Niger: La révolution démocratique par l'armée
Mahamadou Issoufou est le nouveau président élu du Niger. Il a été élu avec près de 58% des suffrages au deuxième tour de l'élection présidentielle. Il avait pour adversaire l’ex-Premier ministre Seïni Oumarou (42,05% des voix) qui a reconnu sa défaite et l’a félicité. Grâce aux militaires, le Niger se remet sur la voie de la normalité démocratique. Analyse.
Mahamadou Issoufou est le nouveau président élu du Niger. Il a été élu avec près de 58% des suffrages au deuxième tour de l'élection présidentielle. Il avait pour adversaire l’ex-Premier ministre Seïni Oumarou (42,05% des voix) qui a reconnu sa défaite et l’a félicité. Grâce aux militaires, le Niger se remet sur la voie de la normalité démocratique. Analyse.
Un
président de commission électorale nationale indépendante annonce des
résultats d’une présidentielle. Les scores donnent un opposant vainqueur
aux dépens d’un ancien homme d’appareil, ci-devant Premier ministre. Le
peuple applaudit ; chaque participant accepte l’issue du scrutin. Le
perdant reconnaît sa victoire et félicite l’heureux élu. Une scène rare
dans les arènes politiques de l’Afrique francophone. Pourtant, le Niger a
réussi l’exploit de la réaliser. Comme l’affirme Jean Baptiste Placca,
analyste de l’Afrique, la leçon est venue de là où on attendait le moins
!
Avec la prestation de serment du nouveau président prévue en
avril prochain, le pays d’Hamani Diori rentre dans la normalité
démocratique. Après près de deux ans de turbulence politique, le travail
du général Salou Djibo et son équipe remet en selle la réflexion sur le
rôle de l’armée en démocratie. Peut-elle se permettre d’investir le
pouvoir pour redresser une situation lorsqu’elle se rend compte que les
politiques tentent de faire basculer un pays dans l’incertitude de la
guerre ? Pour les puristes, il n’est pas question que l’armée prenne le
pouvoir par des voies qui ne sont pas consignées dans les textes
régissant la république. Mais les partisans de la realpolitik semblent
moins tranchés. Pour ces derniers, on peut être d’accord qu’une armée se
saisisse du pouvoir de force pour pacifier un pays et remettre le
pouvoir aux civils. C’est ce qui se passe en ce moment au Niger.
Lorsque
le Conseil suprême pour la restauration de la démocratie (Csrd)
renverse par coup d’État le président Mamadou Tanja le 18 février 2010,
un Conseil consultatif national est institué. Ce dernier décline son
calendrier : douze mois, à compter de la date de prise de pouvoir, pour
assurer une transition qui devrait conduire aux élections législatives
et présidentielle. Selon le calendrier, un nouveau chef d’État, civil,
devrait être investi en avril 2011. On est sur le chemin. Le Conseil
s’est battu pour faire revenir la confiance au Niger, notamment en
modifiant la Constitution tripatouillée par Mamadou Tanja pour se
maintenir au pouvoir. La nouvelle loi fondamentale a été promulguée le
25 novembre 2010 après le référendum du 31 octobre où 90,19% de
Nigériens ont voté pour le “ oui ”. Après quoi, toutes les élections ont effectivement eu lieu.
L’armée sauve la démocratie
La
transition a été effectivement transitoire; ici les militaires n’ont
pas pris le pouvoir par les armes pour le légitimer par les urnes comme
au Congo, au Tchad, en République centrafricaine, au Soudan ou ailleurs.
A partir de là, on peut considérer que la parole des militaires vaut
encore quelque chose, qu’on peut leur faire confiance dans certaines
situations. Le débat sur le rôle de l’armée en démocratie se ravive
davantage aujourd’hui au regard de la situation ivoirienne et libyenne.
On peut se demander si l’armée doit prendre le pouvoir en Côte d’Ivoire
pour empêcher que l’affrontement politique entre le pouvoir de Gbagbo et
le camp de Ouattara ne débouche sur la guerre civile, ou encore si
c’est le rôle d’une armée de bombarder des civils aux mains nues qui
osent revendiquer plus de droits comme en Libye.
En attendant que
chacun trouve des réponses appropriées à ce questionnement, on remarque
que des militaires ont souvent donné du sourire à des peuples en
Afrique. On se rappelle le coup d’Etat de Daouda Mallam Wanké en 1999 au
Niger pour mettre fin à la dictature de Ibrahim Baré Maïnassara.
Quelques mois après, les militaires ont organisé des élections libres,
celles-là même qui ont amené Tanja au pouvoir. Au Nigeria, suite à la
mort de Sani Abacha, l’armée est intervenue pour empêcher le désordre
politique; le général Abdul Salamy Abubakar a organisé l’élection à
l’issue de laquelle Olusengun Obasanjo est devenu président. Le cas
malien, avec Amadou Toumani Touré, se passe de commentaire. A
Madagascar, au Honduras, et ailleurs, face à la dérive autocratique de
présidents en exercice, l’armée a souvent obéi à d’autres institutions.
L’armée,
dans ces cas précis, sert de stabilisateur de la politique. Elle
devrait être comptée comme l’un des pouvoirs essentiels en démocratie.
La réflexion peut se poursuivre sur sa place. Mais pour le moment, elle a
sauvé le Niger… et l’a remis sur la piste démocratique. D’ailleurs, le
chef de la junte qui exerce ses derniers instants de pouvoir a tenu,
pour préserver la paix après lui, à faire signer un “ pacte républicain ” par lequel militaires et civils s’engagent à respecter la Constitution. C ’est tout dire…
Ibrahim FALL