Olanguena Awono : «L’exercice d’un pouvoir public ne doit pas être le bien exclusif d’une personne »
Au total, seuls un bon choix et un bon fonctionnement institutionnels permettront une gouvernance démocratique plus créative et capable de se renouveler. Dans ce sens d’ailleurs, l’alternance démocratique et l’organisation à cet effet des élections crédibles sur base de fichiers électroniques et biométriques par un organe électoral neutre, apparaissent comme des impératifs de stabilité. Ainsi, se posera à nouveau la question de la limitation des mandats pour la fonction de Président de la République (article 6 de la constitution).Tout bien considéré, le pouvoir corrompt et use, aussi est-il de bons sens de limiter les mandats.
Cette limitation utile au renouvellement des élites dirigeantes et à l’oxygénation de la République doit s’appuyer pour assurer pleinement ces buts sur un système électoral transparent à deux tours, comme c’est le cas dans nombre de démocraties modernes. Dans une trajectoire de refondation et de modernisation institutionnelle, il est temps pour le Cameroun de comprendre que l’exercice d’un pouvoir public, quel qu’il soit, ne doit pas être le bien exclusif d’une personne ou d’un clan. La fonction politique n’est pas une charge de notaire.
A partir de là, l’on conçoit mieux que le renouvellement de la fonction présidentielle par l’élection au suffrage universel et la limitation de mandats est une demande normale du peuple. Elle est même aujourd’hui un impératif d’oxygénation de la République qu’exige notre ambition de progrès. Rétablir la limitation des mandats présidentiels à deux tours, de cinq ou sept ans selon le consensus, est donc un horizon de réforme constitutionnelle incontournable pour le Cameroun.
Cette fois, la réforme nécessairement refondatrice devrait veiller au rééquilibrage des institutions et à leur cohérence pour fixer les piliers d’une nouvelle République au regard de l’histoire des institutions du Cameroun. L’intérêt d’inscrire sur du marbre cette réforme historique serait naturellement élevé pour exiger son adoption par voie de référendum afin que toute modification ultérieure de ses dispositions et garanties substantielles suive la même voie. Ce serait le meilleur moyen de protéger la constitution et de la soustraire à l’aléa politique des majorités parlementaires changeantes.
A contrario, la non-limitation est un piège institutionnel qui, si l’on n’y prend garde, conduit à l’omnipotence du système dirigeant, exacerbe les effets pervers de «la présidence monarchique» et démultiplie les dérives de la gouvernance patrimoniale des dirigeants qui entendent s’éterniser au pouvoir. Invariablement, là où ces phénomènes sont à l’œuvre, comme c’est le cas dans nombre de pays du continent africain, les valeurs démocratiques et républicaines reculent et sont inversées, et avec elles malheureusement les opportunités de progrès pour les nations victimes.
Extrait des pages 386 à 388