui pourrait s’apparenter à un cadeau de nouvel an pour les bénéficiaires et leurs proches. Mais à en croire nos sources généralement au faîte des coulisses du palais, la décision de gracier quelques prisonniers de luxe ne serait pas dénuée de tout calcul politicien.
Elle s’inscrirait alors dans une logique prudente visant à préparer l’opinion publique dans l’optique d’une élection présidentielle que certains apparatchiks du régime souhaitent avancée. Elle viendrait ainsi compléter une liste d’autres actes présidentiels pris ces derniers temps et que quelques analystes inscrivent dans la même logique, et notamment les actes d’avancement au sein des forces de défense, la réorganisation d’Elections Cameroon, ou encore la dotation des autorités administratives en moyens logistiques adéquats.
Toutefois, pour nos sources qui croient probable cette démarche qui relève de la seule discrétion du chef de l’Etat, une nouvelle mesure de commutation des peines de certains prisonniers de luxe répondrait à au moins 2 préoccupations de l’opinion, et contribuerait à grandir l’image du président auprès de ses concitoyens. D’abord, annihiler les récriminations qui ont déferlé au sein de l’opinion publique à la suite de la libération de Me Lydienne Yen Eyoum, avec pour point de discorde la propension du chef de l’Etat à n’accorder sa grâce qu’aux prévaricateurs bénéficiant de la double nationalité, et notamment française, sous la pression des autorités de ce dernier pays.
Ensuite, ramener la concorde dans certains milieux sociopolitiques où l’embastillement de certains leaders continue de créer un sentiment antipathique à l’égard du régime de Yaoundé.
Critères de sélection
Et pour ceux qui évoquent cette hypothèse dans le sérail, le président seul détiendrait les clés de la mesure en vertu de ses prérogatives constitutionnelles. « Il ne faut pour autant pas penser que le président va vider les prison au risque de torpiller l’opération d’assainissement que lui-même a voulue pour notre pays », prévient une de nos sources qui réagissent sous le manteau de l’anonymat pour des raisons évidentes.
Et de préciser que « les critères de sélection dépendront de la seule sagacité du président qui apprécierait au cas par cas, même si certains de ses conseillers pourraient lui faire des propositions ». Néanmoins quelques noms se susurrent dans les coulisses de la présidence relativement aux virtuels bénéficiaires de cette mesure présidentielle. Ainsi ceux qui croient être au faîte des intentions présidentielles évoquent le nom d’Emmanuel Gérard Ondo Ndong en premier.
Ayant vu sa peine aggravée à 30 ans de prison ferme par la cour suprême en 2014 contre toute attente, le président pourrait se remémorer ses états de services envers la nation malgré tout, de même que le soutien qu’il ne cesse de lui vouer même du fond de son cachot. Ainsi, en 2011, il appelait ses frères du Sud et particulièrement ceux de la Vallée du Ntem à accorder leurs suffrages à Paul Biya dans le cadre de l’élection présidentielle.
L’autre heureux bénéficiaire pourrait être Gilles Roger Belinga - ancien directeur général de la Sic - la Société immobilière du Cameroun. Il semble que de nombreux appels au pardon et à la clémence auraient inondé le bureau du président émanant de ses frères du Sud en faveur de son élargissement. « Surtout que Gilles Roger Belinga fait plutôt preuve de bonne conduite durant son séjour carcéral, refusant de se livrer à des attaques épistolaires contre le régime comme le font certains », selon les requérants.
On cite également le cas de Joseph Edou - ancien directeur général du Crédit foncier du Cameroun, qui avait stoïquement accepté sa condamnation à 20 ans d’emprisonnement ferme en première instance, refusant de faire appel de la décision. Une attitude que certains interprètent comme une marque de docilité à l’égard du régime de Biya. Le cas d’Alphonse Siyam Siewe est également évoqué, l’un des rares à faire l’objet d’un emprisonnement à vie dans le cadre de l’Opération Epervier. Toutefois, les avis indiscrets restent divergents sur la portée de la commutation éventuelle de sa peine, certains la ramenant seulement à 20 ans d’emprisonnement ferme, ce qui ne conduirait forcément pas à son élargissement.
Quoiqu’il en soit, l’ambition pour le pouvoir serait de montrer aux yeux de l’opinion nationale et internationale une certaine tempérance, et calmer ceux qui ont la dent très dure à l’égard de l’opération Epervier.
Quid de Marafa ?
L’autre bénéficiaire de cette pondération présidentielle devrait être Inoni Ephraïm, l’ancien Premier ministre qui a su lui aussi garder une posture stoïque depuis sa condamnation. Le seul des protagonistes de l’Affaire Albatros qui pourrait ainsi être gracié, il se dit que des rapports sont parvenus à Etoudi faisant état de la volonté de ses frères du Sud-ouest à manifester contre son arrestation, et que c’est Chief inoni en personne qui avait dissuadé ses sympathisants de toute manifestation dans ce sens. Une approche qui aurait plaidé en sa faveur.
Mais le nom le plus évoqué de cette liste des probables bénéficiaires de la prochaine grâce présidentielle est celui de Iya Mohammed - ancien directeur général de la Sodecoton - la Société de développement du coton. En dépit de sa condamnation à 25 ans de prison ferme, des rapports contradictoires à ceux des Inspecteurs du Contrôle supérieur de l’Etat ayant soutendu sa poursuite continent d’atterrir à la présidence de la République pour contredire le manque d’orthodoxie présumée de sa gestion à la tête de la société d’Etat.
Les critiques acerbes du partenaire français au rapport du Contrôle supérieur de l’Etat, sanctionnées par la démission tonitruante du Directeur général adjoint français auraient-elles convaincu Paul Biya et son régime de revenir sur son Cas ? En tout cas, au sein d’une certaine opinion, l’incarcération de Iya Mohammed visait davantage à le dégager de la présidence de la Fecafoot, et la mission serait aujourd’hui accomplie. Mieux, le pouvoir de Yaoundé compterait sur Iya Mohammed en cas d’élection pour faire oublier Marafa Hamidou Yaya dans le nord où le régime semble effectivement perdre le nord.
Personne parmi nos sources ne semble fixé sur sa présence parmi les bénéficiaires de cette probable procédure de grâce présidentielle, même si beaucoup se demandent si le président pourrait résister longtemps aux pressions extérieures sur son cas. Vraisemblablement, beaucoup de conseillers du président le pousseraient à ne pas céder à ces pressions, mais ils sont tout aussi nombreux à se demander jusqu’où irait la marge de manoeuvres de Biya face aux lobbies français, américains et onusiens qui réclament la libération de l’ancien Sgpr.
Seule certitude qui se dégage de ces spéculations, Yves Michel Fotso, malgré l’épaisseur des débours versés au trésor public au titre du remboursement du corps du délit dans le cadre des affaires où il est impliqué, pourrait rester définitivement derrière les barreaux, compte tenu de ses accointances, présumées ou réelles, avec Marafa Hamidou Yaya. Comme si une liberté pour le duo représenterait un danger.