Omgba Damase: Le patriarche de Nsimeyong s'en est allé avec le secret de l'assassinat de Me Ngongo Ottou
Yaoundé, 26 mars 2013
© Alain J. Ndongo | Correspondance
Celui qu'on appelait affectueusement le baron de Nsimeyong est décédé de suites d'une longue maladie le 07 mars 2013 à Paris en France, au quartier Neuilly où il résidait depuis des lustres. Bien qu'éloigné de son pays le Cameroun, le vieux patriarche s'intéressait à tout ce qui se passe à l'intérieur des frontières. Cette icône mystérieuse s'est éteinte et a été inhumée le jeudi 20 mars dans la plus stricte intimité.
Les Camerounais n'avaient plus de nouvelles de lui depuis longtemps. Dans les années 90 pourtant, Damase Henri Omgba, bien que mystérieux et mythique, était un homme populaire qui a rendu le quartier Nsimeyong, situé dans la banlieue de Yaoundé, en un lieu viable et vivable. Il y a édifié la plus belle résidence de la zone, au point où la route qui y conduit a été baptisée par les populations de la zone: "Rue Damase". Certainement pour marquer le poids et l'équation personnelle de l'homme qui y faisait la pluie et le beau temps. Comme il n'est pas d'habitude chez les Bétis, Omgba Damase Henri a été enterré un jeudi et non un samedi soir comme il est de coutume dans la Région du Centre, du Sud et de l'Est. Notons que la dépouille du défunt est arrivée le 19 mars 2013, donc la veille de son inhumation. Le corps du patriarche n'a donc pas transité par la morgue d'un hôpital de la ville de Yaoundé. Les choses sont allées très vite jusqu'à son enterrement au cimetière de Mvolyé, alors qu'il existe un caveau dans sa concession. Curieux.
Dès son jeune âge, Damase Henri Omgba, tailleur féru de la mode, se décide de se rendre en France pour embrasser une carrière de mannequin. C'est un jeune couturier donc qui va servir chez quelques grands de la couture française. Mais, ce ne sera pas pour longtemps. Avec son carnet d'adresses acquis dans l'exercice de sa fonction de couturier, il décide de se lancer dans le négoce. Très attachant, rusé et subtil, il se fait une bonne brochette d'amis et de connaissances. On ne sait par quel entourloupe il va entrer non seulement au Quai d'Orsay, mais aussi à l'Elysée où il a ses sympathies avec l'énigmatique Jacques Foccart, Conseiller aux Affaires Africaines du Général De Gaulle puis de Jacques Chirac. Ces deux gaullistes ont fait de lui l'un des plus grands pions de la Françafrique à qui ils confiaient des missions délicates auprès des Chefs d'Etat africains dont il connaissait la grande majorité et auprès des Chefs d'Etat occidentaux.
Pour l'information de nos lecteurs, tel que relève Jeune Afrique n°2722 du 10 au 16 mars 2013, c'est à Damase Henri Omgba que le feu Mobutu, alors Président du Zaïre, aurait confié la lettre adressée à Jimmy Carter, Président des USA, sollicitant son aide pour le sortir de son isolement.
Quand Ayissi Mvondo sonne la rupture avec Paul Biya
Pourtant, Damase Henri Omgba garde bien les pieds sur terre dans son pays. Il se lie d'amitié avec le successeur d'Ahmadou Ahidjo qui cultivait la méfiance envers lui. Très vite, Damase est devenu l'alter ago de Paul Biya, le Chef de l'Etat camerounais. Des missions secrètes lui auraient été plusieurs fois confiées. On prête au patriarche de Nsimeyong la prouesse d'avoir amené les bâtisseurs allemands de l'Aéroport de Nsimalen qui est une petite copie de l'Aéroport de Cologne. Une certaine opinion soutient même qu'il aurait, pour le compte du Cameroun, négocié l'achat des équipements militaires dans plusieurs pays. Allez donc savoir!
Toujours est-il que Damase et Biya s'entendaient tant et si bien que Paul Biya n'a pas pu supporter la volte-face de celui qui a choisi de s'opposer à lui en s'alliant à Ayissi Mvondo Victor qui avait déjà déclaré sa candidature à l'élection présidentielle de 1997. Pour Paul Biya, c'est un sacrilège voire une trahison. Les cartes entre les deux hommes se brouillent. C'est la rupture, même si on a su garder les civilités. Quand Ayssi Mvondo décède, c'est le ciel qui s'écroule sur Damase. Il est certes riche, mais que vaut la richesse quand on est désormais sevré de ses grands amis? Omgba Damase s'est lancé dans un certain nombre d'initiatives heureuses ou malheureuses. On en veut pour preuve la création du club mythique Olympique de Mvolyé qui va instaurer une sorte de semi-professionnalisme au Cameroun. Les joueurs de ce club sont les mieux traités du pays. Damase Henri en confie la gestion à Philippe Mbarga Mboa (actuellement Ministre chargé de Missions à la Présidence de la République). Mbarga Mboa est seul à savoir pourquoi cette initiative a échoué. Pourtant, Omgba Damase a mis un bon pactole dans l'Olympique de Mvolyé. Il était un homme puissant, tellement puissant qu'il a fait et défait des carrières.
A son actif, la promotion des hommes comme Essomba Tsoungui (ancien député), Cikouda Aristide (ancien ministre) Mballa Bounoung, Amougou Noma (ex-Délégué du Gouvernement auprès de la CUY décédé) feu Henri Bandolo, Tchouta Moussa (ancien DG du Port de Douala décédé) Raphaël Onambelé (ancien Secrétaire d'Etat), pour ne citer que ceux-là dont on dit que sans Damase, ils ne seraient pas aux avant-postes.
Des assassinats non élucidés
Après ses divergences avec Paul Biya, sa côte a sérieusement baissé. Bon nombre de ses amis Chefs d'Etat ont tiré leur révérence ou ont quitté le pouvoir. Son meilleur ami, Felix Houphouel Boigny s'en est allé. Du temps de sa splendeur pourtant, Damase a été noyé dans une sombre histoire d'assassinat qu'il aurait commandité. Le 11 novembre 1988, Me Ngongo Ottou, le plus célèbre avocat camerounais de l'époque décède à l'hôpital américain de Neuilly, où il avait été évacué quelques jours plus tôt en provenance de Yaoundé où des agresseurs l'ont laissé à demi-mort sur son lit couvert de sang. Le domicile de Me Ngongo Ottou se trouve au quartier Melen à Yaoundé, derrière l'ex-SNEC-EMIA, et le grand avocat logeait seul, ses enfants étant hors du pays. Qui a bien voulu mettre fin à la vie de l'avocat à son domicile?
Des supputations allaient bon train et on accusait Damase Henri Omgba d'en savoir un peu plus sur ce crime crapuleux, parce qu'une guerre de leadership l'opposait à Me Ngongo Ottou.
Les grands clans béti auraient déterré la hache de guerre pour contrôler le nouveau Président au pouvoir. Et Me Ngongo Ottou, provenance de Yaoundé où des agresseurs l'ont laissé a demi-mort sur son lit couvert de sang. Des supputations allaient bon train et on accusait Damase Henri Omgba d'en savoir un peu plus sur ce crime crapuleux, parce qu'une guerre de leadership l'opposait à Me Ngongo Ottou.
Et Me Ngongo Ottou, réputé pour être une grande gueule, s'insurgeait contre cet état de choses qui s'expliquait par l'existence des nébuleuses comme " Essingan ". On a même mis au passif de Damase Omgba, l'assassinat de l'Abbé Mbassi, journaliste, rédacteur en chef du journal L'Effort Camerounais de l'Eglise Catholique. Le patriarche de Nsimeyong n'a jamais daigné répondre à ces accusations. Notons qu'avant sa mort, il avait déjà perdu son épouse douala, sœur du Prince René Bell, lui aussi récemment décédé.
En définitive, que l'on ait aimé ou abhorré, Henri Damase Omgba n'a laissé personne indifférent. Il avait des défauts comme tout homme, mais aussi des qualités qui ont bien profité aux uns et aux autres. Son neveu, Séraphin Fouda, Secrétaire général adjoint de la Présidence de la République suivra-t-il ses pas? L'avenir nous le dira.
Source: Sans Détour
© Alain J. Ndongo | Correspondance
Celui qu'on appelait affectueusement le baron de Nsimeyong est décédé de suites d'une longue maladie le 07 mars 2013 à Paris en France, au quartier Neuilly où il résidait depuis des lustres. Bien qu'éloigné de son pays le Cameroun, le vieux patriarche s'intéressait à tout ce qui se passe à l'intérieur des frontières. Cette icône mystérieuse s'est éteinte et a été inhumée le jeudi 20 mars dans la plus stricte intimité.
Les Camerounais n'avaient plus de nouvelles de lui depuis longtemps. Dans les années 90 pourtant, Damase Henri Omgba, bien que mystérieux et mythique, était un homme populaire qui a rendu le quartier Nsimeyong, situé dans la banlieue de Yaoundé, en un lieu viable et vivable. Il y a édifié la plus belle résidence de la zone, au point où la route qui y conduit a été baptisée par les populations de la zone: "Rue Damase". Certainement pour marquer le poids et l'équation personnelle de l'homme qui y faisait la pluie et le beau temps. Comme il n'est pas d'habitude chez les Bétis, Omgba Damase Henri a été enterré un jeudi et non un samedi soir comme il est de coutume dans la Région du Centre, du Sud et de l'Est. Notons que la dépouille du défunt est arrivée le 19 mars 2013, donc la veille de son inhumation. Le corps du patriarche n'a donc pas transité par la morgue d'un hôpital de la ville de Yaoundé. Les choses sont allées très vite jusqu'à son enterrement au cimetière de Mvolyé, alors qu'il existe un caveau dans sa concession. Curieux.
Dès son jeune âge, Damase Henri Omgba, tailleur féru de la mode, se décide de se rendre en France pour embrasser une carrière de mannequin. C'est un jeune couturier donc qui va servir chez quelques grands de la couture française. Mais, ce ne sera pas pour longtemps. Avec son carnet d'adresses acquis dans l'exercice de sa fonction de couturier, il décide de se lancer dans le négoce. Très attachant, rusé et subtil, il se fait une bonne brochette d'amis et de connaissances. On ne sait par quel entourloupe il va entrer non seulement au Quai d'Orsay, mais aussi à l'Elysée où il a ses sympathies avec l'énigmatique Jacques Foccart, Conseiller aux Affaires Africaines du Général De Gaulle puis de Jacques Chirac. Ces deux gaullistes ont fait de lui l'un des plus grands pions de la Françafrique à qui ils confiaient des missions délicates auprès des Chefs d'Etat africains dont il connaissait la grande majorité et auprès des Chefs d'Etat occidentaux.
Pour l'information de nos lecteurs, tel que relève Jeune Afrique n°2722 du 10 au 16 mars 2013, c'est à Damase Henri Omgba que le feu Mobutu, alors Président du Zaïre, aurait confié la lettre adressée à Jimmy Carter, Président des USA, sollicitant son aide pour le sortir de son isolement.
Quand Ayissi Mvondo sonne la rupture avec Paul Biya
Pourtant, Damase Henri Omgba garde bien les pieds sur terre dans son pays. Il se lie d'amitié avec le successeur d'Ahmadou Ahidjo qui cultivait la méfiance envers lui. Très vite, Damase est devenu l'alter ago de Paul Biya, le Chef de l'Etat camerounais. Des missions secrètes lui auraient été plusieurs fois confiées. On prête au patriarche de Nsimeyong la prouesse d'avoir amené les bâtisseurs allemands de l'Aéroport de Nsimalen qui est une petite copie de l'Aéroport de Cologne. Une certaine opinion soutient même qu'il aurait, pour le compte du Cameroun, négocié l'achat des équipements militaires dans plusieurs pays. Allez donc savoir!
Toujours est-il que Damase et Biya s'entendaient tant et si bien que Paul Biya n'a pas pu supporter la volte-face de celui qui a choisi de s'opposer à lui en s'alliant à Ayissi Mvondo Victor qui avait déjà déclaré sa candidature à l'élection présidentielle de 1997. Pour Paul Biya, c'est un sacrilège voire une trahison. Les cartes entre les deux hommes se brouillent. C'est la rupture, même si on a su garder les civilités. Quand Ayssi Mvondo décède, c'est le ciel qui s'écroule sur Damase. Il est certes riche, mais que vaut la richesse quand on est désormais sevré de ses grands amis? Omgba Damase s'est lancé dans un certain nombre d'initiatives heureuses ou malheureuses. On en veut pour preuve la création du club mythique Olympique de Mvolyé qui va instaurer une sorte de semi-professionnalisme au Cameroun. Les joueurs de ce club sont les mieux traités du pays. Damase Henri en confie la gestion à Philippe Mbarga Mboa (actuellement Ministre chargé de Missions à la Présidence de la République). Mbarga Mboa est seul à savoir pourquoi cette initiative a échoué. Pourtant, Omgba Damase a mis un bon pactole dans l'Olympique de Mvolyé. Il était un homme puissant, tellement puissant qu'il a fait et défait des carrières.
A son actif, la promotion des hommes comme Essomba Tsoungui (ancien député), Cikouda Aristide (ancien ministre) Mballa Bounoung, Amougou Noma (ex-Délégué du Gouvernement auprès de la CUY décédé) feu Henri Bandolo, Tchouta Moussa (ancien DG du Port de Douala décédé) Raphaël Onambelé (ancien Secrétaire d'Etat), pour ne citer que ceux-là dont on dit que sans Damase, ils ne seraient pas aux avant-postes.
Des assassinats non élucidés
Après ses divergences avec Paul Biya, sa côte a sérieusement baissé. Bon nombre de ses amis Chefs d'Etat ont tiré leur révérence ou ont quitté le pouvoir. Son meilleur ami, Felix Houphouel Boigny s'en est allé. Du temps de sa splendeur pourtant, Damase a été noyé dans une sombre histoire d'assassinat qu'il aurait commandité. Le 11 novembre 1988, Me Ngongo Ottou, le plus célèbre avocat camerounais de l'époque décède à l'hôpital américain de Neuilly, où il avait été évacué quelques jours plus tôt en provenance de Yaoundé où des agresseurs l'ont laissé à demi-mort sur son lit couvert de sang. Le domicile de Me Ngongo Ottou se trouve au quartier Melen à Yaoundé, derrière l'ex-SNEC-EMIA, et le grand avocat logeait seul, ses enfants étant hors du pays. Qui a bien voulu mettre fin à la vie de l'avocat à son domicile?
Des supputations allaient bon train et on accusait Damase Henri Omgba d'en savoir un peu plus sur ce crime crapuleux, parce qu'une guerre de leadership l'opposait à Me Ngongo Ottou.
Les grands clans béti auraient déterré la hache de guerre pour contrôler le nouveau Président au pouvoir. Et Me Ngongo Ottou, provenance de Yaoundé où des agresseurs l'ont laissé a demi-mort sur son lit couvert de sang. Des supputations allaient bon train et on accusait Damase Henri Omgba d'en savoir un peu plus sur ce crime crapuleux, parce qu'une guerre de leadership l'opposait à Me Ngongo Ottou.
Et Me Ngongo Ottou, réputé pour être une grande gueule, s'insurgeait contre cet état de choses qui s'expliquait par l'existence des nébuleuses comme " Essingan ". On a même mis au passif de Damase Omgba, l'assassinat de l'Abbé Mbassi, journaliste, rédacteur en chef du journal L'Effort Camerounais de l'Eglise Catholique. Le patriarche de Nsimeyong n'a jamais daigné répondre à ces accusations. Notons qu'avant sa mort, il avait déjà perdu son épouse douala, sœur du Prince René Bell, lui aussi récemment décédé.
En définitive, que l'on ait aimé ou abhorré, Henri Damase Omgba n'a laissé personne indifférent. Il avait des défauts comme tout homme, mais aussi des qualités qui ont bien profité aux uns et aux autres. Son neveu, Séraphin Fouda, Secrétaire général adjoint de la Présidence de la République suivra-t-il ses pas? L'avenir nous le dira.
Source: Sans Détour