Opération Epervier: Cafouillage au sein du gouvernement
Opération Epervier: Cafouillage au sein du gouvernement
Par robert.ngono.ebode | Mercredi 17 mars 2010 | Le Messager
Les sorties médiatiques des membres du gouvernement sur l’Opération Epervier sont désormais mesurées. Il ne faut plus clouer au pilori les anciens collègues d’hier, surtout que l’on ne sait pas ce que l’avenir réserve. Certains qui disaient hier être intouchables ou le croyaient, croupissent dans les cellules et les prisons de la République. Alors, il faut de la prudence lorsqu’on aborde ce sujet, surtout devant les élus de la nation que sont les députés. Lors de son point de presse le 02 février 2010 à l’hôtel Mont Febe, Issa Tchiroma Bakary, le ministre de la Communication, a semblé dire, du moins ce que l’opinion a retenu, que celui qui paie ce qu’on lui reproche d’avoir détourné, est quitte vis-à-vis de la Justice et peut être remis en liberté, même si celle-ci est conditionnelle. Mais face aux députés de l’Assemblée nationale dans l’épreuve des questions orales, il a dû s’assagir, en apportant des éléments juridiques pour expliquer ses prises de position lors de cette conférence de presse.
« Contrairement aux interprétations de mauvais aloi, de la constance de la position gouvernementale au sujet de la nécessité, sans immixtion dans le champ de compétence du pouvoir judiciaire, d’une égale application à l’égard de tous des dispositions constitutionnelles, législatives et réglementaires qui régissent les institutions républicaines et la vie sociale dans notre pays », a-t-il répondu au député RDPC de l’Océan, Martin Oyono, qui a estimé que la sortie médiatique de Issa Tchiroma de février dernier a semé le doute dans les esprits au lieu de rassurer.
Issues de secours
Pour sa part, le député SDF du Wouri Est, Edward Kembeng, revenant sur l’application de l’article 66 de la Constitution, a interpellé le vice Premier ministre, ministre de la Justice, Amadou Ali, sur les promesses qu’il a faites en décembre 2008 sur l’application de cet article. S’il ressort que le projet de décret y afférent a été élaboré et transmis « à la haute hiérarchie », il demeure qu’il reste attendu. Une autre dissonance entre ces propos et ceux tenus par Issa Tchiroma qui estimait lors de sa conférence de presse, que cet article est appliqué, rappelant au passage que le chef de l’Etat est comptable devant la nation, alors que les responsables qu’il nomme sont comptables devant lui. Une cacophonie qui contribue à semer le doute dans les esprits quant à la volonté réelle du gouvernement à assainir les mœurs et la gestion de la chose publique. Tout semble dire aujourd’hui que celui qui rembourse ce que la Justice lui reproche est libre de toute poursuite.
« En effet, la position du gouvernement, conforme au principe de la légalité républicaine, est sans équivoque sur le fait que le remboursement des sommes indûment prélevées à la richesse publique, ne saurait constituer une réparation intégrale du préjudice causé de ce fait à la société. Ainsi, s’il demeure indiscutable sur cette question que l’appréciation des faits portés à sa connaissance ou dont il se saisit d’autorité relève exclusivement du pouvoir du juge aux fins des sanctions y afférentes, il reste tout de même que cette prérogative n’exclut pas l’avis modéré du politique, au fait des attentes du peuple qui constitue son interlocuteur direct. Lequel peuple privilégie pour des raisons concrètes se rapportant au relèvement de son niveau de vie, le remboursement prioritaire de sa fortune distraite, sans préjudice des complexités procédurales secondaires, susceptibles de conduire à des sanctions supplémentaires », relève le ministre de la Communication.
Peut-on, ou alors doit-on encore douter du rôle prépondérant que joue le politique dans le cadre de cette Opération Epervier ? Ne doit-on pas, pour des raisons évidentes, assimiler cette opération à une « épuration politique » dixit Célestin Bedzigui, même si les membres du gouvernement s’en défendent ? Es-ce peut-être pour contourner toutes les accusations qui s’y rapportent, que le gouvernement prend un autre virage pour dire que celui qui paie est acquitté, même partiellement. Mais pendant ce temps, les voleurs de droit commun croupissent dans des prisons conformément à l’article 184 du Code pénal, et son pendant 224 (2) du Code de procédure pénale, qui fixent respectivement les sanctions afférentes aux détournements, et l’exclusion de toute possibilité de liberté provisoire au bénéfice des personnes reconnues coupables de détournements. Les membres du gouvernement sont-ils en train de mettre sur pied des mécanismes pour échapper eux-mêmes à d’éventuelles arrestations ?