Ni John Fru Ndi :Le chairman et les noces d’argent
L’occasion d’un anniversaire lui a plus ou moins permis de défendre le bilan de son parti et le sien.
On peut ne plus croire en sa capacité de mobilisation, du fait d’un jeu électoral teinté de fraudes qui a fini par pousser au renoncement ; mais le président national du Social Democratic Front (Sdf), Ni John Fru Ndi, est presque resté égal à lui-même. On s’en convainc par ses dernières sorties publiques, inscrites dans la mouvance des activités marquant la célébration du 25ème anniversaire de son parti, organisées du 16 au 26 mai 2015. Le combat, a-t-on lu entre les lignes, se poursuit. Jusqu’au moment où le Cameroun sera doté d’un système électoral dépouillé de tout préjugé.
Un discours qui n’a pas varié depuis le 26 mai 1990, date à laquelle, à la tête d’une équipe d’hommes courageux, John Fru Ndi a défié des forces du maintien de l’ordre à Bamenda pour presque imposer le Sdf, malgré la douleur provoquée par la disparition de six personnes, tombées sous les balles de quelques éléments incontrôlés. A l’époque, le Chairman était un homme charismatique, distillant des messages aptes à transformer la vie des Camerounais dans un environnement économique et financier morose.
En 1990, explique le Chairman, le Sdf était sorti pour rendre le pouvoir au peuple. Aujourd’hui, le leader du Sdf ne croît pas avoir cédé à la tentation : « Dans le langage politique camerounais actuel, l’air et les médias ont été pollués avec des histoires sans fondement que le Sdf a bu et mangé avec le Rdpc. Et que Fru Ndi a des milliards dans des comptes personnels », rejette le Chairman. Tout en ajoutant, pour sa défense et celle de son parti que : « Toutes ces tentatives étant de saper notre force, notre popularité et ternir l’image de notre leader. Ce qui est vrai est que je n’ai compromis ni notre vision ni notre mission. Et dans vos cœurs, vous savez que c’est vrai ». Les extraits du discours de John Fru Ndi, au lacement du 25ème anniversaire, le 16 mai 2015 à Yaoundé, indiquent à suffisance que ‘‘l’homme-fort de Ntarinkon’’, comme on l’appelle dans quelques milieux, tenait à se justifier. Afin de n’être pas comptable, le moment venu, d’une politique qu’il juge tatillonne de la part du parti au pouvoir. Ce n’est pourtant pas faute d’avoir essayé : « J’ai tendu une main de dialogue au président Paul Biya, lors de la célébration du 50ème anniversaire des forces armées à Bamenda [décembre 2010] comme un signe de ma bonne volonté vers la paix dans le pays, mais ce bon geste a été banalisé et pris plus comme une opportunité de pause photo », s’indigne-t-il. Les déceptions, John Fru Ndi, 74 ans, les égraine chronologiquement. Une manière d’indiquer à l’opinion qu’il s’éloigne du vice rédhibitoire. Ou encore de l’espièglerie qui caractérise certains hommes politiques.
Les Camerounais peuvent-ils facilement gober les arguments avancés par le Chairman ces jours-ci? Rien n’est moins sûr. Toujours est-il que, 25 ans après, John Fru Ndi décourage l’abandon du combat politique. « Ce régime a sacrifié la vie de la nation et le bien-être de ses citoyens pour renforcer le règne d’un seul homme. Il a déformé les propos pendant longtemps, en déplaçant le débat politique loin des réalités auxquelles nous sommes tous confrontés à une politique très triviale. Les élections qui sont le fleuron de la démocratie, sont entachées de fraudes massives, achat de voix et des résultats préfabriqués », dénonce John Fru Ndi. Avant de faire observer que : « Notre mission et vision ne portent pas sur un bureau ou sur un portefeuille ministériel, mais l’effet combiné d’une volonté politique pour recréer des institutions redoutables inscrites dans les lois qui régissent cette terre et respectées par tous pour le bien-être de tous ».
Libraire
On ne doute point avoir en face un socio-démocrate. L’avenir, il pense être promoteur : « Restez assurés que le Sdf, votre parti de choix est encore fort et plein d’énergie débordante. Nous ne vous avons pas déçu pendant les 25 dernières années ».
Il a d’ailleurs fallu attendre le 26 mai 2015 à Bamenda, pour revoir un John Fru Ndi des années 90, dans une diatribe contre ceux qui, au sein de l’opinion, sont considérés comme étant ses amis du Rdpc. Le Chairman n’a pas manqué d’admonester quelques dignitaires du Rdpc, venus se joindre à la fête, à l’instar de Jean Nkueté, représentant personnel de Paul Biya, et du sultan bamoun, Ibrahim Mbombo Njoya. En indiquant que « ceux qui refusaient l’existence du Sdf sont avec moi aujourd’hui pour célébrer… ». Les données ont sans doute changé. Pour cet homme qui a toujours caressé le rêve de devenir un jour locataire du palais d’Etoudi.
Jusque-là modeste libraire -il a créé au début des années 70 le réseau de librairies Ebibi Group of Bookshops-, John Fru Ndi a marqué, à sa manière, la scène politique camerounaise. Le 26 mai 1990 à Bamenda, il a pris la tête de plusieurs milliers de personnes pour lancer les activités du Sdf dont il demeure le leader. Après avoir essayé de briguer, au cours des années 80, sans succès, un siège à l’Assemblée nationale sous la bannière du Rdpc. De même que dans l’intervalle, il a été battu dans la course à la présidence de la section Rdpc de la Mezam par Simon Achidi Achu. L’ancien président de Pwd Fc de Bamenda sait aussi comment dribbler ses contradicteurs.
Michel Ferdinand | Mutations Publié : Vendredi le 29 Mai 2015 18:09:16