Nouveau point focal du régime: Paul Biya enterre définitivement l'axe Nord-Sud

Douala, 30 Août 2013
© Michel Michaut Moussala | Aurore Plus

 

Le ralliement d'Aminatou Ahidjo au Chef de l'Etat est une occasion pour ce dernier de se couper complétement du Grand Nord en général et de la région du Nord en particulier.

 

 

I- Donner l'impression d'aimer le Nord 

«Je ne sais pas ce qui a pris Aminatou Ahidjo pour se jeter dans les bras de Paul Biya. Connait-elle vraiment l'homme à qui elle a donné l'accolade...II va le lui rendre par le baiser de Judas» Voilà la déclaration d'un membre de l'élite de Garoua, très amer, rencontré à Yaoundé il y a quelques jours. Ce haut fonctionnaire qui a requis l'anonymat a poursuivi «...Aminatou Ahidjo qui a été à la bonne école a-t-elle oubliée l'adage populaire qui dit qu'il faut embrasser son adversaire pour mieux l’étouffer...». Paul Biya n'est pas prêt de sortir des affaires, peut-être va-t-il mourir au pouvoir comme Eyadema du Togo et Bongo du Gabon. Et même si .jamais il lui arrivait de quitter le pouvoir, il a déjà barré le grand Nord, mettant ainsi un terme au fameux axe Nord-Sud mis en place par l'administration coloniale française. Selon ce plan, à Ahmadou Ahidjo devait succéder un homme du sud (s'entend ici les régions actuelles du Centre et du Sud). Ce plan s’est réalisé avec Paul Biya, un enfant de la région du Sud au détriment de Victor Ayissi Mvodo originaire de la région du Centre et Samuel Eboua, lui originaire de la région du Littoral. 

Ahmadou Ahidjo a passé 24 ans au pouvoir dont deux (1955-1960) comme Premier Ministre du Cameroun oriental et vingt-deux (1960-1982) comme Président du Cameroun indépendant. Le Grand Nord estime que Paul Biya a passé suffisamment de temps (31 ans) au Pouvoir pour lui retourner l'ascenseur. D'où une certaine agitation chez une certaine classe politique, membre du Rdpc dont l'ancien Ministre d'Etat en charge de l'Administration territoriale et de la Décentralisation (Minatd), Marafa Hamidou Yaya. Paul Biya a compris, très vite d'ailleurs que renvoyer le pouvoir serait une grave, erreur. 

Ce serait exposer sa propre vie, celle de sa famille et de certaines régions du pays. Le putsch de 1984 est passé par là: le souvenir est encore frais dans les mémoires pour que le Grand Nord oublie ses morts du putsch manqué. Les enfants et les veuves encore en vie en veulent particulièrement à Paul Biya et aux originaires du Sud pour ce qui est arrivé. 

Paul Biya est bien malin, il fait entrer beaucoup d’originaires du département de la Bénoué dans le gouvernement (Tchiroma à la communication, Bello Bouba Maïgari au Tourisme et Loisirs. Adidja à l’éducation de base, Alim Hayatou Secrétaire d'état à la santé publique) mais en même temps il les éloigne du centre du pouvoir en les muselant par le poste qu'il leur donne et en faisant arrêter et jeter en prison le plus dangereux d'entre eux qui pouvait prétendre à la succession, Marafa Hamidou Yaya. La pléthore des originaires de la Bénoué au gouvernement est une façon pour Paul Biya d'avoir la paix, d'endormir les gens de cette partie du pays. Ils n'ont rien compris quand Sadou Hayatou a passé tout juste un an (1991-1992) comme Premier Ministre. 

Depuis, le Nord n'a plus accédé à un poste aussi élevé. En effet la primature est confiée aux anglophones depuis 1992... De l'agencement suivant Simon Achidi Achu (1992-1996); Peter Mafany Musonge (1996-2004) originaire du Sud-Ouest alors que son prédécesseur était du Nord-Ouest. Ephraïm lnoni (2004-2009) originaire du Sud-Ouest et enfin Yang Philémon depuis 2009 originaire du Nord-Ouest. Pendant ce temps, Cavaye Yéguié Djibril originaire de la région de l'Extrême-Nord est resté à la tête de l'Assemblée nationale. 


II- Que gagne Aminatou Ahidjo? 

Certaines personnalités du Grand Nord ont tôt compris que Paul Biya ne leur voulait pas du bien quand il s'est opposé à la candidature de Cavaye Yéguie Djibril aux sénatoriales. Ce dernier avait un plan bien simple: s'il était élu Sénateur, la présidence de la Haute Chambre ne pouvait que lui choir, lui revenir, puisque ayant été Président de l'Assemblée Nationale, Paul Biya ne pouvait que lui confier la tête du Sénat. Une fois de plus Paul Biya a joué de finesse et de ruse politique en confiant le poste de premier vice-président du Sénat à un Originaire du Nord. Le lamido de Rey-Bouba, l'ancien Ministre Aboubakary Abdoulaye. 

Une grosse prise et une caution. Paul Biya a pris dans ses filets un gros poisson en la fille d'Ahmadou Ahidjo. Aminatou mais il faut relativiser cette prise à notre avis. Cette jeune dame n'est pas connue du gotha politique du Grand Nord. Elle est là comme un cheveu dans la soupe. Paul Biya est gagnant sur toute la ligne. Sur le plan politico-sentimental il montre qu'il est un père de famille responsable, un père de la nation qui tend la main à tous, qui rassemble tous ses enfants du Nord au Sud et de l'Est à l'Ouest. Paul Biya divise les rangs de ses adversaires politiques du Grand Nord car il sait que la fille d'Ahidjo va entrainer avec elle quelques personnalités du Rdpc qui lui étaient déjà hostiles. Et même de l'Undp qui se réclamaient d'être les héritiers d'Ahmadou Ahidjo. Il applique là le célèbre adage «diviser pour mieux régner». 

Aminatou Ahidjo est une caution très politique pour Paul Biya. Le fait d'avoir accepté la main tendue de la fille de Ahidjo est une preuve pour lui qu'il n'a jamais rejeté la famille de processeur avec elle et qu'après avoir récupéré le fils, Mohamadou Ahidjo, aujourd'hui Ambassadeur itinérant, il fait preuve d'un nouveau geste de magnanimité en récupérant un autre des enfants Ahidjo. La seule vraie opposition qui reste dans la famille Ahidjo est la veuve Germaine. Si celle-ci n'a jamais été sensible aux multiples interventions des Camerounais ou des étrangers, peut-être que sa fille Aminatou qui sera une sorte de «Missi dominici» de Paul Biya pour la convaincre, va réussir à la faire revenir à des meilleurs sentiments. De l'argent du prestige, des honneurs. De l'argent surtout. Le problème de Paul Biya n'a jamais été l'argent mais son pouvoir, dont il est très jaloux. Et de son épouse Chantal Biya. Paul Biya a donc deux passions dans sa vie: son pouvoir et son épouse. L'argent! Il n'en a cure. Aminatou aura donc de l'argent à gogo qui va lui donner, (que lui a déjà donné en partie Martin Belinga Eboutou, le Directeur de cabinet civil) avec probablement un poste important dans le gouvernement. Pas un Ministère plein que pouvait prendre son frère aîné Mohamadou Ahidjo. Paul Biya pourrait la nommer comme conseiller spécial à la présidence de la République avec rang et prérogatives de Ministre. Et à l'occasion, son conseiller en communication politique, un poste laissé vacant depuis une douzaine d'années par Jacques Famé Ndongo actuel Ministre de l'Enseignement supérieur, un poste auquel s'y essayent Martin Belinga Eboutou et son adjoint Joseph Anderson Lé, journaliste de formation. 


Comment ou que feront Bello Bouba Maïgari, Tchiroma et autres 

Ils vont comprendre qu’il est difficile de tenir Paul Biya, de lui faire confiance. La présence d’Aminatou Ahidjo dans les rangs du Rdpc va certainement les gêner mais seulement, comme ils ne sont pas auprès de Paul Biya par idéologie ou affinités politiques, mais par intérêt financier et autres, ils vont s'aligner en douce. Car protester ne servirait à rien quand le Président du parti au pouvoir trouve son compte quelque part.



30/08/2013
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