Ntono Tsimi Germain : « Les veuves ou épouses désormais mieux protégées »
Qu’est-ce qu’il faut retenir de l’article 358-1 paragraphe 1 du nouveau Code pénal ?
Le législateur a décidé de compléter la criminalisation de ce que l’on pourrait qualifier de « relâchement de fait du lien conjugal » (à distinguer d’avec le relâchement de droit du lien conjugal qui peut être provisoire hypothèse de la séparation de corps, ou définitif, hypothèse du divorce). Ce faisant, le législateur renouvelle la thématique des rapports entre le lien familial et le droit pénal.
Il s’agit d’un délit qui est comme certains autres du Code pénal, à deux dimensions : le délit simple de cet alinéa et le délit aggravé de l’alinéa 2. Du point de vue des éléments constitutifs, il faut considérer l’acte d’expulsion, la qualité de celui qui expulse (qui doit être l’époux ou l’épouse) dans le délit simple et surtout l’absence de motif légitime. Sur ce point précis, le délit de l’article 358 – 1 n’est pas rédigé de façon totalement intelligible.
Le texte ne précise pas ce qu’il faut entendre par motif légitime. Un acte d’infidélité ou d’adultère pourrait-il être considéré comme un motif susceptible de justifier une expulsion et donc d’effacer le caractère délictueux de l’acte ? Il reviendra sans doute au juge de fixer les contours du motif légitime sous réserve du respect du principe de l’interprétation stricte des règles du droit pénal.
Quelle est l’ampleur de ce phénomène dans la societé camerounaise?
L’expulsion du domicile conjugal apparaît comme un comportement assez fréquent dans la société mais dont on peut difficilement déterminer l’ampleur. En effet, de nombreux actes d’expulsion sont réglés en privé dans le cadre des réunions ou des conseils de famille. Souvent aussi, l’on observe des expulsions déguisées ou implicites qui sont des situations dans lesquelles un époux ou une épouse adopte un comportement susceptible de provoquer le départ du conjoint.
Et l’absence de statistiques de même que la clandestinité du comportement ne facilitent pas son évaluation quantitative. Dans la plupart des cas révélés, les expulsions s’inscrivent dans le cadre des procédures de divorce.
En alourdissant la peine dans le paragraphe 2, que vise le législateur ?
L’aggravation de la peine d’un comportement traduit toujours en droit pénal le degré de désapprobation de l’acte par la société. En y ayant recours, l’auteur de la politique criminelle vise, outre à établir une certaine hiérarchie entre les comportements ce qui conduit à distinguer, par exemple, une expulsion du domicile conjugal simple d’une expulsion du domicile conjugal aggravée, mais aussi et surtout, il vise à mettre en lumière la dimension fondamentale de l’interdit qu’il pose.
Dans le cas précis de l’article 358-1, le législateur affirme que l’expulsion du domicile conjugal présente comme un caractère particulièrement odieux ou antisocial lorsque la victime expulsée est une femme enceinte, lorsque l’acte d’expulsion est précédé ou accompagné de violences physiques ou morales, de confiscation ou de destruction d’effets personnels de la victime ou encore lorsque l’auteur de l’expulsion est le beau-frère, le beau-père, la belle-sœur, la belle-mère, l’oncle bref, une personne autre que le conjoint de la victime.
Dans ce cas, la peine est de deux (02) à cinq (05) ans. A l’analyse, l’on peut même dire que le principal intérêt de ce délit réside dans ses éléments d’aggravation qui placent généralement l’acte d’expulsion en dehors du cadre normal de gestion du lien conjugal.
Est-ce la fin du cauchemar pour certaines veuves ou épouses souvent humiliées par leurs belles-familles?
Une chose est certaine, ce délit change la situation des veuves ou épouses souvent humiliées par leurs belles familles qui désormais peuvent recourir à l’arme pénale pour la protection de leurs intérêts. Mais, il est difficile à dire quelle est l’ampleur de ce changement ou amélioration. Il faut observer que le décès d’un des époux est une cause d’extinction du lien matrimonial. Dans ce cas, l’on laisse la place aux règles du droit patrimonial de la famille. Si le domicile conjugal continue d’exister pendant la période intermédiaire jusqu’à la succession, tout dépend en réalité du régime de l’immeuble qui servait de domicile conjugal. En principe, l’on revient au régime classique de protection des biens et de la tranquillité des personnes.
Article 358-1 : Expulsion du domicile conjugal
- (1) Est puni d’un emprisonnement de trois (03) mois à un (01) an et d’une amende de cinquante mille (50 000) à cinq cent mille (500 000) francs, l’époux ou l’épouse qui, en dehors de toute procédure judiciaire expulse, sans motif légitime, son conjoint du domicile conjugal.
- (2) La peine est un emprisonnement de deux (02) à cinq (05) ans si :
- a. La victime est une femme enceinte ;
- b. L’expulsion est accompagnée ou précédée de violences physiques ou morales, de la confiscation ou de la destruction des effets personnels de la victime ;
- c. L’expulsion est commise par une personne autre que le conjoint de la victime.