Nouvelle prorogation du mandat des députés: Qui peut encore prendre le Cameroun au sérieux?

Douala, 07 mai 2013
© PONUS | Ouest Littoral

Arrêt des inscriptions biométriques avant les délais, des sénatoriales jaillies brusquement de nulle part, la durée du mandat des députés désormais inconnue, un calendrier électoral mystérieux...Bienvenue au royaume de l'inertie et de l'imprévision!

Le mandat des députés vient d'être prorogé pour la troisième fois! Vous avez certainement cru qu'il s'agit de la République Centrafricaine qui est en train de tenter de coller les morceaux d'une crise relative au changement de régime par un coup d'Etat. Que non! Il s'agit du pays le plus puissant de l'Afrique Centrale, le Cameroun. Un pays de paix qui se porte bien. Mais pourquoi donc des prorogations de mandat à répétitions de l'Assemblée Nationale, comme si on était dans un Gouvernement de transition?

C'est la question que se pose tout vertébré au vu de la situation qui est la nôtre aujourd'hui. Encore un mandat de trop, dirait-on; mais plus grave: rien ne garantit que ce sera la dernière farce. En réalité, en allongeant de façon permanente le mandat des députés par la force des décrets, le pouvoir du Renouveau est en train de faire de l'exception la règle. Car la Constitution parle bien de prorogation du mandat des députés dans une situation de crise: «en cas de crise grave ou lorsque les circonstances l'exigent, le Président de la République peut, après consultation du Président du Conseil Constitutionnel et des bureaux de l'Assemblée Nationale et du Sénat, demander à l'Assemblée Nationale de décider, par une loi, de proroger ou d'abréger son mandat...». A moins que le Cameroun ne connaisse une crise autre que l'inertie et l'imprévision qu'on cache au peuple.

Lors de la première prorogation de six mois, on n'avait cru à l'effet d'une surprise qui, en réalité, ne surprenait personne au regard d'un fonctionnement sans repère qui caractérise nos pouvoirs publics. Car, jusqu'à nos jours, rien d'officiel ne fait état d'une échéance électorale proche ou lointaine.

En effet, trois prorogations successives des élus sont une manifestation évidente d'une navigation à vue absolue et constitue un recul de la démocratie. Ceci est d'autant plus vérifiable que, désormais l'Assemblée Nationale du Cameroun est composée des députés dont la présence n'est justifiée que par des décrets et sont, dès lors, loin d'être des élus ou des représentants du peuple. Lequel ne se reconnaît plus en eux. En tout cas, un mandat par décret annihile le pouvoir du peuple qui, finalement, considéré comme idiot et irresponsable, n'est consulté que pour sauver les formes démocratiques. Mais seulement, à toute fin utile, le peuple, même s'il est considéré comme une populace imbécile par les décideurs, il convient de rappeler que privée de lumière et de bon sens, il peut «à tout moment devenir le complice des forces qui détruisent la société».

Ce serait encore mieux de renouveler le mandat des députés par simple tacite reconduction quand on sait que, le simple fait de convoquer une session extraordinaire juste pour valider ce qui ne pouvait en être autrement, coûte des centaines de millions au pauvre contribuable qui est incapable de se nourrir et de se soigner.

Autant d'ingrédients de la mal gouvernance qui ont permis aux observateurs de dénoncer ces manières insolites de diriger notre république, marquées par une incapacité à apporter des solutions aux problèmes des Camerounais. En somme, une fois de plus, une navigation à vue.


«Gouverner, c'est prévoir»

Même dans les sociétés secrètes, on connaît et on respecte les échéances; mais au Cameroun, tout cela relève plutôt d'un mystère un plus compliqué que celui de la Sainte Trinité dont parlent les chrétiens. Rien de surprenant que même la durée du mandat des députés ne soit plus connue. Ce qui est une violation du respect du droit de suffrage des électeurs qui doivent être appelés, selon une périodicité, régulière à désigner leurs représentants.

En réalité, après une première prorogation, la seconde s'est achevée le 21 mai dernier sans qu'une convocation du corps électoral pour les législatives ne soit intervenue. Laquelle devrait être annoncée au plus tard le 11 avril dernier, dans une situation qui avait déjà connu deux rallonges. Là encore, la grande surprise vient de ce que, lors de la dernière session ordinaire de l'Assemblée Nationale qui est la première de l'année, ce problème important a été occulté.

Ce qui était une fois encore la preuve d'une imprévision aussi bien au niveau de l'exécutif que du législatif. Ceux-ci ont suffisamment développé l'inertie et en ont fait leur méthode de gouvernement, au risque de laisser conduire le Cameroun dans une situation de crise ou le Président de la République doit gouverner par ordonnance, faute de Parlement. En clair, le «bateau» Cameroun navigue sans repère, voire sans pilote.

A titre de rappel, la première prorogation qui était de six mois, était arrivée à expiration le 21 février 2013. La seconde de trois mois s'est achevée le 21 mai dernier. Mais au sommet de l'Etat, tout se passe comme si personne n'était au courant de telles échéances aux conséquences incommensurables pour la vie de la nation.

Entre-temps, on salue l'arrivée des premiers Sénateurs de l'histoire du Cameroun qui n'ont pas encore de locaux, pendant que de son côté, ELECAM, qui est l'organe en charge de la gestion des scrutins, a arrêté les inscriptions sur les listes électorales, contrairement aux délais légaux...
A quand la volonté pour le Renouveau de faire du Cameroun un pays normal?


08/05/2013
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