Nationalisme en Afrique: Comme Kadhafi, Obiang et Mugabe tiennent le gouvernail
Yaoundé, 19 Août 2013
© Henriette Assen et Mamouda Labaran | La Météo
Né à la fin du XVIIIe siècle, le nationalisme est un principe politique qui tend à légitimer l'existence d'un État-nation pour chaque peuple (initialement par opposition à la royauté).
Ce principe politique s'est progressivement imposé en Europe au cours du XIXe siècle et au début du XXe siècle. Les historiens ne présentent pas le nationalisme, en général, comme une idéologie, car il est peu et mal argumenté ou justifié par des intellectuels. Depuis son avènement, il est en revanche facilement présenté comme une évidence dans la vie politique et sociale. Le terme désigne également des mouvements politiques déclarant vouloir exalter une nation sous toutes ses formes (État, culture, religion, traditions, préférence nationale pour l'emploi...), par opposition aux autres nations et populations. Le nationalisme apparaît aussi, à partir du milieu du XIXe siècle, comme un sentiment national plus ou moins répandu et exalté au sein de la population d'un pays (le cas des États africains tels que le Ghana, la Côte d'Ivoire, la Libye, la Guinée Conakry, le Zimbabwe, la Guinée Équatoriale...), et s'invitant (surtout au XXe siècle) au sein de multiples doctrines ou idéologies politiques, allant du communisme (par exemple le concept de Patriotisme anti-impérialiste de Mao Zedong en Chine) et du fascisme (concept de Totalitarisme anticapitaliste de Benito Mussolini en Italie) jusqu'aux démocraties parlementaires, en passant par la Troisième Internationale léniniste. Ainsi, il a souvent servi de justification aux épurations ethniques du XXe siècle, peut-être parce que le sentiment national est devenu «puissamment mobilisateur», comme l'avaient compris dès le printemps des peuples de 1848 certains conseillers de dynasties européennes et ottomane.
Les causes du nationalisme
Nombre d’historiens s’accordent sur le fait que le nationalisme peut être considéré comme une volonté d'organiser la société suivant des principes en adéquation avec l'économie libérale naissante au XVIe siècle. Ils refusent toutefois de le considérer comme une simple conséquence mécanique de l'économie, montrant que sa mise en place, d'une région à l'autre du monde, a été très influencée par les dynamiques politiques locales et par les fonctionnements sociaux propres aux diverses populations. L'historien Bernard Michel, spécialiste de l'Europe centrale, considère que la diversité est telle qu'une vision synthétique de l'ensemble du nationalisme à l'échelle du monde, voire simplement d'un continent, est de peu d'efficacité et que «l'étude comparative des nationalismes prend tout son sens là où les réalités sont comparables». Éric Hobsbawm (historien britannique) souligne que ce lien entre nationalisme et économie libérale n'est pas du tout envisagé par les théories libérales du XIXe siècle qui, au contraire, considèrent les nations et leurs pouvoirs centralisés comme des freins au développement d'une économie mondiale que les économistes appellent de leurs vœux. Ernest Gellner montre que si une économie agraire peut se satisfaire d'une société où l'écriture et le savoir sont le privilège d'une minorité, et où l'en¬semble de la société est multiplement cloisonné, l'économie industrielle a besoin d'une homogénéité de la population et d'une interchangeabilité des individus (une «entropie sociale»), d'où la nécessité d'un large partage de l'écriture, du savoir, d'un langage commun et d'un égalitarisme.
Naissances et développements des nationalismes.
Si on considère en général que le nationalisme est apparu d'abord en Europe occidentale, avec en premier lieu le nationalisme romantique, Ernest Gellner soutient qu'une des premières manifestations culturelles de la transition vers la société industrielle est la Réforme protestante qui a consacré l'universalisation du sacerdoce et «constitue une préfiguration des attitudes et des traits sociaux qui, selon son modèle, produisent la période nationaliste». Benedict Anderson soutient que la réforme protestante et le «capitalisme de l'imprimé» ont profité l'un de l'autre pour accroître leurs audiences respectives. Benedict Anderson, soutient que le nationalisme a d'abord émergé dans les colonies européennes sur le continent américain, en lien avec la création d'une communauté linguistique via les progrès de l'imprimerie, focalisant ainsi l'attention sur les guerres d'indépendance en Amérique du Sud et l'indépendance des États-Unis qu'il considère comme la première création d'une nation. Dans tous les cas, nombre d'historiens admettent la typologie de l'historien tchèque Miroslav Hroch distinguant trois phases à savoir: le nationalisme, mouvement politique d'après 1870: Selon Éric Hobsbawm, à partir des années 1870, en Europe et ailleurs, le nationalisme change sur trois points essentiels: il n'y plus de seuil minimal du nombre de personnes pour qu'un groupe se considérant comme une nation revendique le droit à un État et un territoire; l'ethnie et la langue deviennent des critères centraux, voire les seuls, pour légitimer une nation; le thème de la nation, de la patrie, du drapeau subit un glissement politique «vers la droite».
- le nationalisation de la langue: en accord avec nombre d'historiens, Eric Hobsbawm note que «l'élément politico-idéologique est évident dans le processus de construction de la langue» qui peut aller jusqu'à «la création ou l'invention de nouvelles langues, la politique de la langue devient un exercice de formation de la société» et que «l'importance symbolique des langues prévaut sur leur utilisation effective», et aussi que les différentes classes sociales se sentent différemment concernées par ce thème, les plus fervents activistes venant de la couche intermédiaire modeste socialement mais instruite, en bref la «petite bourgeoisie».
- le racisme et les hostilités entre nations: à ce sujet, les avis des historiens divergent quant à leur lien avec le nationalisme. Benedict Anderson souligne que la nation inspire surtout l'amour, un amour qui «va souvent jusqu'au sacrifice», le nationalisme pensant en termes de «destin historique» alors que le racisme rêve de «domination éternelle» et trouve son origine dans les idéologies de classes, «surtout dans les prétentions des dirigeants à la divinité, et chez les aristocraties», dans un but de répression et de domination intérieures; ce qui se retrouve aussi dans le racisme des «bourgeois gentilshommes» des empires coloniaux européens, alors que dans les mouvements nationalistes des décolonisations les manifestations de haine envers les colons sont très rares.
Exemples de définitions et de classements de nationalismes.
Le politologue Denis Monière classe le nationalisme sous deux typologies: une typologie dite «classique», basée sur les critères d'appartenance, qui fait la distinction entre le nationalisme civique ou politique et le nationalisme ethnique ou culturel. Chacun renvoie à une conception de la nation bien particulière; et une seconde, basée sur des critères basés sur les objectifs, comprend quatre groupes: nationalisme de domination, nationalisme de libération, nationalisme de conservation, nationalisme de revendication.
© Henriette Assen et Mamouda Labaran | La Météo
Né à la fin du XVIIIe siècle, le nationalisme est un principe politique qui tend à légitimer l'existence d'un État-nation pour chaque peuple (initialement par opposition à la royauté).
Ce principe politique s'est progressivement imposé en Europe au cours du XIXe siècle et au début du XXe siècle. Les historiens ne présentent pas le nationalisme, en général, comme une idéologie, car il est peu et mal argumenté ou justifié par des intellectuels. Depuis son avènement, il est en revanche facilement présenté comme une évidence dans la vie politique et sociale. Le terme désigne également des mouvements politiques déclarant vouloir exalter une nation sous toutes ses formes (État, culture, religion, traditions, préférence nationale pour l'emploi...), par opposition aux autres nations et populations. Le nationalisme apparaît aussi, à partir du milieu du XIXe siècle, comme un sentiment national plus ou moins répandu et exalté au sein de la population d'un pays (le cas des États africains tels que le Ghana, la Côte d'Ivoire, la Libye, la Guinée Conakry, le Zimbabwe, la Guinée Équatoriale...), et s'invitant (surtout au XXe siècle) au sein de multiples doctrines ou idéologies politiques, allant du communisme (par exemple le concept de Patriotisme anti-impérialiste de Mao Zedong en Chine) et du fascisme (concept de Totalitarisme anticapitaliste de Benito Mussolini en Italie) jusqu'aux démocraties parlementaires, en passant par la Troisième Internationale léniniste. Ainsi, il a souvent servi de justification aux épurations ethniques du XXe siècle, peut-être parce que le sentiment national est devenu «puissamment mobilisateur», comme l'avaient compris dès le printemps des peuples de 1848 certains conseillers de dynasties européennes et ottomane.
Les causes du nationalisme
Nombre d’historiens s’accordent sur le fait que le nationalisme peut être considéré comme une volonté d'organiser la société suivant des principes en adéquation avec l'économie libérale naissante au XVIe siècle. Ils refusent toutefois de le considérer comme une simple conséquence mécanique de l'économie, montrant que sa mise en place, d'une région à l'autre du monde, a été très influencée par les dynamiques politiques locales et par les fonctionnements sociaux propres aux diverses populations. L'historien Bernard Michel, spécialiste de l'Europe centrale, considère que la diversité est telle qu'une vision synthétique de l'ensemble du nationalisme à l'échelle du monde, voire simplement d'un continent, est de peu d'efficacité et que «l'étude comparative des nationalismes prend tout son sens là où les réalités sont comparables». Éric Hobsbawm (historien britannique) souligne que ce lien entre nationalisme et économie libérale n'est pas du tout envisagé par les théories libérales du XIXe siècle qui, au contraire, considèrent les nations et leurs pouvoirs centralisés comme des freins au développement d'une économie mondiale que les économistes appellent de leurs vœux. Ernest Gellner montre que si une économie agraire peut se satisfaire d'une société où l'écriture et le savoir sont le privilège d'une minorité, et où l'en¬semble de la société est multiplement cloisonné, l'économie industrielle a besoin d'une homogénéité de la population et d'une interchangeabilité des individus (une «entropie sociale»), d'où la nécessité d'un large partage de l'écriture, du savoir, d'un langage commun et d'un égalitarisme.
Naissances et développements des nationalismes.
Si on considère en général que le nationalisme est apparu d'abord en Europe occidentale, avec en premier lieu le nationalisme romantique, Ernest Gellner soutient qu'une des premières manifestations culturelles de la transition vers la société industrielle est la Réforme protestante qui a consacré l'universalisation du sacerdoce et «constitue une préfiguration des attitudes et des traits sociaux qui, selon son modèle, produisent la période nationaliste». Benedict Anderson soutient que la réforme protestante et le «capitalisme de l'imprimé» ont profité l'un de l'autre pour accroître leurs audiences respectives. Benedict Anderson, soutient que le nationalisme a d'abord émergé dans les colonies européennes sur le continent américain, en lien avec la création d'une communauté linguistique via les progrès de l'imprimerie, focalisant ainsi l'attention sur les guerres d'indépendance en Amérique du Sud et l'indépendance des États-Unis qu'il considère comme la première création d'une nation. Dans tous les cas, nombre d'historiens admettent la typologie de l'historien tchèque Miroslav Hroch distinguant trois phases à savoir: le nationalisme, mouvement politique d'après 1870: Selon Éric Hobsbawm, à partir des années 1870, en Europe et ailleurs, le nationalisme change sur trois points essentiels: il n'y plus de seuil minimal du nombre de personnes pour qu'un groupe se considérant comme une nation revendique le droit à un État et un territoire; l'ethnie et la langue deviennent des critères centraux, voire les seuls, pour légitimer une nation; le thème de la nation, de la patrie, du drapeau subit un glissement politique «vers la droite».
- le nationalisation de la langue: en accord avec nombre d'historiens, Eric Hobsbawm note que «l'élément politico-idéologique est évident dans le processus de construction de la langue» qui peut aller jusqu'à «la création ou l'invention de nouvelles langues, la politique de la langue devient un exercice de formation de la société» et que «l'importance symbolique des langues prévaut sur leur utilisation effective», et aussi que les différentes classes sociales se sentent différemment concernées par ce thème, les plus fervents activistes venant de la couche intermédiaire modeste socialement mais instruite, en bref la «petite bourgeoisie».
- le racisme et les hostilités entre nations: à ce sujet, les avis des historiens divergent quant à leur lien avec le nationalisme. Benedict Anderson souligne que la nation inspire surtout l'amour, un amour qui «va souvent jusqu'au sacrifice», le nationalisme pensant en termes de «destin historique» alors que le racisme rêve de «domination éternelle» et trouve son origine dans les idéologies de classes, «surtout dans les prétentions des dirigeants à la divinité, et chez les aristocraties», dans un but de répression et de domination intérieures; ce qui se retrouve aussi dans le racisme des «bourgeois gentilshommes» des empires coloniaux européens, alors que dans les mouvements nationalistes des décolonisations les manifestations de haine envers les colons sont très rares.
Exemples de définitions et de classements de nationalismes.
Le politologue Denis Monière classe le nationalisme sous deux typologies: une typologie dite «classique», basée sur les critères d'appartenance, qui fait la distinction entre le nationalisme civique ou politique et le nationalisme ethnique ou culturel. Chacun renvoie à une conception de la nation bien particulière; et une seconde, basée sur des critères basés sur les objectifs, comprend quatre groupes: nationalisme de domination, nationalisme de libération, nationalisme de conservation, nationalisme de revendication.