Okola : Ecueil chaleureux pour Louis Tobie Mbida
Le chantier de construction du président du Pdc a été scellé, et le vendeur de la parcelle est persécuté.
Le
chef du village Mva’a I, par Okola, Jean Pierre Onana, vit le martyre
depuis quelques mois. Son délit : vente d’une parcelle de terrain à un
opposant, qui plus est candidat déclaré à l’élection présidentielle de
2010. C’est un crime suffisamment grave, dans ce coin de la Lékié où le
Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc, au pouvoir)
s’estime dans son fief. Ça devient plus corsé encore quand le leader du
Parti des démocrates camerounais (Pdc), Louis Tobie Mbida, en exil
volontaire en France, fait bruyamment part de son intention de briguer
la magistrature suprême l’an prochain et qu’il décide d’y ériger un
pied-à-terre.
Le 18 avril dernier en début d’après-midi, M. Onana et
son épouse sont pratiquement traînés au domicile de Bénédicte Belibi,
cadre au Port autonome de Douala (Pad). Il y là, en dehors du maître de
céans, notamment le directeur général de l’Ecole nationale
d’administration et de magistrature (Enam), Benoît Ndong Soumhet, le
délégué du gouvernement auprès de la communauté urbaine de Yaoundé
(Cuy), Gilbert Tsimi Evouna, le 1er adjoint au maire d’Okola, Claude
Bernard Tsanga Messi, l’avocat général à la Cour suprême Joseph Belibi,
l’homme d’affaires Nicolas Elouna Messi et Barnabé Eloundou,
ex-directeur au ministère de la Santé publique.
Le procès peut
commencer: «Vous avez vendu une parcelle de terrain à l’opposant Louis
Tobie Mbida? Dites-nous le montant qu’il vous a remis, je veux le
rembourser» (Bénédicte Belibi); «Chef, est-ce que vous mesurez la portée
de l’acte que vous avez commis? Le drapeau qui est hissé dans votre
cour représente quoi? Si le président de la République, Paul Biya,
apprend que vous avez pactisé avec l’opposant Louis Tobie Mbida, cela va
vous coûter cher: Vous allez perdre votre casquette de chef de village.
C’est à vous de choisir» (Benoît Ndong Soumhet); «chef, il faut
faire ce qu’on te conseille» (Joseph Belibi). L’interpellé tombe des
nues. Jean Pierre Onana explique que non seulement qu’il n’est pas
intéressé par la politique, mais qu’en plus il a vendu sa parcelle «à un
beau-frère», avec la sœur de qui il a eu 7 enfants. On va ainsi le
cuisiner au-delà de 18h. Jusqu’à ce que Gilbert Tsimi Evouna vienne
enfin exprimer la véritable hantise de l’assemblée pour clore les
débats: «En interpellant Joseph Belibi, sachez que l’année 2011 est une
année d’élection présidentielle. Restez arranger cette situation.» Et
depuis lors, le chef de Mva’a I et sa moitié sont sous le coup du
chantage et de menaces diverses.
La suite des événements viendra
confirmer la panique politique ainsi créée. Le même jour, le
sous-préfet d’Okola, Joseph Mengue Abomo, accompagné du maire, du
commandant de la brigade de gendarmerie et de quelques autres officiels
débarquent sur le chantier de construction, déjà bien avancé, de la
résidence de Louis Tobie Mbida. Les ouvriers sont expulsés et des
scellés sont posés sur le portail du site, pour «occupation illégale
d’une parcelle du domaine national». Le 9 août dernier, c’est-à-dire
après les faits (!), un arrêté municipal, cosigné par le préfet de
Monatélé, Bernard Mba, est publié qui porte «suspension et mise sous
scellés du chantier de construction d’immeuble à Mva’a I».
En clair,
le chantier de M. Mbida est frappé de défaut de permis de bâtir. Un
argument qui fait sourire celui qui défend ses intérêts au pays, Me
Boniface Noahsur les listes électorales: «En tant qu’ancien conseiller
municipal d’Okola, je connais les réalités des 72 villages qui
constituent la circonscription et personne, ici, ne dispose d’un permis
de bâtir.
Ce document n’est exigé à personne.» Ceci n’explique
peut-être pas cela, mais Me Noah a récemment été affecté au greffe du
tribunal de Yokadouma (Est)...
Pour l’épouse de l’opposant,
Christelle Mbida, «ceci est le fruit de manœuvres obscures d’une petite
élite zélée qui craint la proximité avec un concurrent». «Ceux qui
veulent pousser les Camerounais à la violence par des actions iniques et
injustes ne réussiront pas. Je suis heureux de créer une jurisprudence
au Cameroun : je serai le premier Camerounais à qui on demande un permis
de bâtir pour construire dans un village où le droit coutumier lui
accorde l'autorisation de s'installer», renchérit son homme. Louis Tobie
Mbia, qui revient au Cameroun le 2 septembre prochain et qui tiendra
une conférence de presse le lendemain à Yaoundé, a fait servir au maire
d’Okola une «sommation d’arrêt de troubles dans un chantier privé». Ses
proches annoncent également la saisine de la chambre administrative de
la Cour suprême.
Félix C. Ebolé Bola