Sous le prétexte de rapatrier les fonds détournés, l'ex garde des Sceaux a spolié l'Etat de centaines de millions pour corrompre, à perte, d'obscurs intermédiaires.
L’affaire Cahuzac, du nom du ministre français du Budget, démissionnaire, fait grand bruit en France. Ce «séisme politique» survient plus de trois mois après les révélations du site Mediapart. De fait, Jérôme Cahuzac est accusé d’avoir ouvert un compte non déclaré à l’étranger pour y placer de l’argent provenant de fraude fiscale, avant de s’en servir pour acheter des biens. Dans le jargon, cela s’appelle «blanchiment de fraude fiscale».
L’affaire d’autant plus l’effet d’un bombe que, dans le gouvernement de Jean-Marc Ayrault, c’est Jérôme Cahuzac qui était chargé de traquer les délinquants fiscaux. En clair, c’est la situation du policier braqueur !
Des Jérôme Cahuzac, il n’y en aurait pas seulement en France : En qualité de vice-Premier ministre, ministre de la Justice, Amadou Ali, entre 2006 et 2011, le bras opérationnel de la lutte contre la corruption et les détournements de deniers publics. En effet, si le grand ordonnateur de lutte baptisée Epervier est le président de la République, c’est bien Amadou Ali, durant la période précitée, qui en maîtrisait le montage et le timing, au point que ce dernier se permettait d’annoncer les prochaines prises devant les députés, à l’Assemblée nationale.
Ainsi, après de grosses prises spectaculaires de l’Epervier et au moment où la campagne inspire les commentaires les plus contrastés, Paul Biya instruit son garde des Sceaux d’alors de rechercher les voies et moyens de donner plus de légitimité à l’opération, en fouillant dans les comptes des dignitaires en liberté ou en prison et, partant de rapatrier les fonds détournés. C’est alors que Amadou Ali requiert les services d’un «expert en intelligence financière», Francis Dooh Collins.
En dépit des réserves du département d’Etat américain visant «à convaincre Amadou Ali de mettre en place (…) une structure spécialisée formelle traitant de cette enquête et des requêtes analogues pour la République du Cameroun, permettant ainsi de réduire au minimum le facteur d’imprévisibilité inhérent au rôle énigmatique de Dooh Collins», le vice-Pm ne démord pas. Plus grave, des centaines de millions (environ 880 millions Fcfa) sont déboursés par le gouvernement camerounais, via Amadou Ali, au bénéfice de Dooh Collins pour «appâter» les services secrets français et suisses. Et, prétendument, pour «pour payer le voyage et le travail réalisé par le gouvernement américain, en particulier aux cadres des services secrets du Département de la sécurité intérieure».
De la corruption pour lutter contre la… corruption ! «L’investigation financière» instruite par le gouvernement camerounais à l’étranger sous Amadou Ali est d’autant plus curieuse qu’elle n’a débouché sur une moisson conséquente, en termes d’argent recouvré, et surtout sur des conclusions discutables. Lesquelles sont, pour la plupart, malheureusement, à la base de l’opération Epervier telle qu’elle a été menée entre 2006 et 2011.